mercredi 2 novembre 2022

MARCEL PROUST. Promenade. Vagabondage.

MARCEL PROUST.
LA FABRIQUE DE L'ŒUVRE
BnF. Site François-Mitterand, Paris
Du 11 octobre 2022 au 22 janvier 2023


Il ne s’agit pas ici de n’importe quelle promenade ou vagabondage. Même si les aléas y tiennent une place centrale et qu’ils obéissent à de secrets et puissants ressorts: toute le vie de l’inconscient et la rumeur incessante de la vie et des choses en ce monde. Bruissant autour d’une des œuvres littéraires les plus importantes du XXe siècle.

Voyage donc au cœur même de l’Œuvre et de sa substantifique moelle. En suivant le fil des publications - qui fonctionnent ici comme de solides balises, alors que les ajouts, retours et repentirs mémoriels ou autres abondent dans le parcours de Marcel Proust qui n’hésite pas - des années après le premier jet d’un texte - à reprendre des fragments de celui-ci et les greffer au cœur d’un nouvel ensemble.

Ce voyage s’effectue dans le sillage et la texture même des manuscrits et diverses « paperoles » (suivant le terme employé par Céleste Albaret, sa fidèle gouvernante). Le tout est ici présenté de manière « limpide ». Légère. On suit aisément le parcours des repentirs, ainsi que ces passages biffés que l’on retrouve souvent - déplacés ailleurs.

Paperoles du fonds Proust.
BnF, département des Manuscrits ©BnF


On entre bien dans la « fabrique de l’œuvre " - dans la texture de l’écrit -. et pouvons suivre in vivo les méandres de la création proustienne.

Une des autres révélations de cette exposition, est la mise en lumière de tout un pan du contexte de cette œuvre souvent laissé en arrière-plan, à savoir la porosité comme « météorologique » de Proust aux impressions, sensations, menus événements de la vie quotidienne ou mondaine. Un certain air du temps ici véhiculé par des tableaux (Turner, Renoir, etc.), des vêtements (une somptueuse - et si légère - robe de Fortuny : on sait que Proust avait pu en admirer à Venise et que le bruissement des robes de la duchesse de Guermantes ne le laissait pas indifférent).

Impressionnable, Marcel Proust. Dans tous les sens du terme. Sans oublier, bien sûr, ces émois liés au paysage et à l’air du temps si bien révélés par les paysages de Turner et la peinture impressionniste.

D’autres objets et évènements ponctuent ce parcours. Des photographies (le petit train de Cabourg, ses proches comme Alfred Agostinelli son chauffeur et secrétaire bien connu, Céleste Albaret qui fut sa servante indispensable, et qui finit peu à peu par l’accompagner un peu en tout, y compris dans une certaine forme de gestion ou mise en ordre de ses papiers, ainsi que dans la facilitation de ses rapports avec l’extérieur), articles de journaux (l’Affaire Dreyfus, la Déclaration de guerre, etc.), objets (secrétaires, carnets, etc.) et vêtements (pelisses et robes de chambres, etc.).

A la recherche du temps perdu ? Et des impressions évanouies qui, tout à coup, au hasard et au détour d’une sensation quelconque, réapparaîtront, se dépliant dans toute leur fraîcheur, tels ces minuscules ingrédients japonais qui - au contact de l’humidité - retrouvent couleur, volume, sensualité. - J’ai été heureuse d’apprendre que la petite madeleine était originellement un morceau de pain grillé. Chacun a effectivement sa « petite madeleine » et les souvenirs qui lui sont afférents.

Revenons à l’atmosphère de « légèreté » que j’ai perçue dans cette exposition. A rebours des ordinaires expositions consacrées aux manuscrits des écrivains. — Ceci bien sûr n’enlève rien au sérieux de l’ensemble, mais rapproche davantage du cœur même de la « fabrique Proust ".

En 1919, Marcel Duchamp adresse à sa sœur un singulier « cadeau » ; il lui conseille de s’emparer d’un manuel de géométrie, de suspendre ce fascicule à son balcon à l’aide de cordes. Tout cela de façon à ce que le vent puisse s’engouffrer dans les pages du livre et bousculer et déchirer les pages.

Imaginons une installation composée de facs-similés (rassurons les conservateurs ; il ne s’agirait que de facs-similés) de quelque-uns des manuscrits de Proust contenant quelques belles paperoles. - Le tout serait ensuite attaché à un support et installé dans un jardin en plein vent ou dans une galerie d’art, au côté d’un ventilateur en marche. - On imagine le joyeux déploiemesnt des pages et des bandes de papier…

De quoi donner le tournis à l’ensemble du petit (et grand) monde littéraire.

Télécharger le dossier de presse en PDF.

Nota Bene: On ne manquera pas de regarder attentivement, dans ce dossier, le plan de l’exposition - qui est à lui seul tout un programme de recherche et un avant-goût à la déambulation dans l’œuvre.

Marcel Proust, Cahier 12, 1909. « Le Bal de têtes »
Manuscrit autographe et dessin.
Bnf, Département des manuscrits ©BnF.


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