jeudi 23 avril 2009

"Antonin Artaud, entre totem et tabou". Une "victime" récalcitrante. Réponse à Thierry Savatier.

Merci à vous, Thierry Savatier, pour votre pénétrante et perspicace lecture de L'Affaire Artaud et cet article sur votre blog. - Rien à ajouter au corps de votre texte. Les quelques réticences finales me sont, en revanche, fort utiles. Elles me permettront de lever (ou tenter de lever) quelques malentendus ou divergences d'interprétation.

Cet ouvrage, tout d'abord, n'a rien d'un "essai" ou d'un libre vagabondage intellectuel sur L'Affaire Artaud. Ce livre est strictement contraint et par son sujet (particulièrement dense sur le plan informatif) et par la méthode utilisée. Celle-ci oscille entre une analyse de type historique (précisément référencée) et ce que l'on pourrait nommer des "chroniques" de l'Affaire : le répertoire au jour le jour des faits, des événements et de ces réactions ou ces "humeurs" qui furent les miennes en réponse à ces événements. D'où la dénomination de "journal ethnographique", essentielle pour comprendre l'ensemble.

D'où, aussi, la redondance de certains éléments, inévitable à partir du moment où j'ai opté pour cette stratégie, et même si j'ai bien élagué certains documents. Vous notez d'ailleurs que j'ai une parfaite conscience de cette redondance. Elle fut une constante de l'Affaire et j'ai souhaité (peut-être à tort) que le spectateur partage quelque peu cette impression de "disque rayé" qui fut la mienne durant 25 ans.

En ce qui concerne maintenant une certaine insistance concernant mon "statut" d'intellectuelle, n'oubliez pas que l'histoire que je retrace ici fut celle d'un long combat. Et d'un combat particulièrement difficile. Personne ne pouvait me croire en se fiant à ma "bonne mine" ou à mes seuls arguments. Je n'ai longtemps eu comme seule situation à partir de laquelle "parler" ce seul statut d'universitaire ou "d'intellectuelle" qui était - de fait - le mien. Et, contrairement à ce que vous croyez (peut-être un peu rapidement), ce statut, on n'a eu de cesse de le nier ou de le contester. L'exemple le plus évident en est l'attitude de la presse dite culturelle qui a longtemps tout bonnement nié mes travaux. D'une manière dont il faut bien dire qu'elle fut soigneusement "orchestrée". - Lors du débat du Mans, Josyane Savigneau me reprocha d'être "non conséquente". Et comme j'avais l'air surpris de cette dénomination, elle insista tout aussitôt sur les différents sens possibles du terme... C'était bien ma capacité à penser "normalement" qui était en permanence contestée. Ce qui évidemment ne manquait pas de sel, mais constituait un fait.

D'où ce que vous avez bien perçu comme une position "victimaire". - Vous n'avez donc pas tort sur ce point et (dois-je le dire) c'est un des aspects du livre qui a été pour moi le plus difficile à tenir et laisser passer. Car une telle "posture" n'est pas dans ma nature. Passer sous silence, gommer ou amoindrir cet aspect aurait été contraire à l'établissement des faits. Il fut toutefois un moment où, vu l'ampleur du champ des mesquineries, j'ai décidé sur ce point de ne pas tout "énumérer" et dire. Ce qui aura permis au lecteur d'échapper au récit de quelques coups fourrés assez confondants.

À l'instar de beaucoup d'autres lecteurs, vous aurez sans doute perçu que je ne fus pas, pour ceux qui n'avaient de cesse de me réduire à l'état de "victime", une proie commode. Au grand dam de mes "interlocuteurs", j'ai toujours été particulièrement réactive. Mes lettres ouvertes au Monde et à Libération, les divers débats menés, les livres publiés dans des conditions qui en auraient rebuté plus d'un, les stratégies et jeux à mener, tout cela prouve à l'évidence que le rôle de victime ne me convient guère, voire pas du tout. Ce livre sur L'Affaire le démontre amplement, qui représente une pièce importante et jubilatoire d'un combat mené à l'encontre de pouvoirs très établis,

Article de Thierry Savatier à lire sur le blog : www.savatier.blog.lemonde.fr

Karen Elaine Spencer - Rêves à la poste [pour Granby].

©FDM

Mars 2009 : Je reçois du Québec une singulière missive :
"14 mars, 2009.
Chère Madame Florence de Mèredieu,
J'ai rêvé qu'il manquait une aile à l'oiseau "Hicky".
Sincèrement.
Karen Elaine Spencer"


Parce que j'aime les choses étranges et que la mention du 3e Imperial (Centre d'essai et d'expérimentation en art contemporain) me met sur la voie d'une procédure vagabonde, j'adresse en retour à Karen Elaine Spencer la carte reproduite ci-dessus, une photo prise en Chine en 2002. Avec cette légende : "Les oiseaux se sont envolés pour Pékin. Mais ils s'interrogent..."

Avril 2009 : la clef de l'énigme m'est fournie par un mail en provenance du 3e Imperial.
En résidence d'artiste, dans le cadre du programme d'"art infiltrant" mis en place par ce centre d'art, Elaine Karen Spencer a noté au vol au petit matin quelques bribes de ses rêves. Elle a ensuite adressé par voie postale quelque 625 missives à des inconnus, en majorité des habitants de Granby, petite ville du Québec.

Voir les informations et le reportage sur le travail de l'artiste sur le site www.3e-imperial.org/cyber-reportages/karen-spencer

dimanche 12 avril 2009

Le polar de L'AFFAIRE ARTAUD (Fayard, 2009).

Merci à Pierre-Louis Basse pour, en direct sur Europe 1 et en ce dimanche de Pâques, les imprécations d'Artaud sur les vivants et les morts (Aliénation et magie noire). Et pour la voix de Denise Colomb (remixée par Christophe sur fond de piano) évoquant cette "petite merveille" en jupe plissée que fut Colette Thomas lors de la soirée de 1946 au Théâtre Sarah-Bernhardt (It Must Be A Sign).

Artaud, personnage central de cette énigme que constitue l'Affaire de ses dessins et manuscrits, disparus, envolés, réapparus, et dont le contenu fit l'objet de tant et tant de transformations et jeux de passe-passe. Des lecteurs aussi me le disent : vous avez écrit un polar ! Les personnages y sont hauts en couleur, les rebondissements de l'affaire savoureux et l'on y découvre bien des secrets jusqu'ici soigneusement gardés. Y jouer les Sherlock Holmes et les Hercule Poirot fut pour moi bien divertissant. D'autant que tout, dans cette histoire, est vrai.

LIBÉRATION - "L'Affaire des manuscrits d'Artaud, Thèse et antithèse."

L'article de Jean-Pierre Thibaudat est désormais accessible sur Internet (site de Libération). - La Lettre ouverte rédigée par moi en réponse à cet article (L'Affaire Antonin Artaud : Infaillibilités pontificales, 1995), lettre qui ne fut jamais ni publiée, ni mentionnée par Libération (pas plus que par quiconque) fait l'objet d'une publication intégrale dans mon livre L'Affaire Artaud (Fayard, mars 2009)

Libération répondra-t-il enfin à cette lettre ?
Rendra-t-il compte de l'ouvrage ?
Le silence perdurera-t-il ?


Les paris sont ouverts.

Lettre ouverte à Josyane SAVIGNEAU (Le Monde).

Pour les très bons et attentifs lecteurs de L'AFFAIRE ARTAUD, un échantillon de la lettre au Monde de septembre 1994. Cet extrait concerne la transcription des manuscrits du tome XXVI des Œuvres complètes d'Antonin Artaud :

"Ne peut-on soumettre ces manuscrits à un traitement scientifique permettant d'isoler les différentes couches d'écriture ? Il existe aujourd'hui des méthodes de traitement des manuscrits plus modernes que le recours à la loupe et à la lumière rasante. Des laboratoires français d'analyse textuelle ont déjà montré leur savoir faire en ce domaine.

Ne pourrait-on en faire profiter les manuscrits d'Artaud ?

Chacun de ces points appellerait un débat. La reponctuation, par exemple, de ces textes nous apparaît à nous comme une atteinte grave. Aussi grave que celle qui consisterait à laver le texte de Céline de ses insistants et répétitifs points de suspension... Aurait-on, d'un côté avec Céline, un trop-plein de points de suspension et, de l'autre avec Artaud, une pénurie de virgules ?
Ponctuer le texte d'Artaud revient en l'occurrence à assagir, ralenti et domestiquer le cours d'une pensée et d'une plume qui apparaît sur le manuscrit autographe comme particulièrement rapide, cursive, ne s'embarrassant précisément d'aucun arrêt et d'aucune stase. Et, là encore, arguer de la précise ponctuation par Artaud de textes antérieurs et "achevés", ne peut constituer un argument. La reponctuation de ces textes les dénature profondément.

Reste à savoir si le même "parti pris d'édition" a été appliqué à l'ensemble des inédits et aux tomes antérieurs des Œuvres complètes en cours de publication chez Gallimard ? La note inaugurale du tome XV, à laquelle Paule Thévenin se réfère dans le tome XXVI, le laisserait supposer. En l'absence, toutefois, de toute référence possible aux manuscrits d'Artaud, la question reste ouverte...

À toutes nos objections on rétorquera la passion, l'amitié, le dévouement, un long dévouement. Ceux-ci ne sont pas en cause. Mais ce ne sont, en aucun cas, des critères permettant de justifier du mode de transcription des manuscrits d'un auteur, le droit de l'auteur demeurant inaliénable.
Parmi les divers arguments qui ont pullulé ces dernières années, l'un d'eux m'est toujours apparu comme des plus étranges : celui qui consiste à soutenir que "seule Paule Thévenin" pouvait déchiffrer et transcrire les manuscrits d'Artaud. En plein XXe siècle, quel étrange critère, si peu scientifique, si troublant. Qu'est-ce qu'un texte qu'une seule personne pourrait déchiffrer ? Se l'est-on demandé ?

De quoi parle-t-on aujourd'hui ? A quoi s'intéresse-t-on ? À l'œuvre d'Artaud ? Ou à l'"œuvre" de Paule Thévenin ? Un transcripteur n'a pas pour vocation de rester anonyme, mais il a assurément pour vocation d'être transparent. Est-ce ici le cas ? Et que cherche-t-on à dissimuler derrière ce tonitruant anonymat ?
"Artaud réincarné" titrait l'an passé, le Magazine littéraire, en tête d'un article dont on pouvait se demander jusqu'à quel point il prenait cette affirmation au pied de la lettre ! - Les intellectuels ont parfois de ces dérives..."
(L'Affaire Artaud, Journal ethnographique, Fayard, mars 2009, pp. 10-12 du document)

Ferdière et L'ORIGINE DU MONDE (de Courbet).

Pour Bernard Teyssèdre.


Ferdière fut proche des surréalistes et des surréalistes belges. Sa dernière compagne, peintre, fut Jane Graverol, elle-même très active dans les milieux surréalistes belges et qui connut bien Magritte. Il est donc plausible (mais pas certain) que cette dernière ait pu réaliser une copie du tableau possédé par Lacan. D'autant que Ferdière connaissait Lacan depuis la fin des années 1930. Et qu'ils partageaient assurément le même goût pour les "curiosa" et œuvres insolites dont pouvait relever, à l'époque, le tableau de Courbet.
Peu conventionnel, avec des tendances anarchistes, Ferdière fut parfois en délicatesse avec sa hiérarchie. Ce qui peut expliquer son absence du comité de rédaction de certaines revues, comme Aesculape.