lundi 26 octobre 2009

FIAC 2009 : "Poetic economy" - ARISTARKH CHERNYSHEV

Aristarkh CHERNYSHEV, Poetic economy
(internet connected infosculpture, ed. 7, 2005, XL Gallery)
Photographie ©FDM, 2009

Cette œuvre d'un artiste russe familier d'Internet se base sur le système contemporain des réseaux de communication et du jeu boursier.

L'artiste met en scène le court-circuit et raccourci poétique résultant de la rencontre de deux chaînes d'information indépendantes : le fameux monologue de Shakespeare, "To be or not to be", et le relevé du cours de la bourse, qui nous parvient ici en direct, par le truchement du système de liaison Bluetooth.

À l'intersection et à la jointure des deux systèmes : une cassure. Les messages se fissurent au sein de ce qui n'est plus ni un échangeur ni un transformateur, mais un simple instrument de délitement, d'effacement.

Les messages s'aventurent désormais dans une autre galaxie. Poétique. Invisible.

Lien : www.xlgallery.ru

FIAC 2009 : "L'INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ" DU LUXE

©FDM, 2009

198 galeries exposent à Paris un échantillon du meilleur de leur production. La qualité est au rendez-vous et sous les verrières du Grand Palais, on a tout loisir d'admirer les Maisons fantômes de Rachel Whitehead, poupées de laine de Louise Bourgeois, installations d'Annette Messager et Christian Boltanski, les toiles cotonneuses de Manzoni, œuvres au noir de Soulages et les étonnantes sculptures hyperréalistes de Duane Hanson. Son effigie d'adolescent est surprenante à plus d'un titre. Exposée sur le stand d'Emmanuel Perrotin, la réduction d'échelle (naturelle) du personnage l'apparenterait presque à un Maurizio Cattelan.

Le plaisir esthétique est donc bien au rendez-vous. Y compris dans le stand de prestige réservé à quelques œuvres de prix et de poids : Picasso, Bacon, Brancusi, etc.

Le sentiment d'ensemble qui se dégage de cette Fiac s'avère, pour le reste, représentatif d'une grande partie de l'art produit ces toutes dernières années : un art de plus en plus léger. Très people et très "mode". Un art du paraître. Fait pour ne pas choquer, ne pas heurter. Ou juste ce qu'il faut ! Juste ce qui "convient".

Cet art est coloré, amusant, parfois comique ou dérisoire. Il s'agit souvent d'œuvres dont on saisit d'emblée quelle place elles peuvent trouver au sein d'intérieurs très design et eux aussi très "mode".

Cet art-là est, par rapport à la violence et aux actuels enjeux de notre société, de plus en plus décalé. Disjoint. Il ne se réfère qu'à l'écume de la réalité.

Sur le trottoir ce matin, près de l'Opéra de Paris, un SDF, un de ceux qu'autrefois on appelait un clochard, avait étalé sur le pavé mouillé des coupelles fabriquées à l'aide de canettes de soda métalliques. Colorés, dérisoires, et en un certain sens très "mode", ces objets auraient pu figurer sur certains stands de la Fiac.

Mais la relation était ici inversée. C'étaient ces pacotilles sur le trottoir, ces rebuts de la société de consommation, qui me renvoyaient comme un curieux reflet de l'actuel monde de l'art.

mercredi 21 octobre 2009

EDGAR VARÈSE ET GARY HILL : HALTE AU "TOUT IMAGE"

Edgar Varèse

Le Festival d'automne nous a récemment offert "Edgar Varèse 360°". Avec quelques-unes de ces pièces visionnaires (Hyperprisme, Octandres, Amériques, etc.) qui font de Varèse un découvreur et bien plus qu'un pionnier de la musique contemporaine. Un moderne à part entière. - Influences orientales. Musique concrète. Maîtrise de la dissonance. Et jusqu'à cette dimension spatiale, plastique et "imagée" du son.

C'est là toutefois que surgit un gigantesque malentendu. Il n'est pas besoin d'ajouter des images (et en l'occurrence un environnement vidéo) à la musique de Varèse pour en percevoir la dimension plastique. Bien au contraire. Cette plasticité du son surgit naturellement du timbre et de l'étagement des sonorités. La musique engendre ses propres images. C'est là le miracle de ce que l'on nomme la "synesthésie" ou correspondance entre les sens.

L'appel donc à ce grand vidéaste qu'est Gary Hill (rendons hommage au passage à son œuvre plastique) est ici non seulement inutile, mais néfaste. Cette démarche est réductrice. Cette multiplication d'images (de synthèses ou d'enregistrement d'objets) s'avère anecdotique. Futile.

Pour retrouver la dimension plastique et colorée de la musique de Varèse, il me fut nécessaire, durant le concert, de fermer les yeux.

Halte donc à la vogue du "TOUT IMAGE". L'image aussi est chose fragile. Il ne sert à rien de la galvauder. Il convient de retrouver le sens de la rareté de l'image.

Ce pourquoi j'apprécie tant la pureté des jardins zens.

Le son aussi parfois m'y est donné : sous les espèces d'une ride, d'un plein.

Ou d'un vide...

samedi 17 octobre 2009

L'AFFAIRE ARTAUD : Tables des matières (Fayard, 2009)

Préambule
Prologue : 4 mars 1948. — La scène originaire

1 — La fille placée "en sentinelle"

Un destin posthume. — La question du legs. — Une efficace sentinelle. — Artaud, Paule et Jean Genet. — Un bien curieux anonymat. — Quelques voix divergentes. — De quelques rituels funéraires : la dépouille, les fétiches et les clous. — Une malle voyageuse. — Un auteur sous tutelle, une famille présumée bigote. — Cette autre "tutelle" de Paule Thévenin. — Les "deux" familles.

2 — 1946-1959 : des années décisives

Les relations de Gallimard et de la famille Artaud. — Des dissensions apparaissent entre le frère et la sœur. — Fernand Artaud : l'ombre ou le négatif d'Antonin. — Fernand Artaud ne badine pas avec certaines "outrances verbales".

3 — 1981. Comment j'entre dans l’Affaire Artaud

Dans la tanière du dragon. — 1982 : Des tractations très secrètes. — 1983-1984 : Portraits et Gris-gris. — Interdits de reproduction (première censure). — Interdits de reproduction (suite) : une chasse aux images. Des collectionneurs sous "influence". — Entrée en lice de Monsieur le ministre d’État. — Interdiction "ministérielle" de reproduction. — Une expérience éditoriale. — Lendemains de fête : Gallimard, finalement, change d’avis. — 1986 : Portraits et dessins par Paule Thévenin et Jacques Derrida.

4 — "L’héritier des héritiers"

Une "armoire" vide. — Le rebondissement de l’Affaire. — Oralité et transmission : la Dactylographe inspirée. — 1991 : des soutiens de poids. — 1991 : Art Press à l’offensive. — Un protocole d’accord (février 1991). — "Libérez Artaud !" — Une somme de travail. — 1992 : l'élargissement du débat : "À qui appartiennent les écrits posthumes ?" — L’amalgame des "Affaires". — La "valeur marchande" des manuscrits et des dessins : une réévaluation. — De nouveaux effets de censure induits par l’Affaire Artaud.

5 — 1993 : une année charnière

"Artaud, ce Désespéré…" — Un droit de citation. — Le retour de la "sentinelle". — Colloque à Montréal. — 25 septembre 1993 : mort de Paule Thévenin.

6 — 1994 : l’affaire de la transcription des manuscrits

Le Nouvel Observateur. — Débat au tribunal. — Un certain article du Monde. — Lettre ouverte à Josyane Savigneau (Le Monde). — Œuvres posthumes, Œuvres complètes. — La réaction de quelques intellectuels. — La première page du manuscrit : une singulière transcription. — De Philippe Sollers à Serge Malausséna. — Une lettre (non envoyée) à la communauté intellectuelle. — La question juridique. — Le Monde et le "coupé-collé Macintosh". — De quelques incidences de l’Affaire. — Le Trésor de la Bibliothèque nationale de France. — Mars 1995 : Ouverture du Salon du Livre au Grand Palais. — Libération, 21 mars 1995 : une enquête unilatérale. — 16 octobre 1995, Salon du livre du Mans : "Artaud toujours en débat". — Rodez, 26 mai 1996 : Journées Antonin Artaud.

7 — Le grimoire et l’écriture magique

Les premiers pas d’une Muse. — Lisible, Illisible. — Artaud, "Paule" et Jacques Prevel : les avatars d’une édition. — Une lecture ligne à ligne. — Le "futur" Cahier d'Ivry. — Les Cahiers d’Artaud. — Petite chronique d’un colloque annoncé : Barcelone 2009. — L’héritage de Paule Thévenin.

8 — Nos amis les psychiatres…

Une "affaire" dans l’"Affaire". — Le docteur Ferdière, — Gaston Ferdière : un paravent commode. — Jacques Latrémolière : un médecin très chrétien. — 1996, deux visions de la même réalité : Sur l’électrochoc, le cas Antonin Artaud ; Artaud et l’Asile 2 Le Cabinet du Dr Ferdière. — Les traitements de choc : les dénégations du corps médical. — L’électrochoc, la psychiatrie et les réactions de la presse. Le Monde amorce un tournant. — Une double censure. — Derrida et le "chantier" psychiatrique. — Un serpent de mer : le dossier médical d’Artaud. — Une exposition en trompe-l’œil. — De l’électrochoc comme pratique d’art-thérapie ?— Les électrochocs de Ville-Évrard. — Le cabinet de curiosités du Dr Venet. — La Comptine à Roudoudou. — Une interview "roborative". — Résistances. — Des secrets bien gardés. — La thèse du Dr Fouks. — L’Asile de Rodez, au moment de l’arrivée d’Artaud. — Des informations périphériques. — La forteresse psychiatrique. — La "Société des amis", le temps des "tribus".

9 — Un inconscient "déstructuré façon Mômo"…
Où comment l’Affaire Artaud investit le champ psychanalytique


De la "famille posthume" (façon Ferdière) au "corps imposthume" (d’un Artaud revisité par Bernard Noël). — "Artaud et Paule" retravaillés par la psychanalyse. — Les marionnettes d’Internet. — Totem et Ancêtre Mythique.

10 –— Jeux et enjeux de la presse écrite
Petite Anthologie des années 1946-2002


1946-1948 : Une atmosphère de Grand Guignol. — 1950 : premiers combats, premières pétitions. —1950 : Combat monte à nouveau en ligne. — 1950 : premières lettres de soutien. — Les Réactions. — Et la légende répondit en écho… — Le "combat" de Maurice Nadeau. — 1959 : la réactivation de l’Affaire. — 1959 : le "coup de Jarnac" ou la bagarre des revues. — Marie-Ange Malausséna : une virulente lettre ouverte. — 2002, Glissements progressifs de la critique : réédition des numéros de La Tour de Feu. — Décembre 1959 : le bloc-notes de François Mauriac. — "ARTAUD N’ETAIT PAS FOU". — Quelques voix divergentes. — Sollers, Tel Quel et les "miasmes" familiaux. — La chasse aux universitaires. — L’Affaire et ses rebondissements médiatiques, après 1991. — Sollers et la théorie du complot. — Les "Exagérés" : enflure, pathos et hystérie.

11 — Le Vaisseau amiral change de cap

Octobre 2000 : où il est encore question de Paule Thévenin. — Un détour par Gallimard. — Une relation fétichiste. — Van Gogh ou les tribulations d’un manuscrit. — L’antre des manuscrits : l’accès au "Trésor" de la Nationale. — Parole soufflée, parole raptée. — Un petit tour de prestidigitation : 50 dessins pour assassiner la magie. — L’invention d’une spécialiste. — 2004 : sortie du Quarto. — Polémique autour du Quarto. — Un présupposé christique.

12 — 2006. L’éditeur "historique"

La préparation d’un catalogue. — Gallimard, l’"éditeur historique". — Un Cahier d’Ivry. — Le contrôle de l’appareil critique. — La réception d’une biographie. — Le Monde et les deux "sœurs" ennemies. — Une microphysique du pouvoir. — Les effets de censure induits par le surgissement du biographique. — 2008 : Où je croise quelques fantômes. — Le corps du délit : une réédition longtemps différée. — De la censure, répétée. Réitérée.

13 — "La Société des amis"…

L’Association des Amis de l’œuvre d’Antonin Artaud. — Un déni de filiation. — Censures et suspicions.

14 — Humain, trop humain : "des amis aux écrits"

Du bouquet de violettes de Jean Paulhan à la valse des enveloppes. — Le syndrome du témoin. — Les contradictions entre les témoignages. — Un poète doué d’ubiquité. — Les témoignages tardifs. — "Témoins, faux-témoins"… — Une névrose d’État. — Collloque de Cerisy-la-Salle : une étrange histoire. — Les amis collectionneurs. — Le légataire, le musée et l'appareil critique. — Cérémonies à France Culture et à Sciences Po. — De quoi est-il question ? — Manipulations.

15 — Une cascade de procès

Les jugements : la littérature au tribunal. — L’héritier, "prêtre du culte de l’œuvre"… — L’ombre portée de Roland Dumas. — 1963-1968 : L’Affaire Roger Gilbert-Lecomte. — De Roger Gilbert-Lecomte à Antonin Artaud : "FAMILLE, JE VOUS HAIS !" — Roland Dumas, collectionneur. — De l'Affaire Picasso à l'Affaire Artaud. Plaidoyer imaginaire de Roland Dumas : "Détruisez ce sexe que je ne saurais voir !" — Février 2008 : "Le Fil et la pelote". — 2004-2008 : de certains emballements juridiques

16 — L’impact de l’Affaire sur l’appareil théorique

"Artaud sans légende" : effets de glose et glissements progressifs de la critique. — "Le meurtre de la Lectrice". — "Possédés. Tous possédés !" — Une "lecture-témoignage". — L’impossibilité du livre… — Sauvons la martyre Thévenin ! — Entrée en scène des ventriloques. — Télérama : une histoire de "subjectiles". — Protoparole d’Artaud et effets de "vortex". — Impouvoir d’Artaud. Impouvoirs de Jacques Derrida. — Derrida : l'empire de la parole soufflée. Les avatars de la DÉCONSTRUCTION. — Derrida : une histoire de Grand Gourou. — De deux sortes de propriétés : "incorporelle" et "matérielle" : le "subjectile", la vignette et le timbre-poste. — Le CODEX ARTAUD.

Ceci n'est pas une conclusion.
L'Affaire ? Les Affaires ? — Dernières pages.

Épilogue

DOCUMENTS

A. A propos du Van Gogh
B. "50 dessins pour assassiner la magie"
6 - Les dessins d'Artaud. — DEUX LECTURES.

Bibliographie
Index

dimanche 4 octobre 2009

"DUCHAMP EN FORME DE READY-MADE"

Dans le Grand Cosmos de l'art moderne : l'œuvre "trouvée" de Marcel Duchamp. Signée "à ma façon" et transformée en un ready-made d'un nouveau genre : une fiction légère, ludique et ironique dont la matière n'est autre que l'œuvre protéiforme de notre "Duchamp Dusigne".

D'où la prospection d'un nouveau genre littéraire : celui de la "théorie-fiction". Histoire de l'art revisitée par l'imaginaire de celui qui la traverse.

Et comme l'on n'est jamais si bien qu'en bonne compagnie, je me suis adjointe quelques acolytes de poids :

* les jeux scientifiques joliment illustrés de la fin du XIXe siècle, que Duchamp appréciait tant. Telles ces Récréations scientifiques de Gaston Tissandier.

* le Grand Borges soi-même. La matrice textuelle de sa très Grande Bibliothèque de Babel servant ici de moule et de grille de lecture aux avatars et aventures de notre "marchand de sel".

* Umberto Eco m'avait antérieurement (Borges & Borges illimited, Blusson 1993) fourni la matière d'une énigmatique et très mobile Préface. Borges se prête ici au jeu des doubles et des substitutions dans une Préface à effets de miroir.

Alors, amusez-vous. Pliez, dépliez, froissez les images, les signes et les mots de ce livre mille-feuilles, livre-accordéon, livre à soufflets et à pistons. À l'image du Grand Corps de la Mariée dont il est issu.

cf. www.editions-blusson.com

jeudi 1 octobre 2009

MARCEL DUCHAMP : LES POLAROÏDS D'"ÉTANT DONNÉS..."

Exposition, en cet automne, au Musée des Beaux-Arts de Philadelphie d'un ensemble de "travaux" ou éléments préparatoires à la fabrication d'"Étant donnés...", dernière pièce laissée à la postérité par Marcel Duchamp.

La mise en place (des plus secrète) de ce dispositif érotico-duchampien s'étale sur un laps de temps de vingt ans (1946-1966). Duchamp eut tout loisir pour monter, démonter, mouler, démouler, dessiner et architecturer sa singulière chambre optique. On découvre aujourd'hui que parmi tous ses travaux préparatoires (qu'il vaudrait mieux concevoir comme les rituels successifs d'un gigantesque work in progress) figurent quelque soixante-dix polaroids.

Photographies instantanées prises par Duchamp dans son atelier de New York. Il appréciait particulièrement la dimension physique et "matérielle" de la gélatine du support. Perçue par lui de manière tactile. Et comme une seconde peau. Venant achever, parfaire et souligner la sensualité de son installation.

La photographie (et, en l'occurrence, la photographie dite "instantanée") aura ainsi hanté la totalité du parcours de Duchamp. On se souvient de ces plaques photographiques du tout début du XXe siècle, rangées dans des "Boîtes" dont il goûtait l'apparence et l'apparat : Plaques extra rapides au gélatino-bromure d'argent des Établissements Lumière et Jougla.

* Voir les "objets" sur le site www.philamuseum.org