lundi 31 octobre 2011

"ANTONIN ARTAUD, VOYAGES" - ROUTES ET CHEMINS DE TRAVERSES.

"Nous situant dans le sillage et sur les traces d'Artaud, il nous faudra sans cesse emprunter des chemins et des voies parallèles, nous glisser sur l'avers, l'envers et le revers de bien des mondes…" (F de M).

En janvier 1936, Antonin Artaud s'embarque pour le Mexique... L'année suivante et toujours depuis le port d'Anvers, c'est le départ pour l'Irlande, voyage mythique et demeuré mystérieux. Artaud n'est jamais véritablement revenu de ces deux voyages au cours desquels il a comme abandonné ses dépouilles successives. Ce thème du voyage qui traverse de part en part l'œuvre d'Artaud, fonctionne sur le mode du rêve, de façon non métaphorique mais imaginaire. Celui qui s'est toujours considéré comme n'existant qu'à distance de lui-même, déploie les fastes d'un périple atroce et merveilleux, effectué dans les arcanes du corps et de l'inconscient, à travers les cultures, les astres, sur le pourtour du ciel. Articulé autour d'un corpus de documents inédits (cartes postales et passeport), le présent ouvrage aborde divers thèmes, parmi lesquels l'enfance marseillaise du poète, l'identité, le double, les rapports de l'Orient et de l'Occident, la folie, la mort, etc.

TABLE DES MATIÈRES

1) VOYAGES
- l'appareillage, les lointains
- l'espace du repos
- la figure du navire
- imaginaires
- l'Europe
- une Odyssée cosmique
- une vision initiatique du voyage : le Mexique
- paysages
- l'ubiquité, le rêve comme voyage
- Orient/Occident
- une vision apocalyptique du voyage : l'Irlande
- la dimension de la saga
- la mort
- la folie : un voyage sur l'envers du voyage
- l'exil et la métaphore du voyage
- l'espace, le cosmos et les quatre points cardinaux
- le pays du non-être

2) LA CARTE POSTALE
- Fac-similés (recto-verso) de 57 cartes postales adressées par Antonin Artaud à sa famille
- Transcription et annotation des cartes postales

3) IDENTITÉS
- le passeport d'Artaud
- l'état civil et la traque de l'identité
- Artaud et ses doubles
- le virtuel et "l'ombilic des limbes"
- le corps, fondement du moi
- le "Voyage au pays des Tarahumaras" et la perte du moi
- Artaud et Dieu, Artaud/Jésus-Christ
- l'anonymat,
- la transmigration et navigation des âmes
- le nom du Père et le nom de la Mère
- l'Autre
- le miroir
- la grande question métaphysique de l'identité

- Fac-similé du passeport d'Artaud
- Transcription du passeport

* Cet ouvrage se complète, pour ce qui concerne l'enfance marseillaise d'Artaud et la question de ses voyages (imaginaires et réels), d'amples informations fournies par les deux livres suivants :
- C'était Antonin Artaud (Fayard, biographie, 2006)
- La Chine d'Antonin Artaud/Le Japon d'Antonin Artaud (Blusson, 2006)

"Antonin Artaud, Voyages", Blusson, 1992

dimanche 30 octobre 2011

THE LAUGHTER OF DIANE ARBUS.

Diane Arbus in Paris (2011-2012)

"Musée du Jeu de Paume" in Paris. October 2011, 19. - In the extension of exposure, screening at the Jeu de Paume museum mounting reconstructed and filmed by Neil Selkirk, Doon Arbus, " A slide show and talk by Diane Arbus "(1970).

The photographer comment, to an audience with students, newspaper clippings and photographs that have unusual caught his eye and it retains by pinning frequently on the walls, like a potpourri. In the process, it also evokes some of his own photographs.

Twins. Transvestites. Characters camped in their interiors. The images change. Derisory. Sometimes funny. Surprising. It bathes in full " uncan ".

The original soundtrack is punctuated by the laughter of students. Of those who betray laughter trouble, embarrassment, the "excitement" (in the etymological sense of "nervous").

This laughter, I remember having heard of such, then a student of philosophy I followed to the Sainte-Anne psychiatric presentations of patients held as part of a course of "semiotics of mental illness." Nervous laughter, caused by the exhibitionist side (and "unhealthy") of this curious protocol. - At the time, I was not part of the laughing. I watched it all: doctors at work, the sicks and how they amplified demand medical, in turn, become hysterical.

The "show" is punctuated by Diane Arbus from one side of its own laughs. It reacts to the content of the pictures exhibited in his own speech, the reactions of students. This is a very unique laugh. On the laugh is heard, listen and feeds on itself. A laugh ultimately very controlled, so theatrical and led the way to a game it always tends to perch his audience. Repeatedly punctuated the remark ("Why are you laughing?" - This obviously she knows !), His own laughter also serves to boost the hilarity of the students.

It's ironic. It's joyful. It is unbridled. Is ambiguous. It is as if the laugh alone could be up to the monstrosity of life.

jeudi 27 octobre 2011

GEORG BASELITZ - L'INVENTION DE LA SCULPTURE (1979-2010).

Exposition Baselitz. Musée d'Art moderne de la Ville de Paris.

Les grands sculpteurs contemporains sont rares. Au sens où on peut l'entendre de la sculpture archaïque, traditionnelle, celle qui consiste en un conflit, une approche brute avec un matériau, des volumes, des formes.

Baselitz possède, lui, ce don singulier qui consiste tout bonnement à inventer ou réinventer la sculpture. Son œuvre est à ce titre la plus singulière et la plus radicale qui soit.

Le bois en est le matériau unique. Bois tout juste sorti du tronc ou de la bille, de l'arbre qui lui donne naissance. Bois à peine équarri, tronçonné et qui n'est souvent qu'à demi dégagé de la souche originelle.

On connaît les affinités que Georg Baselitz manifeste pour la sculpture tribale, tout particulièrement africaine. Mais, plus que les formes souvent sophistiquées de la statuaire du continent noir, c'est un certain rapport - archaïque - à la forêt, la nature et la bille de bois primitive que le sculpteur met en œuvre. Frêne, tilleul : les masses de bois blond demeurent hérissées, couvertes d'échardes, de reliefs, de nœuds. Elles ne présentent aucun poli mais cultivent bien au contraire toutes formes de rugosité.

De la statuaire antique ou (du moins) de notre expérience de cette statuaire, Baselitz a retenu la leçon et la puissance de ce que l'on nomme FRAGMENT : cet organe sans corps, ce membre sans autre prolongement que virtuel. Têtes. Troncs. Gigantesque pied. Torse au bras unique.

La couleur joue un rôle fondamental dans la ponctuation de ces volumes. Déclinée généralement de manière sporadique, la couleur marque et délimite dans la carrière de l'artiste des époques précises. Rouge-brun de la sculpture asymétrique fondatrice (Modèle pour une sculpture, 1979-1980). Bleu et rose de certains totems. Rouge sang des deux taches de ce torse qui évoquent si brutalement le sang de la féminité. Bleu vif ou bleu pâle de ses Géants. Jaune électrique et comme polaire des Femmes de Dresde (1989-1990).

Les solutions formelles sont, quant à elles, en perpétuel renouvellement et d'une grande richesse. Éclatées, biseautées, à facettes, couchées ou dressées, parfois bi-faces, les têtes sont là comme des moignons de corps. Dressé sur ses embryons de pieds, un totem précède dans le parcours du visiteur d'autres figures dont le détail vestimentaire se veut plus ironique : montre, casquette ou coiffe, tête de mort… Sans parler de ces figurines géantes recouvertes d'un tissu africain lui aussi "biseauté" et en damiers.

Les rétrospectives sont souvent dangereuses ; elles peuvent révéler chez l'artiste des failles, des facilités. On en est ici à mille lieues. L'œuvre sculptée de Baselitz s'avère de part en part puissante, singulière. Et à ce titre : exceptionnelle.

Une vraie sculpture des origines.

Baselitz sculpteur. Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Georg Baselitz : Le retour des géants

mercredi 26 octobre 2011

FONDATION CARTIER. MATHÉMATIQUES : L’ÉPURE ET LES JEUX.

© Hiroshi Sugimoto, Conceptual Form 011, 2008.
Courtesy Galery Koyanagi

Depuis les recherches empiriques des mathématiciens grecs et la construction du Parthénon jusqu’aux actuelles fractales et images numériques, en passant par le nombre d’or et cette science de la perspective qui eut une telle influence sur la peinture et l’architecture occidentales, on sait bien que les mathématiques constituent l’armature sur laquelle ont travaillé de très nombreux artistes.

L’approche de la Fondation Cartier est ici différente. Il s’agit de mettre en lumière et de rendre visible, audible, pensable par tout un chacun, la pure beauté et les mondes singuliers créés par la pensée mathématique.

Raymond Depardon, David Lynch, Takeshi Kitano, Patti Smith, Hiroshi Sugimoto et les autres artistes sont ici convoqués pour exalter l’épure algébrique et géométrique de cette science très ancienne.

Le centre de l’exposition, ce sont les mondes mathématiques - pluriels, divers, poétiques – et le discours émerveillé des mathématiciens. On découvre ces derniers sans cesse étonnés de ces paysages dont ils ne cessent de perturber et de redéfinir les frontières ou l’absence de frontières.

Espaces courbes. Triangles gras ou maigres. Emboîtements et déplacements des lignes et des figures. Jeux des nombres. L’abstraite et « blanche » scénographie imaginée par David Lynch (dont on sait qu’il est cinéaste, mais aussi plasticien et dessinateur) s’accorde à la pureté géométrique du lieu. Aux transparences de la Fondation Cartier. À cet immeuble de verre aux plans et pans coupés si nets. De manière à ce que le ciel, ses nombres et ses étoiles s’y reflètent.

Le maître-mot de l’exposition est celui de poésie. Froide beauté de l’hyperbole sculptée par Hiroshi Sugimoto (Conceptual Form 011, 2008. – Surface de révolution à courbure négative constante). Rigueur, somptuosité et simplicité du film tourné par Raymond Depardon et Claudine Nougaret : les visages en noir et blanc des mathématiciens invités y fonctionnent comme autant de paysages.

Le Ciel mathématique d’Henri Poincaré (1854-1912), mis en scène sur le mode d’un tableau et d’un diagramme par Jean-Michel Alberola, est là pour nous rappeler, à la manière d’un conte langagier, cette importance qui fut celle des mathématiques dans les avant-garde artistiques de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. L’aventure aujourd’hui se perpétue. Au gré du mouvement des particules élémentaires et des oscillations sinueuses de la pensée.

Takeshi Kitano adjoint à l’exposition un tableau noir et un jeu de craies. Il invite ainsi le visiteur à créer à son tour ses propres équations. – Enchaînons donc les nombres et les figures. Perdons nous dans le dédale de ces mondes inventés dont la particularité fut toujours d’entamer ce réel-là où chacun d’entre nous se meut quotidiennement.

Mathématiques. Un dépaysement soudain. Fondation Cartier octobre 2011-Mars 2012.

jeudi 20 octobre 2011

LE RIRE DE DIANE ARBUS.

19 octobre. - Dans la prolongation de l'exposition, projection au Musée du Jeu de Paume du montage reconstitué et filmé par Neil Selkirk et Doon Arbus : "A slide show and talk by Diane Arbus" (1970).

La photographe y commente devant un public d'étudiants ces coupures de presse et clichés singuliers qui ont attiré son regard et qu'elle conserve en les épinglant fréquemment sur ses murs, à la façon d'un pot-pourri. Dans la foulée, elle évoque aussi certaines de ses propres photographies.

Jumeaux. Travestis. Personnages campés dans leurs intérieurs. Les images défilent. Dérisoires. Parfois comiques. Surprenantes. On baigne en pleine "inquiétante étrangeté".

La bande son originale est ponctuée des rires des étudiants. De ces rires qui trahissent le trouble, la gêne, l'"énervement" (au sens étymologique du terme d'"énervé").

Ces rires, je me souviens en avoir entendu de semblables, alors qu'étudiante de philosophie je suivais à l'asile psychiatrique Sainte-Anne les présentations de malades organisées dans le cadre d'un cours de "sémiologie des maladies mentales". Rires nerveux, provoqués par le côté exhibitionniste (et "malsain") de ce bien curieux protocole. - A l'époque, je ne faisais pas partie des rieurs. J'observais le tout : les médecins à l'œuvre, les malades et la manière dont ils amplifiaient la demande médicale, l'assistance devenue à son tour hystérique.

Le "show" de Diane Arbus est ponctué de part en part de ses propres rires. Elle réagit à la teneur des clichés exhibés, à son propre discours, aux réactions des étudiants. Il s'agit d'un rire très particulier. D'un rire qui s'entend, s'écoute et se nourrit de lui-même. Un rire finalement très maîtrisé, mené de manière théâtrale et à la façon d'un jeu.

Elle tend en permanence la perche à son auditoire. Ponctués de cette remarque répétitive ("Mais pourquoi riez-vous ?" - Ce qu'évidemment elle sait !), ses propres rires ont aussi pour fonction de relancer l'hilarité des étudiants.

C'est ironique. C'est joyeux. C'est débridé. C'est ambigu.

Tout se passe comme si le rire seul pouvait être à la hauteur de la monstruosité de la vie.

mardi 18 octobre 2011

DIANE ARBUS AU JEU DE PAUME.

Couverture du livre de William Todd Schultz (2011)

"C'est comme si l'on entrait dans une hallucination sans trop savoir qui hallucine." (Diane Arbus)

Voici une exposition très attendue et qui comble toutes les espérances par sa perfection.

Courrez vite au Jeu de Paume. Et prenez votre temps. Tout est ici affaire de détails. De précision. Diane Arbus nous apprend à regarder ce qu'elle nomme à maintes reprises "la différence". A savoir l'ensemble de ces détails et "anomalies" formelles que l'on retrouve dans l'apparence physique, vestimentaire ou comportementale d'individus appartenant à des groupes humains généralement considérés comme marginaux : monstres de cirque et phénomènes de foire, nudistes, nains, travestis, handicapés, malades mentaux.

D'où la dimension ethnographique de la démarche d'Arbus. Ses premières photographies furent prises à l'occasion de reportages photographiques pour des magazines. Elle prit goût à la diversité humaine et demanda ensuite les autorisations administratives nécessaires pour continuer son périple et sa quête visuelle dans les lieux les plus fermés et les plus incongrus.

Photographier de jeunes handicapées, déguisées et masquées pour la fête d'Halloween, c'est là redoubler les rituels de la monstruosité et porter au carré le principe de la singularité et de l'inquiétante étrangeté. D'autant que le caractère joyeux de l'opération est bien visible sur les clichés.

Diane Arbus collectionne ainsi les rituels, fêtes et cérémonies, photographiant tout aussi bien - et de la même manière - tel cocktail mondain où se pressent et s'agglutinent les personnages caricaturaux "de la haute" société, les gestes décalés des enfants (tel l'enfant à la grenade de Central Park) ou les rituels populaires (camps de nudistes, dancings, etc.).

La "monstruosité" ordinaire et pourrait-on dire "accidentelle" est, elle aussi, bien présente dans l'œuvre d'Arbus : un enfant pleure, un personnage se retourne de manière grotesque, etc.

Chacun à notre tour nous avons nos instants de monstruosité, nos faciès "à la Arbus" : grimace, rictus, faute de "goût" vestimentaire. J'ai reconnu sur l'une des photographies de l'exposition le sosie du chapeau (improbable et des années 1950) que je venais de me procurer dans une friperie. Si le double d'Arbus venait à passer, il pourrait en immortaliser l'essayage.

Sensible certes à la monstruosité ordinaire, celle qui naquit Diane Nemerov fut d'abord et avant tout fascinée par ceux pour qui la distorsion (imposée) est une façon d'être au monde. "Les phénomènes de foire, écrivait-elle, sont déjà nés avec leur propre traumatisme. Ils ont déjà passé leur épreuve pour la vie. ce sont des aristocrates."

On retrouve au Jeu de Paume des photographies connues. Mais elles sont doublement accompagnées. D'une foule, tout d'abord, de photographies nouvelles et complémentaires. La vision des planches contacts permet ainsi de découvrir des séquences et des points de vue inédits ou peu diffusés. Comme cette photographie de Jorge Luis Borges dans Central Park,accompagné de sa femme et non plus seul comme sur le cliché connu.

L'exposition s'achève enfin sur deux salles contenant de précieux documents - notes, livres, articles de journaux, pot-pourri d'images amassées par Diane Arbus et qui constituait le paysage et le fond changeant de ses réflexions, de ses doutes et ses rêves. On découvre ainsi que, parmi les images et livres de sa bibliothèque, figuraient deux peintres dont la particularité est d'avoir travaillé et distordu la figure : Vincent van Gogh et Francis Bacon.

C'est dans le réel (et ses apparences) que Diane Arbus prélevait, quant à elle, ses figures distordues.

Exposition au Jeu de Paume

jeudi 13 octobre 2011

YAYOI KUSAMA. POINTS. POIS. PATTERNS. ET MIROIRS RETOURNES.

Rétrospective Yayoi Kusama au Centre Georges Pompidou.

De Yayoi Kusama, je connaissais les environnements colorés, peuplés de ces pois ou ces points, ces "dots" qui sont devenus sa marque de fabrique. Pois et points délurés et joyeux. Et cela même si la prolifération débridée de ces taches, touches, ocelles et pastilles, laisse entrevoir un monde plus inquiétant. Celui des fantasmes qui, depuis l'enfance, n'ont cessé de poursuivre l'artiste : fleurs rouges, touches et taches de sang qu'elle transmue sous les espèces de ces rassurants patterns : les pois.

J'apprécie aussi les performances qui ont ponctué son parcours new-yorkais des années 1960. Comme cette "Self-Obliteration by Dots" (1968) menée sur le pont de Brooklyn et dont rend compte une très belle photographie de Hal Reiff. - Sexe, art et nudité sont alors les maîtres mots de ces performances décapantes.

La période new-yorkaise de Kusama qui s'étend de 1958 à 1973 est prolifique en sculptures et objets. L'actuelle rétrospective est riche de ces oeuvres qui demeurent par bien des aspects très proches de celles de Louise Bourgeois. Les formes sont organiques. Serpentines. Elles tendent vers le mou, l'amorphe, le dérisoire. Le textile est fréquemment utilisé. En même temps que de dérisoires matériaux, comme ces pâtes (alimentaires) qui forment la trame de certains objets ou vêtements.

Les environnements, constitués de lumières réfléchies par des miroirs se faisant face, sont aussi bien présents dans l'exposition. Adoptant (sans toujours le savoir) le point de vue même de Yayoi Kusama, le visiteur peut s'y mirer et s'y dissoudre. Voir son image devenir poreuse et s'émietter au cœur du papillotement et scintillement des couleurs et des reflets.

La dimension plus surréalisante des premiers et des derniers travaux de l'artiste m'est plus indifférente et me paraît plus anecdotique.

De Yayoi Kusama, je préfère entretenir et garder l'image de ses pois colorés (rouges, blancs, noirs ou multicolores). Et conserver la très vive sensation de ces environnements joyeux et un peu fous. - "Border line", comme l'on dit dans cette langue qui fut celle de Shakespeare et de Lewis Carroll. A la lisière d'un univers où l'on pourrait rencontrer une Alice à pois et à merveilles : Yayoi Kusama elle-même, prête à franchir et retourner tous les miroirs.

vendredi 7 octobre 2011

VENET, VERSAILLES ET LA QUESTION DU CADRE.

Bernar Venet à Versailles. Ph. ©FDM, 2011

Versailles en ce début d'automne - La rousseur naissante du feuillage s'accorde aux teintes rougeoyantes de l'acier corten des sculptures de Bernar Venet.

De gigantesques arcs de cercle enserrent le paysage à la façon du cadre d'un tableau. Cadre mobile dont les méandres cernent et/ou décalent l'ordonnancement du paysage au fur et à mesure des déplacements du promeneur.

Les courbes des arcs de cercle - brisées, couchées ou bien enroulées sur elles-mêmes à la façon d'un graffiti - suivent les courbes et les méandres des bassins et des sculptures qui les habitent : puissantes musculations des personnages mythologiques, croupes de chevaux saisis dans le mouvement, cornes d'abondances.

Ces ellipses et arcs de cercle enserrent le paysage impeccablement dessiné par Le Nôtre. Perspectives longilignes et sans fin, plans et pans coupés ménageant d'incessantes surprises au visiteur, rigoureuse symétrie. Tout est grandiose, parfait. Sublime.

Les monumentaux arcs de cercle de Bernar Venet soulignent et ponctuent la perfection des jardins de Versailles. J'ai songé en les voyant et parcourant du regard à cette fameuse Allée des baleines dont a si bien parlé Jean Malaurie : alignement de mâchoires de baleines, dressées vers le ciel au nord du Groenland dans l'île sacrée d'Yttygran.

Dans les deux cas, il s'agit d'ajouter une touche de sublime à un paysage fait de main d'homme (dans le cas de Versailles) ou bien à un site naturel (dans le cas du site inuit) qui sont déjà de l'ordre du sublime.

Versailles, 2011 Ph. @FDM, 2011