dimanche 24 avril 2011

« L'ÊTRE DE L'ÉTANT » DE LA TATANE DE VAN GOGH... HEIDEGGER, DERRIDA...

Le petit opuscule que je viens de publier sur la fameuse controverse (Heidegger, Meyer Schapiro, Derrida) prenant pour prétexte et appui un tableau de Van Gogh (Les Souliers ou Bottines noires), ce petit opuscule m'a donné beaucoup de plaisir, mais aussi de fil à retordre.

Pas facile de résumer une querelle très bavarde et de porter le fer là où le doute s'installe tout en se dérobant. Pas simple de rendre accessible à TOUS une joute au départ très abstraite.

L'acte de mise en scène théâtrale des échanges - avec ses décors, ses personnages et la voix off du narrateur et de ses comparses - fut très jouissif.

Comme le fut aussi ce mince glissement sémantique, cette apparition d'un terme (la « tatane ») qui d'un coup fait tout basculer. Et permet de lire autrement cette querelle.

Qu'en est-il donc des pieds (et des chaussures) des philosophes et des historiens de l'art ? De manière plus générale, comment l'homme se débrouille-t-il avec ses pieds, ses extrémités et ces curieux objets censés le chausser ? C'est ce que vous apprendrez ici.

Sans cesser de contempler et d'ausculter ces prothèses qui enveloppent, accompagnent et surdéterminent les extrémités de vos membres « inférieurs ». - Vaste programme et singulière expression : la tête d'un philosophe serait-elle d'une autre trempe que ses pieds ? Et que dire alors des chaussures et des pieds des historiens d'art, dont on se dit qu'ils doivent bien arpenter les surfaces et user, au contact du réel, les semelles de leurs souliers ?

En arrière-plan : un tableau. Celui de Van Gogh. - À déployer, déplier et contempler, tel un kakemono, dans le silence de ce qui vous tient lieu d'espace intime.

"L'être de l'étant" de la tatane de Van Gogh

jeudi 21 avril 2011

JEAN-MARIE STAIVE : ARTISTE COLLAGISTE ET AMATEUR DE MOTS.

« Par cœur il peignait et faisait de l’art »
Pour un projet de livre 19 ©Jean-Marie Staive.

Œuvrer, rêver, basculer sur l’imprenable lisière des images et des mots, du dessin et de la lettre. Tracer des passerelles, des ponts entre l’écrit et le trait. Les égarer dans de pseudo-labyrinthes et de truculents entrelacs.

Staive aime les mots, la littérature, la poésie et le caractère incongru des livres lorsque l’on s’amuse à les détourner en les recouvrant de taches, de personnages, de couleurs et de perspectives qui basculent..

Vivent les livres ainsi détourés, détournés, revisités. D’autant que rien n’empêche de les lire à nouveau, en traquant — entre les couleurs et les traits – les insterstices de paroles et toutes ces lettres (ces mots) qui font de la résistance.

Et s’accrochent à la page.

Jean-Marie Staive
Staive-Vestale

JOËL BECAM : « QUELLE BEAUTÉ ? ».

Venise 2009 ©FDM.

Je ne suis pas «critique littéraire » et n‘entend surtout pas le devenir. La littérature et la poésie ont tendance pour moi à s’exclure du commentaire et de tout commentaire.

Je voudrais donc ici servir de modeste lien ou relais, de simple passeur (ou passeuse) à un petit livre silencieux. Fait souvent de brefs aphorismes à la façon d’un haiku.

En voici quelques bribes :

« Quel enfant ?

      Un enfant. »

« Quel paradis ?

      Le réel parfois. »

lamourdelivre

lundi 18 avril 2011

L'ART ET L'ARGENT : DEUX LIVRES. DEUX LECTURES ORIGINALES.

Initié en 2010 par le service culturel du Musée d'Orsay, un cycle de conférences fut programmé en octobre et décembre dernier dans l'auditorium du Musée. Ce cycle, dont j'avais établi le programme, prit le titre générique de « L'Argent, l'or, le cuivre et la couleur ».

Prolongées, amplifiées, ces trois conférences, assurées par Jean-Joseph Goux et moi-même, font aujourd'hui l'objet de deux publications distinctes. Chacune d'elles circonscrit un champ propre et original sur cette ample question des relations entre l'art et l'argent.

L'intervention de Jean-Joseph Goux, philosophe qui travaille depuis de nombreuses années sur les relations de l'économie, de l'art (sous toutes ses formes : littératures et arts plastiques) et de la culture en général (philosophie, psychanalyse, etc.) porte ici pour l'essentiel sur les mécanismes spéculatifs. Sur la manière dont ceux-ci investissent le champ esthétique - L'Art et l'argent. La rupture moderniste, 1860-1920. Ce livre se conclut sur un entretien - « Les chaussettes de Mondrian » - qui resitue le sujet de manière plus large en envisageant ses prolongements contemporains.

Mon intervention portait sur Van Gogh, sur la manière dont l'argent, la dette, la symbolique et la réalité monétaires ont envahi sa vie et son œuvre. Basée sur une étude de la correspondance du peintre, sur des données empruntées au contexte culturel de l'époque (histoire des pigments, histoire des marchands d'art et de la société bourgeoise du XIXe siècle) et à la formation religieuse du peintre, ce livre - Van Gogh. L'Argent, l'or, le cuivre, la couleur - conduit à une lecture renouvelée de celui qu'Artaud nommait « le plus peintre de tous les peintres ».

J'aurai l'occasion de revenir sur cette redoutable question des relations de l'art et de l'argent. Et sur ces deux ouvrages.

L'Art et l'Argent. La rupture moderniste. 1860-1920.
Van Gogh. l’Argent, l'Or, le Cuivre, la Couleur.

dimanche 17 avril 2011

ANTONIN ARTAUD. « AVIS DE MESSE MARIONNETTIQUE » (CONTRECIEL).

© Compagnie Contreciel

Disons le tout net : le spectacle sur Artaud du théâtre de marionnettes de la Compagnie Contreciel est un chef-d'œuvre de « cruauté ». Au sens même qu'Artaud donnait à ce terme.

Animé par Luc Laporte, de concert avec beaucoup d'autres talents, ce spectacle heurte, dérange, trouble. Doublement ancré dans le tragique et la dérision, il provoque un malaise (ou mal être) difficile à dissiper.

On est aux antipodes du « Artaud/Marie Laurencin » ou du « Artaud/Greta Garbo » (que le Grand Mômo put certes parfois imiter ou contrefaire, mais avec lesquel(le)s il est impossible de le confondre), du Artaud propre et javellisé qu'on cherche souvent à nous faire avaler.

Les marionnettes, tout d'abord : emmaillotées, bardées de chiffons, sanguinolentes, sexuées. Mutilées. Bisexuées. - Multisexuées. A la façon du Butô. Ampoulées et désarticulées de ces organes multiples et ces greffes dont Artaud entendait bien se débarrasser. Ces marionnettes sont extraordinaires.

La scène, on le comprend de suite, se déroule à l'asile de Rodez. L'apparition même du Mômo en pyjama rayé, accompagné de la silhouette tirebouchonnée de son psychiatre, est, comme Artaud aurait pu l'écrire, « d'un réalisme saisissant ».

Un des « clous » de cette gigue marionnettique : la reconstitution d'un électrochoc appliqué (alors) en pleine guerre et sans bien sûr le consentement du principal intéressé qui beuglait au contraire à chaque fois. Comme un « cochon » : rappelons que c'est la vision des animaux passés au choc électrique dans les abattoirs de Rome qui fournit en 1938 à Ugo Cerletti l'idée d'un traitement électrique applicable à l'homme.

Rarement on aura été aussi proche d'Artaud. De ces borborygmes, ces bribes, ces syllabes inventées, ces organes et ces détritus humains qui peuplent ses écrits.

Il ne reste qu'un vœu à formuler : que cet « Avis de messe marionnettique » soit présenté à Rodez, dans la Chapelle Paraire, cette chapelle de l'asile de Rodez (demeurée intacte et restaurée) qui jouxte le lieu (aujourd'hui détruit) où le poète subit ses 58 électrochocs. Artaud, durant l'une des périodes de son internement, y suivait très régulièrement la messe. A la grande inquiétude du bon abbé Julien, que la ferveur mystique du petit père Artaud laissait rêveur.

Bravo à la Compagnie Contreciel. On souhaiterait beaucoup, beaucoup de spectacles du même acabit.

Video de la Compagnie Contreciel