dimanche 12 février 2012

LA SAGA EUROPÉENNE DES TRINITAIRES.

Le miracle des Trinitaires.
Saint-Thomas-in-Formis (Rome, vers 1210).

Jean-Luc Liez, L'art des Trinitaires en Europe (XIIIe-XVIIIe siècles), Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2011.

Jean-Luc Liez nous offre ici la reconstitution minutieuse de cette grande épopée qui mena l'ordre religieux (peu connu) des Trinitaires à essaimer à travers l'Europe. Construisant des « maisons », églises, couvents.

Fondé à l'aube du XIIIe siècle, à la suite d'un « miracle » et d'une vision, par Jean de Matha et Félix de Valois, l'ordre s'arroge une fonction singulière : celle de la rédemption et du « rachat » des captifs. Nous sommes à l'époque des Croisades en terre sainte ; de nombreux chrétiens sont faits prisonniers, qui souffrent et risquent de surcroît d'abjurer leur foi.

Ce souci du rachat (des âmes et des corps) s'étendra ensuite aux infidèles, susceptibles d'être convertis et eux aussi « rachetés ». Ce qu'illustre bon nombre de représentations (concrétisées sous forme de mosaïques, de sceaux, de chapiteaux, etc.) qui nous montrent le Christ ou le Trinitaire, homme de Dieu, chargés de désenchaîner les captifs.

Le thème du rachat des âmes revêt ici un double aspect : matériel et spirituel. Le rachat des âmes se double en effet d'une entreprise de délivrance effective des prisonniers. L'ordre se dote donc de moyens lui permettant de payer des rançons. Il reçoit des dons de fidèles soucieux de racheter leurs propres péchés en acquérant ces fameuses « indulgences » qui firent couler tant d'encre. Toute une économie s'organise de manière à produire de la richesse. Ces biens sont ensuite échangés, troqués pourrait-on dire, contre le chrétien captif ou l'infidèle converti et lui aussi persécuté. Tout cela est strictement codifié et quantifié dans de nombreux textes.

C'est la découverte de Cerfroid (en Champagne), haut lieu de la pensée trinitaire, qui fut le point de départ de la recherche de Jean-Luc Liez. Cette recherche s'est poursuivie dans toute l'Europe (dans les diverses provinces de ce qui n'est encore ni l'Italie, ni la France, et jusqu'en Espagne, au Portugal, en Ukraine, au Royaume-Uni, en Irlande, etc.) où l'ordre, devenu puissant, inspire la construction d'églises, la production de sceaux, de sculptures, de tableaux, etc.

La fonction d'échange de la monnaie, de l'or, de l'argent, etc., prend ici un sens très particulier. La monnaie est ce matériau, ductile, symbolique, cet échangeur qui permet d'inverser un état et de transformer le réel. L'action de s'enrichir et de commercer, celle aussi de recevoir, acquièrent de la sorte un sens religieux. Un pont est comme construit entre les deux ordres du ciel et de la terre. On débouche là sur ce que Bossuet nommera « la céleste monnaie », celle que le Christ symbolise au premier chef, lui qui apparaît comme « le Rédempteur », celui qui est venu sur terre racheter les péchés des hommes.

L'art sert de fil conducteur à l'ensemble de l'étude. Un CD-Rom de plus de 300 pages contient les fiches détaillées et les reproductions photographiques des sites et monuments étudiés. Partez donc, comme l'auteur le fit lui-même, dans une navigation au long cours, lente, patiente et précise, au travers des paysages et figures de pierre, de cire et de pigments de l'art des Trinitaires.

Livre : L'art des Trinitaires en Europe

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