mercredi 24 février 2016

PERSONA. Étrangement humain.

Masque de bouffon. Théâtre Lamaïque.

Persona.
Musée du Quai Branly.
Du 26 janvier au 13 novembre 2016.

Le Musée du Quai Branly – qui fête cette année ses dix ans d’existence – poursuit la série de ses grandes expositions synthétiques (certains diront « syncrétiques ») de dialogues entre les cultures. Destinées à un très large public, se voulant hautement pédagogique (et elles le sont), ces manifestations englobent une large fourchette chronologique et géographique.

L’exposition PERSONA met ainsi en relation des cultures diamétralement opposées dans le temps et dans l’espace. Dénominateur commun des objets et œuvres aujourd’hui présentées, la notion d’ANTHROPOMORPHISME autorise à rassembler des expériences et des cultures éminemment différentes. Le mécanisme de projection, qui veut que les hommes découvrent et pressentent leur ombre, leur double ou leur image au cœur de tout processus et de toute réalité, conduit à embrasser un champ « large » et quasiment indéfini. Des cultures et des expériences très éloignées l’une de l’autre sont ainsi brutalement rapprochées.

Quoi de commun entre les objets et statuettes du lointain Vanuatu, les poupées du Bunraku japonais, les pierres et amulettes à visage humain des îles lointaines, les Love Dolls, poupées de silicone et fibre de verre japonaises qu’épousent rituellement certains adeptes des plaisirs virtuels ? Une propension commune à attribuer aux objets (naturels ou faits de la main d’homme) comme un supplément d’âme ? – Mais s’agit-il de la même « âme » ? La notion de « personne » ou de « persona » ne recouvre-t-elle pas, à chaque fois, une réalité et des expériences différentes et diversifiées ?

La personnification des matériaux et objets qui nous entourent est chose troublante. Les chasseurs de fantômes du XIXe siècle disposaient de trousses et de mallettes au contenu très sophistiqué. Les robots contemporains sont inquiétants qui, par leur technique hautement sophistiquée, parviennent à s’approcher au plus près de l’apparence humaine.

Après avoir fabriqué un robot (imparfait, mais déjà inquiétant) de sa propre fille, le professeur Hiroshi Ishiguro (de l’Université d’Osaka), crée un robot à son image. La ressemblance ne vise plus seulement la simple apparence physique ; elle s’étend aux gestes et à l’apparence comportementale. Le robot reproduit les mouvements, simule les émotions, mime au plus près la personne qu’il figure. Les vidéos sont déstabilisantes qui nous montrent – côte à côte – les mouvements du Professeur et ceux de son double. Sa fille même – dit-il - en fut troublée.

Le succès du robot de compagnie PARO (robot thérapeutique pour troubles mentaux, Japon, 1998) - animal poilu, blanc et douillet -, couine, gémit et s’adapte aux demandes de celui ou de celle qui s’en empare. Une semblable »créature » correspond à une société où les frontières entre l’humain et l’animal, le vivant et le mécanique, deviennent floues. – Mais rappelons que la théorie de l’homme-machine, nous la devons déjà à Descartes et Julien Onfray de la Mettrie. L’homme est depuis longtemps fasciné par les mécanismes qui miment le vivant.

D’où le sentiment qui a toujours été le nôtre d’appartenir à un cosmos lui-même mécanique et vivant – peuplé d’âmes, de fantômes et d’êtres aux intentions diverses.

Exposition Persona

Hiroshi Ishiguro au côté de son double.
(Université d’Osaka, 2009). Capture d’écran.

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