jeudi 28 juin 2018

L’ENVOL de La Maison Rouge.

Le Christ de Fellini (La Dolce Vita, 1960, Photo. DR)

L’envol ou le rêve de voler
La Maison Rouge
Du 16 juin au 28 octobre 2018.

Sur le départ - pour d’autres aventures -, la cabane ailée ou Maison Rouge d’Antoine de Galbert, sise près du quai de la Bastille à Paris, nous offre un dernier show. - Un dernier ENVOL.

Vous serez accueillis à l’entrée de l’exposition par le fracas ronronnant de l’hélicoptère de la Dolce Vita (1960) de Fellini. Suspendue à l’engin, une statue du Christ survole Rome. Mastroianni en maître des cérémonies commente la scène du haut de son esquif volant. Le petit peuple d’en bas (en l’occurence de jolies filles en maillots de bains) saute de joie et applaudit.

L’art contemporain et l’art tout court ont toujours célébré les noces de l’aérien et du pesant, de la matière la plus lourde et de rêves arachnéens. Le vol, l’envol, les avions, aéronefs et appareillages de plumes développent ici leurs délicats mouvements. Les machineries de plumes de Rebecca Horn croisent les corbeaux et engins volants de Panamarenko et autres hurluberlus.

Telle autre installation (ou vidéo) vous entraînera dans le ballet foisonnant d’une multitude d’hélicoptères miniatures. Tels des oiseaux, ils s’entrecroisent et pépient.

Il est d’autres scènes et d’autres objets plus inquiétants comme ces gros godillots montés sur ressort dont la fonction est de vous projeter brutalement dans les airs (Gustav Mesmer).

Accolée à la gigantesque Union Soviétique, l’Europe de l’Est fut particulièrement friande de ces dispositifs qui permettaient de mimer l’envol, l’échappement et la libération… Quitter. Partir. Monter vers le ciel. S’élever (tel Tatlin et son fameux projet de Monument à la IIIe Internationale, 1919-1920). Jouer les anges, les avions ou les oiseaux.

Les Kabakov nous attendent avec l’une de ces délicates « installations » dont ils ont le secret : au cœur d’une minuscule chambre, jouxtant un lit au drap bien ordonné : deux ailes au lourd pennage de plumes blanches reposent sur le dossier d’une chaise, telles une perspective ou une possibilité d’envol. Le quotidien est ici greffé au rêve et se déleste de ces objets ordinaires et mesquins qui plombent nos minuscules vies. Peut-être s’agit-il de la demeure ordinaire d’un ange…

L’appel est ici aérien. Il s’agit de s’élever à la verticale, tout droit ou en effectuant de ravissantes circonvolutions dans l’air. - La contrepartie de tout cela, c’est bien sûr la chute, cette chute que l’on ressent si bien dans l’envol même de la photographie prise en 1965 par Eikoh Hosoe (Kamaitachi 17), la descente brutale et l’écrasement au sol. L’exposition retrace ainsi toutes ces aventures qui menèrent bien des individus farfelus à expérimenter et bricoler d’improbables machines à voler.

Longue est la liste de ces jeux pour adultes qui ne veulent pas grandir. - Vous pourrez même vous allonger, au cœur de l'exposition, sur un grand lit tout blanc. De manière à contempler le ciel, les nuages ainsi que les allées et venues de funambules, d’acrobates, de sauteurs ou de danseurs. - Vous y aurez alors le pas aérien et la tête pleine de nuages.

La question de la pesanteur/a-pesanteur occupe une grande part de mon Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain (paru en 1994 chez Bordas, puis augmenté en 2004 et 2017 chez Larousse). Yves Klein (dont Le Saut dans le vide, 1960, figure dans l’exposition) y tient une place privilégiée et s’y retrouve en compagnie de tous les artistes qui ont œuvré sur ce qui est beaucoup plus qu’un thème, puisqu’il s’agit là d’une donnée fondamentale de cet « espace-temps » où se déploient ce que nous nommons des « œuvres d’art. »

La Maison Rouge

Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne

Les Kabakov, « Mémoires d’un ange »

Eikoh Hosoe, Kamaitachi 17, 1965 © Eikoh Hosoe.
Courtesy Galerie Jean-Kenta Gauthier, Paris.

1 commentaire:

Erwan Blesbois a dit…

Le monde "tel qu'il est“ est aujourd'hui une construction idéologique qui découle du libéralisme et l'injonction qui nous est faites de nous y adapter est de l'ordre du prosélytisme idéologique, voire du fanatisme. Cette injonction d'adaptation imposée est un dressage qui commence à l'école aux moyens de l'instruction, ce n'est pas du tout un mouvement naturel, les anciens auraient dit une inclination de l'âme... Mais précisément le monde a perdu son âme, tout y est noyé dans l'artificiel et la pacotille.
Ce qui pourrait nous sauver est dans ce que qui caractérisait l'homme dans le passé, et qu'il a oublié aujourd'hui (le fameux "oubli de l'être" évoqué par Heidegger ?) : la transcendance, la capacité à se surpasser soi-même pour atteindre le divin, et qui est tellement visible dans toutes les œuvres transmises du passé et tellement peu dans l'art contemporain selon moi.

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