samedi 21 novembre 2015

Paris. Novembre 2015. Les Larmes du Ciel.

Paris, Place de la République,
21 novembre 2015. Photo FDM.

mercredi 4 novembre 2015

Anselm KIEFER. Mutus Liber.

Anselm Kiefer, « Bibliothèque », (Photo DR).

« L'alchimie du livre »
BNF François Mitterand, Paris.
20 octobre 2015 - 7 février 2016.

Émergeant du silence de la bibliothèque personnelle de l'artiste, des strates temporelles nécessaires à la longue fermentation, maturation et fabrication de ces quelques 300 livres de plomb, de plâtre et de cartons : voici les livres enterrés d'Anselm Kiefer. Livres représentant des tonnes de feuillets, parcheminés, stratifiés. Recouverts de terres, de cheveux, de plomb, de verre, d'herbes séchées, de fragments de tissus et matériaux divers.

Ces grandes et lourdes pages - du format (souvent) de ces livres que l'on consulte (avec difficulté) sur le support d'une table ou d'un pupitre de belle taille - ont elles-mêmes été soumises à maturation, fermentation, fertilisation.

Livres majoritairement muets ou presque (en dehors du ou des titres qui sont là pour tracer une de ces indications, une de ces traces ou sillages délimitant (ou "illuminant") une planète à explorer - à l'instar du fameux Mutus Liber de la tradition alchimique -, mais dont la signification (le Sens) est bien LÀ. Recouverte. Enterrée. Déterrée. Décuplée à force de mystère.

Le dire n'est pas DIT. Peut-il être DIT ? Ou simplement INDIQUÉ, DÉSIGNÉ. Il semble d'autant plus puissant d'être seulement COMPACTÉ. Recouvert de strates, de couches, du pesant cartilage de la matière.

Cette dernière - la matière - est ainsi paradoxalement ce qui fait SENS. Comme le sel ou le souffre des deux plateaux de la balance qui surmonte les grandes sculptures exposées présentement dans la TRÈS GRANDE BIBLIOTHÈQUE des Bords de Seine. Ce sens est lui-même compacté, réduit. ENTASSÉ. TASSÉ. QUINTESSENCIÉ.

L'entreprise est folle. Comme le sont le temps, la matière, les strates et niveaux de sens qui constituent la texture serrée de l'histoire et de la mémoire humaine. - Une poignée de terre, une chape de plomb, un amas de feuillets calcinés peuvent contenir le TOUT.

UN (D')ÉTONNANT BAVARDAGE MÉTAPHYSIQUE. - Contrepoint (obligé ?) du prodigieux Mutus Liber de la materia prima, les références spirituelles et mentales d'Anselm Kiefer - littéraires et historiques (Michelet, Celan, Genet), philosophiques (Heidegger), religieuses et mystiques (la cabbale, la mystique juive) et mythiques (l'Égypte, la Grèce, Babylone, etc.) - peuvent paraître LOURDES. Et, en un sens, plus pesantes que la matière qui leur sert de support.

Ces références relèvent de l'extraordinaire pouvoir du langage. Écrit, parlé mais aussi CELÉ et MUET, qui hante de manière récurrente l'imaginaire humain, occidental (n'avons-nous pas notre Marcel DUCHAMP/DU SIGNE) et plus précisément germanique (les relations d'Anselm Kiefer et de Joseph Beuys mériteraient, sur ce point, un ample détour).

NOTA BENE. - Choisissant, en 1994, les pages d'un des livres de plomb d'Anselm Kiefer pour « illustrer » la couverture de mon Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne (Bordas, 1994), j'avais bien conscience d'ouvrir ce livre (consacré à l'histoire et la genèse des matériaux dans une époque importante de l'art) sur un sens indéfiniment stratifié. Sachant que ce livre on pouvait l'ouvrir, l'excentrer, l'augmenter de strates, de couches et de feuillets multiples. Feuillets insérés dans les mille interstices d'une grille et où l'on pourrait adjoindre du blé, des fleurs, du sel, de la poussière et des cendres. Les mille et un fragments de la materia prima .

Le Livre d'Anselm Kiefer devenait ainsi l'archétype même de l'art et de son histoire. De l'art moderne assurément. Mais pas seulement puisque sur sa lancée s'engouffreraient tous les Léonard de Vinci, van Gogh, Rodin (cf. ces livres « de marbre » réalisés par Kiefer en hommage à Rodin, sur les feuillets mimétiques des veines d'un marbre blanc), les herbiers de toutes époques, les livres de pierre des civilisations antiques et jusqu'aux signes tracés par la nature, les animaux ou l'homme, sur des supports aussi divers que l'eau, les nuages, la cendre ou la poussière.


Site de l'exposition Kiefer à la BNF

Anselm Kiefer, Livre 51, photographie sur plomb
(Couverture du livre, Histoire matérielle et
immatérielle de l'art moderne, Bordas, 1994).

dimanche 1 novembre 2015

Philippe HALSMAN, Magicien et Prestidigitadeur.

Mao/Marilyn, 1952.
© Archives Philippe Halsman.

Philippe HALSMAN : Étonnez-moi.
Musée du Jeu de Paume (Paris).
du 20/10/2015 au 24/01/2016

« ÉTONNEZ-MOI ! » - « ASTONISH ME ! »
L'invention, la surprise permanente, tels sont les maîtres mots de Philippe Halsman qui sans cesse se décale, se renouvelle et EXPÉRIMENTE. Sans jamais perdre la rigueur et la maestria de son métier de photographe professionnel.

C'est cela qui enchante : la grâce de ces portraits (Audrey Hepburn dans la fraîcheur d'un rideau de feuillage, Hitchcock exhibant un cigare transformé en perchoir pour oiseau (1962), Marilyn transformée en Mao Tsé-Toung (1952) - à la demande de Salvador Dali -, Jean Cocteau emmanché de bras multiples à la façon d'une idole faussement cambodgienne (L’artiste multidisciplinaire, 1949), l'humour des expériences partagées avec Salvador Dali, les prouesses (réelles ou simulées) de son entreprise de « jumpologie ». - Irait-on ainsi imaginer le temps où l'on arrêterait toute la planète (ses guerres, ses cotations boursières, ses versatilités, ses rumeurs incessantes) et où l’ensemble des habitants de la planète sauterait conjointement. Au ciel ou au plafond.

Halsman a tout du magicien ou du prestidigitateur : de son chapeau et sa chambre noire, il vous sort des oiseaux, des animaux et des humains. Versatiles, transformés, métamorphosés. Le monde construit peu à peu, au cours de quarante et quelques années de jongleries photographiques, s’apparente à un univers hybride. Le profil acéré de Salvador Dali s’y confronte à celui d’un rhinocéros ; Marilyn saute, comme sautent (prenant ainsi une hauteur qui en étonne certains) le duc et la duchesse de Windsor, Richard Nixon, Brigitte Bardot et toute une kyrielle de chats convoqués pour l’occasion.

Les expériences et performances, menées conjointement par Halsman et Salvador Dali pour la télévision au début des années 1950, jettent une lumière intéressante sur le personnage de Dali qui invente pour l’occasion toutes sortes d’actions cocasses et délirantes - bulles de plexiglass mobiles et habitées ; peintures effectuées avec pour pinceaux vivants des cochons, etc. (« Chaos & Creation », CBS Show, NYC, 1956).

Une belle vitalité.

Site de l'exposition

Portrait d'Alfred Hitchcock
pour la promotion du film "Les Oiseaux" 1962.
© Archives Philippe Halsman.