vendredi 19 novembre 2021

PARIS PHOTO 2021. Collages. Maquillage. Travestissement.

Paris Photo. Vue d’ensemble :
Tomasz Machcinski (Galerie Christian Berst Art brut),
Photo ©FDM 2021*


De retour après un an d’interruption liée à la pandémie, cette excellente foire a de nouveau ouvert ses portes - du 11 au 14 novembre 2021 - dans un lieu transitoire, le Grand Palais éphémère qui déploie ses espaces dans le Champ de Mars, entre la Tour Eiffel et l’École militaire. À la grande joie de ses habitué(e)s.

Chaque année, nous insistons sur l’une des tendances de l’année. En cette année 2021, il semble que la photographie soit bien décidée à s’engouffrer dans le champ des métamorphoses et des franchissements de territoires. À muer et se transformer plus que jamais. Se faisant caméléon, travaillant sur les superpositions, les collages, la confusion des espaces, des images, des figures et des fonds, ainsi que du ou des cadres qui les enserrent.

Beaucoup d’œuvres reposent sur la juxtaposition de deux ou plusieurs images. On passe ainsi du quasi redoublement d’une même image ou de sa présentation légèrement décalée (ou bien « cassée », interrompue parfois d’un simple filet blanc) à la mise en scène de deux images similaires, à des sortes de cartouches entourant une image centrale ou venant s’y incruster. L’effet (déjà bien connu) demeure aléatoire et n’est pas toujours exempt de « facilité ».

D’autres innovations sont beaucoup plus intéressantes. L’image photographique se plisse, se froisse, se mue en sculpture ou bas-relief. Elle peut aussi se cacher dans des boîtes et des transparences, s’acoquiner et se confronter à d’autres images - similaires ou en total contraste. Elle va jusqu’à s’adjoindre des compléments ou excroissances : comme ce néon coloré qui ponctue d’un léger arc fluorescent la photographie d’une statue antique (Viviane Sassen, Galerie Stevenson, Amsterdam), donnant au visiteur la sensation d’un volume et d’une troisième dimension).

Une palme, cette année, pour les autoportraits et transformations à vue (plus de 20 000 au fil des ans) de Tomasz Machcinski, classé ou déclassé ou surclassé « art brut ». Une forme de pratique journalière, populaire et festive, qui ne s’enrobe d’aucun tabou et rejoint sur le podium la liste de ceux qui pratiquent les Autoportraits à transformations (Cindy Sherman, Michel Journiac), Raphaël Rémiatte dont on se dit qu'il n'aurait pas déparé dans cette foire, etc. ). — Bienvenue à Christian Berst et sa galerie dont le parcours a toujours foisonné d’expositions de qualité.

Le processus de transformation des images est vieux comme le monde, qu’elles sont censées refléter. La simple utilisation par Irving Penn de quelques tubes de rouges à lèvres de coloris divers transforme une jolie bouche en une fleur chatoyante. et l'on se prend à s'interroger : la couleur est-elle celle de la photographie ou vient-elle s'y superposer ? Le doute est permis, qui vient ébranler l'écart entre artifice et réalité. Le réel est-il dans ses doubles, ses masques et ses oripeaux de luxe ?

©Irving Penn, Lips, 1986. Pour Loréal. MOMA.


Les célèbres trompe-l’œil de Georges Rousse sont ici représentés par la double cheminée de l'intérieur d’un immeuble ancien et délabré (Vence, juillet 2021, Galerie RX.) L’espace y est redessiné par de larges plans ou formes géométriques de couleurs vives (blanc, jaune, gris, rouge, vert, bleu). Les volumes et perspectives s’aplatissent et font « tableau ». Braque et le cubisme ne sont pas loin, la photographie achevant de donner à l’ensemble son évidence et sa planéité.

Épingler le flou : nous terminerons sur cette vision floue et magique, obtenue par un léger tremblé de l’appareil, que l’on retrouve sur plusieurs stands. Comme cette Photographie de mode de Paolo Roversi qui sublime et le modèle et le vêtement en proposant une silhouette déconstruite mais dotée d’une aura. Cette aura miraculeuse (et comme originelle) dont la photographie n’a pas fini de se parer, nous les retrouvons dans le charme embué des photographies du peintre Cy Twombly (fleurs, citrons,couleurs pastellisées, impressions,Galerie Gagosian).

*Les présentes prises de vue sont de l’auteur de ce blog, ©FDM 2021.

Paolo Roversi, Anna Maria pour Comme des Garçons,
2011 (Pace Gallery).

vendredi 5 novembre 2021

De KOONING / SOUTINE.




En « écho » à l’actuelle exposition de l’Orangerie * (sur laquelle nous reviendrons)  : une analyse des relations De Kooning/ Picasso/Soutine), rédigée en 1996. A retrouver dans un ouvrage consacré à une galaxie d’artistes américains (Warhol, Rauschenberg, Lichtenstein, etc) : HÔTEL DES AMÉRIQUES **.

Il est rare - pour un auteur - de se promener dans une exposition qui vient comme concrétiser, réaliser « en chair et en os » un de ses textes anciens, au parcours précisément rêvé.

Hormis l’absence de toiles de Picasso (qui sont là, toutefois, bien présentes dans le canevas de certaines des toiles de Willem De Kooning) le rêve ancien peut se déployer et déplier dans un va et vient entre les toiles de Soutine et les autres portraits ou paysages du peintre nord-américain.

S’ensuit une promenade dans le double labyrinthe des figures, diluées, déstructurées et liquides, de Soutine et De Kooning ». Du cubisme de Picasso [qui marque les premiers travaux du peintre américain] à l’écorché de Soutine (qui influence en profondeur la série des Woman), la chair s’y fait peinture, coulures, reflets.

Fluides, liquides, les couleurs et les formes s’y transforment et ruissellent comme dans un miroir d’eau. Ou de chair éclatée.

* Chaïm Soutine / Willem De Kooning, la peinture incarnée, jusqu’au 22 janvier 2021.

** Ouvrage présent dans la librairie de l’exposition.

Chaïm Soutine, Femme entrant dans l'eau, 1931
Photo ©FDM, 2021.