lundi 17 février 2020

RÉSISTANCES. Claudia ANDUJAR. La lutte YANOMAMI.

Araca, Amazonas/Surucucus, Roraima, surimpression, 1983.
Photo ©Claudia Andujar, 2019.

Du 30 janvier au 10 mai 2020.
261, Boulevard Raspail, 75014 - Paris

« Les blancs détruisent l’Amazonie parce qu’ils ne savent pas rêver. » (Davi Kopenawa)

« Je marchais toujours dans la forêt amazonienne avec les Indiens ; la marche était devenue automatique. Et j’ai senti que la vie prenait soin de moi. C’était une marche qui me purifiait. Elle lavait tout ce qui était en moi. La chaleur, la sueur, la fatigue, le bruit sourd des pas. » (Claudia Andujar, septembre 1975)

Les photographies, films et installations largement déployés dans les espaces de la Fondation Cartier nous ouvrent l’accès à un autre monde. Pénétrant à la suite de Claudia Andujar à l’intérieur du territoire Yanomami, vaste étendue amazonienne située de part et d’autre de la frontière que les peuples blancs instaurèrent entre le Brésil et le Vénézuela, nous découvrons des humains qui ont longtemps vécu en osmose avec leur territoire. Jusqu’à l’arrivée d’une agriculture intensive qui nécessitait l’installation de routes et la destruction de l’habitat naturel des Indiens. Ce défrichage sera bientôt suivi de l’arrivée des orpailleurs, à la recherche de métaux… et qui vont creuser, détruire et polluer les sols.

La présente exposition est d’une grande richesse et complexité. Comme le fit, au début des années 1970, Claudia Andujar, nous découvrons un peuple magnifique, riche d’un savoir complexe et d’une expérience qui leur a permis d’élaborer une culture, un ensemble de rites et de savoir-faire opérants. - Les liens établis par la photographe avec ces gens qu’elle admire et qui la fascinent débouchent sur des clichés poétiques, inspirés, mystiques souvent.

Elle tâtonne, fait des expériences, change ses objectifs, apprend à travailler dans l’obscurité, enduit son objectif de vaseline afin de créer des effets de flous et de filés. Elle a également recours à des surimpressions et des enregistrements multiples. Cela lui permet de s’approcher de l’aura poétique et mystique qui imprègne les fêtes et les rituels (de mort ou bien d’initiation). On atteint ici une sorte d’âge d’or de son travail, qu’elle cherchera à prolonger longtemps.

En 1977, considérée comme « fauteuse de troubles », elle est expulsée du territoire des Yanomami par le gouvernement militaire brésilien et interdite d’accès. Elle rencontre alors l’anthropologue Bruce Albert. Tous deux s’inquiètent du sort des populations, alors décimées par une épidémie de rougeole. Avec un certain nombre d’amis et de personnalités soucieuses de la survie des Indiens, ils vont créer une Commission de défense des Indiens Yanomami. Claudia Andujar devient une militante.

Elle finit par revenir sur leur territoire et continue son travail de photographe. Mais celui-ci se transforme. Son appareil enregistre désormais les changements brutaux auxquels sont soumis les populations autochtones, dont une grande part va constituer une main d’œuvre bon marché pour les terrassiers et défricheurs de la forêt.

Au début des années 1980, elle participe à une campagne de vaccination et réalise des photographies (numérotées) permettant d’identifier les individus de ce peuple dont les noms et les identités sont pour une large part « nomades » ou secrets. Lui reviendra alors en mémoire le fichage et la numérotation des individus opérés par le système nazi ; la plupart des membres de sa famille disparut dans les camps du IIIe Reich. Mais, cette fois-ci (dira-t-elle) il s’agissait de « marquer les gens », de les repérer, pour qu’ils puissent vivre

L’exposition s’étend sur toute la vie de Claudia Andujar et retrace un pan important de l’histoire du peuple Yanomami. Deux rencontres seront fondamentales dans son parcours : celle de Bruce Albert, déjà évoqué, qui l’initiera à la science des peuples de l’Amazonie et qui sera son compagnon de lutte ; celle aussi du natif Davi Kopenawa, qui se rapprochera un temps des « blancs » afin de comprendre leur fonctionnement et sera plus tard initié à la fonction de chaman par son beau-père. Personnage « politique » et chef spirituel, il est aujourd’hui un des principaux représentants de la défense des peuples de l’Amazonie.

La Fondation Cartier nous offre une exposition d’une brûlante actualité, où se mêlent culture et militantisme, chamanisme, poésie, rêverie et actes de résistance. On ne saurait trop recommander de s’y précipiter et d’en arpenter tous les méandres.

L'exposition Claudia ANDUJAR à la Fondation Cartier

Livre : La Chute du ciel. Paroles d’un chaman Yanomami

Invité paré de plumules de vautour pape…, Catrimani, Roraima,
surimpression, 1974. Photo ©Claudia Andujar, 2019.