jeudi 19 novembre 2020

Lignes. Dessins. Automatisme et Création.



Des premières lignes tracées par l’enfant qui (avant même de s’intéresser aux traces ainsi produites) obéit à une pure impulsion motrice, jusqu’au tracé - errant et libéré - des dessins automatiques d’André Masson, toute une aventure se déploie : celle de l’automatisme et du contrôle (ou non-contrôle délibéré) des formes, des signes et des figures.

La question de l’automatisme déborde certes le seul dessin et le seul tracé. Les deux ouvrages ici mis en exergue le montrent, chacun à leur façon.

L’un plonge dans le surréalisme, l’inconscient et s’abreuve aux sources médiumniques du dessin ; il s’appuie sur les énergies créatrices mises en lumière par Henri Bergson, fait appel aux travaux des psychiatres (Janet) sur l’automatisme psychique et prend comme « source » les textes du Vinci sur « le vol des oiseaux ».

L’enfant est celui qui nait au monde, découvrant peu à peu le spectacle perspectif qui l’entoure et le dépasse, mais sur lequel il peut agir, imprimer sa marque, manifester son désir et sa volonté de transformation.

L’enfance prend un intense plaisir à contrôler et moduler ce geste qu’elle effectue initialement d’un seul tenant. Elle apprend la maîtrise du « point de départ » et du « point d’arrivée » de la forme qu’elle circonscrit. Mais elle éprouve tout autant d’excitation à revenir à la pure gestualité d’un gribouillage dont elle pressent le pouvoir expressif.

C’est dans le prolongement du trauma de la guerre de 14-18 qu’André Masson (demeuré blessé sur le champ de bataille et conscient du spectacle qui l’entourait) en est venu à cette irrépressible expression : celle de la ligne automatique. Libre, surgie comme miraculeusement de l’inconscient et qui ne cesse de piéger - dans ses boucles et circonvolutions - des signes, des figures. Etoiles et constellations. Seins, vulves. Flèches et pointillés de la ligne.

Dans les deux cas, ce sont ces métamorphoses de la ligne - ces inflexions - qui permettent la mise en œuvre et fabrication de l’immense univers du geste et du graphisme. Boucle sans cesse transformée et reprise. Elan vital qui se poursuit d’une génération à l’autre. D’un geste à son presque double.

André Masson et l’enfant - chaque enfant - génèrent ainsi des mondes. Prolifiques. Terrifiques ou sereins. Distendus ou resserrés.

Et, dans tous les cas : étoilés. Merveilleux.