Plurielle, polyvalente, la photographie contemporaine recouvre des tendances très différentes. Il n'y aurait, sur ce point, qu'à mettre en regard l'une de l'autre les œuvres divergentes de Diane Arbus et de Joël-Peter Witkin (photographe américain né en 1939). La monstruosité et une représentation corporelle hors normes sont cependant des problématiques communes aux deux.
Tout ensuite les sépare. Arbus n'intervient quasiment pas sur ses clichés qui demeurent de « fidèles » captures du réel ; ses « monstres » sont quasiment domestiqués ; ils appartiennent à la vie ordinaire et c'est cela qui fait la force de ses photographies.
Joël-Peter Witkin prélève lui aussi ses matériaux (objets, humains) dans le réel, mais il pousse la recherche de la monstruosité et du hors norme jusqu'à leurs limites. Et surtout, il théâtralise le tout de manière ostentatoire. Le théâtre de la vie et de la rue ordinaires, qui était celui d'Arbus, est débordé de toute part. On est transporté au cœur d'un opéra baroque et des plus noir.
Le traitement de l'image est ici prépondérant. Les matériaux de départ sont découpés, recollés, maquillés, tronçonnés, suturés les uns aux autres. Les corps font l'objet de singulières métamorphoses, les visages se transforment en masques et les silhouettes en figures robotiques. D'où cette intense poésie, cette bascule au sein d'un univers dont on sait qu'il a outrepassé toutes les marges.
Le théâtre dont il s'agit est délibérément CRUEL. Et provocant. Cette cruauté est certes celle des instruments (ciseaux, scalpels, instruments de contention et accessoires sado-maso) qui participent à la fabrication des mises en scène de Witkin. - En arrière-plan cependant, le spectateur est sans cesse ramené à cette autre cruauté qui est celle du réel. De ce réel qui a été nécessaire pour qu'adviennent certaines images (Femme qui fut un jour un oiseau, Los Angeles, Californie, 1990).
On demeure bien en effet dans un univers qui est celui de la photographie, laquelle prélève et découpe dans le réel, la chair et le vif. - Théâtres donc de la cruauté, au sens physique et matériel du terme.
Ces mises en scènes poétiques et barbares tranchent donc singulièrement avec ces estampes - fabuleuses - qui ponctuent et l'imaginaire de Witkin et le parcours de l'exposition : Dürer, Rembrandt, Goya, Picasso et (au premier chef) ce somptueux dos d'écorché féminin de Gautier d'Agoty (XVIIIe siècle), etc.
Parmi toutes ces mises en scènes photographiques, celles qui auraient ma préférence sont celles qui s'avèrent le plus impeccablement suturées (Sanatorium, 1983, Moisson, Philadelphie, 1984). Au point que l'on ne sait plus dans ce jeu de bascule où est le vrai, où est l'artifice. Les deux se sont mêlés au cœur de mondes qui - il faut le souligner - sont (la plupart du temps) en noir et blanc.
Avec des noirs profonds, des dégradés de gris et des échelles de blancs qui en font toute la poésie.
Joël-Peter Witkin. Enfer ou Ciel. BNF Richelieu /
Galerie Mansart. Du 27 mars au 1er juillet 2012.
Commissaire : Anne Biroleau
Tout ensuite les sépare. Arbus n'intervient quasiment pas sur ses clichés qui demeurent de « fidèles » captures du réel ; ses « monstres » sont quasiment domestiqués ; ils appartiennent à la vie ordinaire et c'est cela qui fait la force de ses photographies.
Joël-Peter Witkin prélève lui aussi ses matériaux (objets, humains) dans le réel, mais il pousse la recherche de la monstruosité et du hors norme jusqu'à leurs limites. Et surtout, il théâtralise le tout de manière ostentatoire. Le théâtre de la vie et de la rue ordinaires, qui était celui d'Arbus, est débordé de toute part. On est transporté au cœur d'un opéra baroque et des plus noir.
Le traitement de l'image est ici prépondérant. Les matériaux de départ sont découpés, recollés, maquillés, tronçonnés, suturés les uns aux autres. Les corps font l'objet de singulières métamorphoses, les visages se transforment en masques et les silhouettes en figures robotiques. D'où cette intense poésie, cette bascule au sein d'un univers dont on sait qu'il a outrepassé toutes les marges.
Le théâtre dont il s'agit est délibérément CRUEL. Et provocant. Cette cruauté est certes celle des instruments (ciseaux, scalpels, instruments de contention et accessoires sado-maso) qui participent à la fabrication des mises en scène de Witkin. - En arrière-plan cependant, le spectateur est sans cesse ramené à cette autre cruauté qui est celle du réel. De ce réel qui a été nécessaire pour qu'adviennent certaines images (Femme qui fut un jour un oiseau, Los Angeles, Californie, 1990).
On demeure bien en effet dans un univers qui est celui de la photographie, laquelle prélève et découpe dans le réel, la chair et le vif. - Théâtres donc de la cruauté, au sens physique et matériel du terme.
Ces mises en scènes poétiques et barbares tranchent donc singulièrement avec ces estampes - fabuleuses - qui ponctuent et l'imaginaire de Witkin et le parcours de l'exposition : Dürer, Rembrandt, Goya, Picasso et (au premier chef) ce somptueux dos d'écorché féminin de Gautier d'Agoty (XVIIIe siècle), etc.
Parmi toutes ces mises en scènes photographiques, celles qui auraient ma préférence sont celles qui s'avèrent le plus impeccablement suturées (Sanatorium, 1983, Moisson, Philadelphie, 1984). Au point que l'on ne sait plus dans ce jeu de bascule où est le vrai, où est l'artifice. Les deux se sont mêlés au cœur de mondes qui - il faut le souligner - sont (la plupart du temps) en noir et blanc.
Avec des noirs profonds, des dégradés de gris et des échelles de blancs qui en font toute la poésie.
Joël-Peter Witkin. Enfer ou Ciel. BNF Richelieu /
Galerie Mansart. Du 27 mars au 1er juillet 2012.
Commissaire : Anne Biroleau