4 décembre 2016. - Fondée à Sao Paulo en 1991 (il y a maintenant 25 ans) par Maura Baiocchi, chorégraphe adepte du Buto, la compagnie brésilienne Taanteatro, se produit à Paris au Théâtre de Nesle. Encore insuffisamment connue en France et en Europe, objet de rumeurs des plus positives, appréhendée grâce à la lecture des quelques fragments de spectacle que l'on peut trouver ici ou là sur Internet, la trajectoire du Taanteatro témoigne d'une grande richesse et d'une impressionnante maturité.
La troupe a multiplié les spectacles autour d'Artaud. Et c'est un "Artaud le Momo" que Maura Baiocchi et Wolfgang Pannek présentaient au Théâtre de Nesle.
- "Artaud le Momo". Largement connu du public ce texte d'Artaud a fait l'objet, ces dernières années, de maintes et maintes reprises. Nombreux sont les "solistes" à s'être frottés à cette œuvre canonique et l'on est souvent lassé par la surenchère de mimétisme à laquelle se sont livrés presque tous les acteurs incarnant "Artaud Momo".
La surprise n'en est - ici - que plus grande. Car la performance de Maura Baiocchi outrepasse largement toutes les interprétations jusqu'ici donnés. En dehors des premières minutes où elle campe la vison archétypique d'un Artaud Momo, coiffé de son béret et vêtu de son ample manteau (une écharpe de laine rouge vient déjà perturber et dénoncer l'image traditionnelle…), Maura Baiocchi n'est plus dans le mimétisme mais dans la "sympathie". Au sens fort et premier que revêt le terme.
On est alors dans un autre univers. Celui de la moelle et des os, d'un inconscient organique et hallucinatoire. Tout passe par une gestuelle totalement maîtrisée et travaillée jusque dans le déglingué et la rupture. La leçon et la technique viennent assurément du Buto : travail minutieux et répété sur les systèmes énergétiques permettant la mise en branle d'une musculature corporelle qui réagit - de manière millimétrée - au moindre souffle et à la plus indistincte inflexion de voix.
Sans doute est-ce la première fois que le Momo est ainsi incarné par une femme. Cette ambiguité sexuelle renforce encore le sentiment d'appartenance de Maura Baiocchi à son "personnage". - Elle est Artaud - et au-delà d'Artaud -, se fond en ses rêves et ses obsessions, se coule dans la gymnopédie de ses attaches, se désarticule en chacun de ses doubles, en chacune de ses ombres. Cet univers est complexe. Androgyne, le plus souvent. Furieux et malmené.
La femme, toutefois, au détour d'un geste ou d'une obsession, réapparaît dans les nœuds de sa chevelure. Ou bien se déplie et déploie - étendue, couchée, harmonieuse, sur le fond de nature d'une vidéo aqueuse. - L'ensemble de la performance n'en est alors que plus fort, qui parvient à jouer sur un registre étendu… et contradictoire.
D'un bout à l'autre du spectacle, la sensationnelle performance de Maura Baiocchi est supportée et sous-tendue par un fond visuel poétique. Orchestrées par Wolfgang Pannek, des projections vidéo (écritures, graphismes dansants, paysages et eaux vives) amplifient le propos, font littéralement danser, plier et ployer le texte d'Artaud.
À quand une présentation du Taanteatro en Avignon ? Dans la Cité de ces Papes qu'Artaud a si cruellement vitupérés ?
Lien vers le Taanteatro
Maura Baiocchi incarnant Artaud le Momo (2016).
La troupe a multiplié les spectacles autour d'Artaud. Et c'est un "Artaud le Momo" que Maura Baiocchi et Wolfgang Pannek présentaient au Théâtre de Nesle.
- "Artaud le Momo". Largement connu du public ce texte d'Artaud a fait l'objet, ces dernières années, de maintes et maintes reprises. Nombreux sont les "solistes" à s'être frottés à cette œuvre canonique et l'on est souvent lassé par la surenchère de mimétisme à laquelle se sont livrés presque tous les acteurs incarnant "Artaud Momo".
La surprise n'en est - ici - que plus grande. Car la performance de Maura Baiocchi outrepasse largement toutes les interprétations jusqu'ici donnés. En dehors des premières minutes où elle campe la vison archétypique d'un Artaud Momo, coiffé de son béret et vêtu de son ample manteau (une écharpe de laine rouge vient déjà perturber et dénoncer l'image traditionnelle…), Maura Baiocchi n'est plus dans le mimétisme mais dans la "sympathie". Au sens fort et premier que revêt le terme.
On est alors dans un autre univers. Celui de la moelle et des os, d'un inconscient organique et hallucinatoire. Tout passe par une gestuelle totalement maîtrisée et travaillée jusque dans le déglingué et la rupture. La leçon et la technique viennent assurément du Buto : travail minutieux et répété sur les systèmes énergétiques permettant la mise en branle d'une musculature corporelle qui réagit - de manière millimétrée - au moindre souffle et à la plus indistincte inflexion de voix.
Sans doute est-ce la première fois que le Momo est ainsi incarné par une femme. Cette ambiguité sexuelle renforce encore le sentiment d'appartenance de Maura Baiocchi à son "personnage". - Elle est Artaud - et au-delà d'Artaud -, se fond en ses rêves et ses obsessions, se coule dans la gymnopédie de ses attaches, se désarticule en chacun de ses doubles, en chacune de ses ombres. Cet univers est complexe. Androgyne, le plus souvent. Furieux et malmené.
La femme, toutefois, au détour d'un geste ou d'une obsession, réapparaît dans les nœuds de sa chevelure. Ou bien se déplie et déploie - étendue, couchée, harmonieuse, sur le fond de nature d'une vidéo aqueuse. - L'ensemble de la performance n'en est alors que plus fort, qui parvient à jouer sur un registre étendu… et contradictoire.
D'un bout à l'autre du spectacle, la sensationnelle performance de Maura Baiocchi est supportée et sous-tendue par un fond visuel poétique. Orchestrées par Wolfgang Pannek, des projections vidéo (écritures, graphismes dansants, paysages et eaux vives) amplifient le propos, font littéralement danser, plier et ployer le texte d'Artaud.
À quand une présentation du Taanteatro en Avignon ? Dans la Cité de ces Papes qu'Artaud a si cruellement vitupérés ?
Lien vers le Taanteatro