Montage Teyssèdre/Duchamp (Jean Da Silva).
École des Arts de La Sorbonne, Paris 1
Samedi 26 mars 2022
Ont participé à cet hommage (par ordre d’intervention) :
Antonella Tufano, François Chausson, Dominique Chateau, Hervé Fischer, Pierre Baqué, Philippe Tancelin, Florence de Mèredieu, Fan Pichon, Nathalie Reymond, Jacques Cohen, Jean-Pierre Sag, Anne-Marie Duguet, Jean-Pierre Brigaudiot, Jean Lancri, Philippe Janvier, Jean-Luc Moulène et Jean Da Silva, auteur du montage de l’ensemble.
Hommage à ses multiples vies, ses idées,
son allant et son intelligence.
Je vais partir d’une anecdote : Il y a deux ans, en 2020, en plein confinement, une amie critique d’art, Catherine Francblin - qui travaille sur Bernar Venet - me joint par mail :
Ma réponse fut rapide et « enjouée » : Bernard Teyssèdre était (et demeure) un universitaire très brillant, à la fois érudit et immensément ouvert au monde contemporain. Lorsqu’il a fondé son UER, au tout début des années 1969-1970, il a voulu avoir des représentants de tout ce qui se faisait de neuf à l’époque dans le monde de l’art. Ce qui explique sa demande à Venet. L’art conceptuel était alors une des «données» à prendre en compte : au milieu de beaucoup d’autres (comme le body art, l’art sociologique naissant, le développement des travaux d’artistes avec l’ordinateur, l’art vidéo, etc.).
Bernard Teyssèdre fut - de surcroît et durant longtemps avant de se retirer dans une certaine distance, nécessaire à ses travaux de recherche (littéraires, paléontologiques et autres) - un grand «mondain». Dans le bon sens du terme. Multipliant les contacts. Ce qui lui était aisé car disposant d’une chaire importante à l’Université, il a dirigé un nombre incalculable de thèses, à la Sorbonne. C’est de cette façon que je l’avais connu.
Entre 1970 et 1976, il fut également critique d’art au Nouvel Observateur. Ce qui lui permit d’approfondir encore sa connaissance de l’art contemporain.
Cette UER naissante et nouvelle (associant théories et pratiques artistiques) s’est d’abord tenue à Censier (actuelle Paris 3). L’atmosphère y était encore celle de 1968. Avec le fameux «souk», à l’atmosphère débridée. C’est là que - jeune universitaire, je faisais mes cours dans un AMPHI bondé. J’ai commencé par un cours sur les dessins d’enfant que l’on projetait sur des télévisions. Plus tard, je ferai des cours sur le nouveau théâtre américain des années 1960-70, sur la psychanalyse de l’art et - à la toute fin des années 1970 - sur les dessins d’Antonin Artaud.
En 1972, l’UER a eu des locaux dans un espace industriel désaffecté, rue Saint-Charles dans le 15e arrondissement de Paris. Ce fut une époque passionnante : Il n’y avait pas vraiment de «salles de cours» et une dimension permanente de Happenings. Dans de grands espaces. Je me souviens encore de Bernard Teyssèdre y fredonnant l’Hymne à la Joie de Beethoven, de Journiac y peaufinant ses performances, de Jean-Michel Palmier (au verbe haut), de Claudine Roméo-Laudy (prête à tenter toutes les expériences) et de Françoise Saddy (chargée d’enseignements pratiques et artistiques) et de tant d’autres… Ce sont parmi mes meilleurs souvenirs comme enseignante universitaire. Il se passait en permanence toute une foule d’évènements et la dimension collective demeurait importante.
Quelques précisions apportées à Catherine Francblin : C’est sans doute à ce moment-là - en 1974-75 durant les 8 -9 mois de l’année universitaire - que Bernar Venet a du intervenir à la demande de Teyssèdre. Il faudrait lui demander comment il l’a vécu. Si tu as des questions, n’hésites pas ! Mais évidemment le sujet [Bernard Teyssèdre] est VASTE. Et je pourrais être intarissable.
L’UER est devenue - par la suite - beaucoup plus respectable. Avec de bons enseignants. Je serai restée 11 années durant - en tant que chargée de cours - dans l’UER des Arts plastiques de Paris 1 (Saint Charles). - A partir de 1981, ce fut pour moi La Sorbonne et l’UER de Philosophie (où y était enseignée l'esthétique) de Paris I (en plein quartier latin) et un milieu théorique assez différent.
Outre ses compétences dans le domaine de la littérature, de l’esthétique et des arts plastiques, Bernard Teyssèdre était aussi doué d’un sens politique aigu. Je me rappelle encore la maestria avec laquelle - au moment d’une AG ou d’une situation délicate - il savait rabattre ses partisans, s’en entourer et régler le problème en moins de deux. Il disposait d’une autorité naturelle dont l’UER d’arts plastiques a beaucoup profité, face à des institutions universitaires que la percée soudaine de ces trublions d’avant-garde pouvait inquiéter.
Longue vie donc - dans toutes nos mémoires - à Bernard Teyssèdre, ce gentleman-cavalier d’un autre temps.
Bernard Teyssèdre sur Wikipédia
Sur l’histoire des Arts plastiques à l’Université de Paris 1, on lira avec profit l’ouvrage réalisé par Jean Da Silva, « Une part de risque. Les Arts plastiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (1969-2019) », Paris, Éditions de La Sorbonne, 2020.
« Je t'écris car tu pourrais peut-être m'aider. J'écris la biographie de Bernard Venet. Celui-ci a donné quelques cours à la Sorbonne en 1974-75 aux étudiants de l'UER des Arts Plastiques et Sciences de l'Art. Il avait été chargé de ces cours par Bernard Teyssèdre que tu as peut-être connu. Et peut-être même as-tu enseigné dans cette « Unité » ? Est-ce que par hasard tu saurais ce qui chez Venet - artiste conceptuel, à l'époque - a pu intéresser Teyssèdre. Si tu étais dans les parages à l'époque… Plus généralement, quel genre de bonhomme était Teyssèdre (si tu l'as connu – et pour ne pas m'en tenir uniquement à sa fiche Wikipédia) ? »
Ma réponse fut rapide et « enjouée » : Bernard Teyssèdre était (et demeure) un universitaire très brillant, à la fois érudit et immensément ouvert au monde contemporain. Lorsqu’il a fondé son UER, au tout début des années 1969-1970, il a voulu avoir des représentants de tout ce qui se faisait de neuf à l’époque dans le monde de l’art. Ce qui explique sa demande à Venet. L’art conceptuel était alors une des «données» à prendre en compte : au milieu de beaucoup d’autres (comme le body art, l’art sociologique naissant, le développement des travaux d’artistes avec l’ordinateur, l’art vidéo, etc.).
Bernard Teyssèdre fut - de surcroît et durant longtemps avant de se retirer dans une certaine distance, nécessaire à ses travaux de recherche (littéraires, paléontologiques et autres) - un grand «mondain». Dans le bon sens du terme. Multipliant les contacts. Ce qui lui était aisé car disposant d’une chaire importante à l’Université, il a dirigé un nombre incalculable de thèses, à la Sorbonne. C’est de cette façon que je l’avais connu.
Entre 1970 et 1976, il fut également critique d’art au Nouvel Observateur. Ce qui lui permit d’approfondir encore sa connaissance de l’art contemporain.
Cette UER naissante et nouvelle (associant théories et pratiques artistiques) s’est d’abord tenue à Censier (actuelle Paris 3). L’atmosphère y était encore celle de 1968. Avec le fameux «souk», à l’atmosphère débridée. C’est là que - jeune universitaire, je faisais mes cours dans un AMPHI bondé. J’ai commencé par un cours sur les dessins d’enfant que l’on projetait sur des télévisions. Plus tard, je ferai des cours sur le nouveau théâtre américain des années 1960-70, sur la psychanalyse de l’art et - à la toute fin des années 1970 - sur les dessins d’Antonin Artaud.
En 1972, l’UER a eu des locaux dans un espace industriel désaffecté, rue Saint-Charles dans le 15e arrondissement de Paris. Ce fut une époque passionnante : Il n’y avait pas vraiment de «salles de cours» et une dimension permanente de Happenings. Dans de grands espaces. Je me souviens encore de Bernard Teyssèdre y fredonnant l’Hymne à la Joie de Beethoven, de Journiac y peaufinant ses performances, de Jean-Michel Palmier (au verbe haut), de Claudine Roméo-Laudy (prête à tenter toutes les expériences) et de Françoise Saddy (chargée d’enseignements pratiques et artistiques) et de tant d’autres… Ce sont parmi mes meilleurs souvenirs comme enseignante universitaire. Il se passait en permanence toute une foule d’évènements et la dimension collective demeurait importante.
Quelques précisions apportées à Catherine Francblin : C’est sans doute à ce moment-là - en 1974-75 durant les 8 -9 mois de l’année universitaire - que Bernar Venet a du intervenir à la demande de Teyssèdre. Il faudrait lui demander comment il l’a vécu. Si tu as des questions, n’hésites pas ! Mais évidemment le sujet [Bernard Teyssèdre] est VASTE. Et je pourrais être intarissable.
L’UER est devenue - par la suite - beaucoup plus respectable. Avec de bons enseignants. Je serai restée 11 années durant - en tant que chargée de cours - dans l’UER des Arts plastiques de Paris 1 (Saint Charles). - A partir de 1981, ce fut pour moi La Sorbonne et l’UER de Philosophie (où y était enseignée l'esthétique) de Paris I (en plein quartier latin) et un milieu théorique assez différent.
Outre ses compétences dans le domaine de la littérature, de l’esthétique et des arts plastiques, Bernard Teyssèdre était aussi doué d’un sens politique aigu. Je me rappelle encore la maestria avec laquelle - au moment d’une AG ou d’une situation délicate - il savait rabattre ses partisans, s’en entourer et régler le problème en moins de deux. Il disposait d’une autorité naturelle dont l’UER d’arts plastiques a beaucoup profité, face à des institutions universitaires que la percée soudaine de ces trublions d’avant-garde pouvait inquiéter.
Longue vie donc - dans toutes nos mémoires - à Bernard Teyssèdre, ce gentleman-cavalier d’un autre temps.
Bernard Teyssèdre sur Wikipédia
Sur l’histoire des Arts plastiques à l’Université de Paris 1, on lira avec profit l’ouvrage réalisé par Jean Da Silva, « Une part de risque. Les Arts plastiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (1969-2019) », Paris, Éditions de La Sorbonne, 2020.
Montage Teyssèdre/Journiac (Jean Da Silva).