©Lucian Freud. Photographie DR.
"Je veux que la peinture soit chair… Je ne voulais pas simplement obtenir une ressemblance comme une imitation…" (Lucian Freud)
"Cela tient du pétale de rose et de la tartine de camembert." (Francis Ponge, sur Fautrier)
Il faut bien en convenir : dès que l’on évoque la notion d’obscénité, on est dans la subjectivité la plus totale. L’obscénité de l‘un n’est pas celle de l’autre. Et réciproquement.
On entre dans la sphère marécageuse du goût et de l’opinion. Et rien n’est plus variable. Tout au plus pourrait-on affirmer que l’esthétique de Lucian Freud n’entretient pas de grande connivence avec l’univers du « Top Model ». Toujours jeune. Toujours frais. Cryogénisé, et dont l’image ne risque pas de se faisander.
Les corps de Lucian Freud n’ont sans doute pas connu les charmes de la chirurgie esthétique. Ou bien il s’agirait d’une forme très particulière de chirurgie qui aurait nom pratique picturale, tinctoriale, pigmentaire. Elle qui s’exerce à grands coups de rabots et de pinceaux.
Il est curieux de voir que de nouvelles « feuilles de vigne » font aujourd’hui leur apparition, jusque dans les colonnes d’un Journal comme Le Monde. Et que ces feuilles de vigne revêtent, sous la plume de Philippe Dagen (cf son article du 12 mars 2010, « Lucian Freud, peintre académique de l’obscène »), les noms de Gerhard Richter, Martial Raysse, Sigmar Polke et (plus curieusement quand on considère ses grandes figures renversées) de Georg Baselitz.
Comment alors considérer la supposée « obscénité », la chair et la pâte innommable de ces autres vieilles lunes qui pourraient avoir nom Rubens (et ses grands nus), Gustave Courbet (L’origine du Monde), Manet (et son Olympia), etc ? Sans même parler des fastes sanglants, « réalistes » et plus récents, du body art des années 1970.
Quant au supposé académisme, au « réalisme cru » qui serait, selon Dagen, celui de Lucian Freud, ils présupposeraient tout de même une certaine « ressemblance » par rapport au modèle, laquelle se trouve balayée d’emblée par la position, des plus tranchée, affichée par Lucian Freud lui-même et son refus de toute forme de ressemblance « imitative ». Propos corroborés par l’examen des photos d’atelier présentes dans l’exposition. Les modèles du peintre ne sont pas, en tant que modèles pétris dans leur propre chair, « monstrueux ». C’est leur portrait qui pourrait apparaître — ou se lire — comme tel.
La peinture, on le voit, est entrée en lice. Et le travail du peintre qui a tout modifié, amplifié, transformé. — L’académisme n’est plus alors ici qu’un processus de « lecture » qui renvoie le regardeur, le critique ou l’esthète à ses propres jugements. Lesquels témoignent souvent d’habitudes culturelles des plus académiques.
Si l’envie vous prend de visiter l’exposition de Lucian Freud, sortez de l’esthétique tout de même assez « coincée » du « Top Model ». Et n’oubliez pas que vous avez affaire non point aux pages glacées et glamour d’un magazine people, mais (tout bonnement : l’aurait-on oublié ?) à DE LA PEINTURE.
*Sur « l’informel », les « matériaux innommables » et le traitement de la « figure » : Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Larousse, 2008.
Lucian Freud. L'Atelier. Exposition Centre Georges Pompidou. 10 mars-19 juillet.
1 commentaire:
...Houlà!j'ai ma petite idée sur l'entreprise de démolition de type-dagen...
http://zeablog.midiblogs.com/archive/2010/05/12/philippe-dagen-ampoule-anale-de-la-culture.html
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