Sous la direction de Pierre Bayard et Soko Phay-Vakalis
Éditions nouvelles Cécile Defaut, Nantes, 2013.
Les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge à l’issue de plusieurs années de guerre civile. De 1975 à 1979, ils mettent en place une dictature, marquée par des déplacements massifs de population des villes vers les campagnes et l’établissement d’un système de « rééducation » qui s’avère être un processus de destruction massive du peuple cambodgien. Les historiens évaluent à 20% le pourcentage de la population alors anéantie dans des conditions atroces.
L’ouvrage collectif co-dirigé par Pierre Bayard et Soko Phay-Vakalis vise à rappeler ce que fut la spécificité du génocide cambodgien.
Il existe des caractéristiques (techniques, culturelles et socio-politiques) propres à chaque génocide. La destruction du peuple cambodgien obéit (outre cela) à des lois communes aux différents génocides qui tiennent dans une double volonté : d’anéantissement de celui que l’on considère comme un « ennemi de classe » et d’effacement des traces de cet anéantissement.
Le processus d’effacement des traces des « crimes de masse » est, dans l’histoire, bien connu. Les Allemands, à la fin de la 2e guerre mondiale, se sont efforcés d’effacer les traces de leurs crimes, allant jusqu’à vider certaines fosses communes pour brûler les cadavres et en disperser les cendres.
Ce processus d’effacement culmine dans le cas du Cambodge. La victime est « niée », anéantie. Et tout est mis ensuite en place pour qu’il n’y ait ni trace, ni souvenir, ni commémoration de la personne disparue. Il s’agit somme toute de constituer une « histoire blanche ». Nulle. Neutre. Sans victimes et – bien sûr — sans bourreaux.
Un long et efficace processus de déni s’est ainsi emparé de la société cambogienne. Avec la complicité des sociétés occidentales qui – longtemps — se sont montrées aveugles et ont mis ensuite beaucoup de temps avant de reconnaître (souvent partiellement) la réalité du génocide.
Le processus du déni n’est pas propre à l’histoire du Cambodge. Ce mécanisme psychologique, qui fait que l’on refuse de reconnaître ce qui pourtant crève les yeux, sévit dans bien des comportements. Mais lorsqu’il prend l’ampleur qu’il a connu dans la société cambodgienne postérieure à 1979, le mécanisme a des conséquences redoutables pour l’évolution même du pays.
D’où l’absolue nécessité d’une « mémoire » des faits. Ce à quoi s’emploient passionnément des cambodgiens, soutenus dans leur entreprise par quelques occidentaux : intellectuels, gens de théâtre, etc.
Des artistes cambodgiens (rescapés du génocide ou représentants de la nouvelle génération) se sont attelés à la tâche (terrible, mais nécessaire) de témoigner, rappeler, faire « revivre » le passé enfoui. Des écrivains, des cinéastes comme Rithy Pahn (auteur de documentaires sur le génocide et ses conséquences), des artistes aussi, tels Vann Nath (rescapé du centre d'’extermination S-21) ou Séra (qui appartient à la génération d’après) s’emploient à redonner au peuple cambodgien une « mémoire ».
Car seuls la prise de parole, le témoignage et la volonté de faire, peuvent permettre au peuple cambodgien de retrouver ses racines et son âme…
« Mon amour, je ne savais pas
Qu’au clair de lune on pouvait autant souffrir
Merci de m’avoir dit ce qui s’était réellement passé
Dans mon cœur je garderai cette histoire. »
(ThomThom, groupe de rock franco-cambodgien)
Cambodge. Atelier de la Mémoire.
2 commentaires:
Bonjour. Je n'appartient pas vraiment à "la génération d'après". Je suis né en 1961 et j'ai vécu la première guerre du Cambodge la chute de Phnom penh et l'arrivée des Khmers Rouges en 1975....
Merci pour votre présence…
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