Grand Palais. Paris
5 mars-21 juillet 2014
Pénétrer dans une exposition de Bill Viola consiste à s’immerger dans le grain et le flou de ses premières vidéos des années 1980. Vidéos aquatiques et troublantes. Comme ces mirages qu’il rencontra dans le désert en 1979.
Ses installations ont acquis, au fil du temps, de l’ampleur et sont techniquement plus sophistiquées. Mais l’impression première demeure : nous plongeons en sa compagnie au sein d’un monde constitué d’images primordiales. Vie. Mort. Ascension. Sommeil. Naissance et délitement des formes.
Il n’est pas innocent d’apprendre qu’à l’âge de 6 ans, l’enfant Bill Viola fit la singulière expérience d’un plongeon (accidentel) au fond d’un lac. Émerveillé par l’étrangeté du monde qu’il découvrait, il s’assit alors – tranquille - au fond de l’eau.
De ce lac, de ces eaux, de l’inquiétante étrangeté de formes évoluant comme au ralenti, de ces bulles d’air remontant à la surface, de ces couleurs et lumières irisées, Bill Viola n’est jamais revenu.
Transmué en une sorte de mutant à la sensibilité amphibie, il n’a de cesse de nous attirer vers ces profondeurs où tout s’effectue de manière magique et comme au ralenti.
Nous nous retrouvons absorbés au cœur de l’image. Nous « habitons l’image » et découvrons autour de nous des mondes peuplés d’algues et de cheveux flottants, de plans et de surfaces qui ressemblent à des pierres tombales.
Les humains y nagent, y flottent. Et lorsqu’ils traversent une forêt, c’est encore sur le mode d’un léger ralenti.
L’univers de Bill Viola n’en reste pas moins un monde humain, sensible et passionnel. Rien à voir donc avec la rigueur ou la froideur technologiques. Les cinq personnages de The Quintet of the Astonished (2005) déploient avec une extrême lenteur toute la gamme des passions humaines.
Ce monde est-il sensuel, charnel ? Je n’en crois rien. — Ce monde est peuplé de fantômes, de passants, de rêveurs… émotifs, sensibles…, mais détachés.
La chair même est devenue légère, s’est amenuisée.Nous atteignons la pure sublimation des passions et des émotions. Et sommes bel et bien IMMERGÉS dans cet IMMATÉRIEL auquel j’ai naguère consacré un gros ouvrage…
Le Site de Bill Viola
Éléments de bibliographie :
Arts et nouvelles technologies, art vidéo, art numérique, Larousse, 2004.
Sur Bill Viola et le principe de l’immersion : « Habiter l’image », in Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Larousse, 2004-2008.— Bill Viola : 25 occurrences.
« Aqueuse, floconneuse, flamme, neige ou poussière, l’image vidéo renvoie à la fluidité d’éléments en perpétuels ajustements et réajustements. Il faudrait insister sur ce caractère fluidique de l’image vidéo et sur l’importance toute particulière de l’eau dans l’art vidéo, comme dans […] la bande […] de Bill Viola sur le Japon (Hatsu Yume [First Dream], 1981) : l’eau y fonctionne comme miroir des couleurs et source de toutes anamorphoses. Taches, irisations et reflets, l’arc-en-ciel est directement présent dans la couleur. Jamais la vidéo n’a été aussi purement aquatique. Les eaux roses et mauves de ces nouveaux Nymphéas miroitent et se dissolvent en arabesques « fluos », mobiles et fluides… » (Florence de Mèredieu, « L’implosion dans le champ des couleurs, Communications,Vidéo, n° 48, 1988.)
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