4ème de couverture.
Ayant lu Vincent Van Gogh Antonin Artaud Ciné-roman Ciné-peinture (Blusson, 2014) , Erica Ruck me fait part de ses réactions :
Il y a deux lectures possibles de ce texte qui se présente lui-même (et c’est le premier sens du titre) sous la forme d’un « ciné-roman », d’un roman-feuilleton pictural, d’une pièce de théâtre en 12 épisodes ou de ce qui pourrait être un « scénario de cinéma » en 12 plans, précisément décrits : avec leurs décors, leurs personnages, etc. — Cette première approche qui est la mienne, celle du narrateur, est d’ordre littéraire. On a affaire à un récit, assez évident, d’autant qu’il se trouve illustré par un certain nombre d’artistes qui, de Léonard de Vinci à Cy Twombly, ont tous traité de la question du mouvement dans l’art. — Il suffit là d’oublier que l’on est « doctorante » à l’Université, et de se laisser porter… et emporter dans le paysage…
La deuxième lecture serait d’ordre théorique et interprétative. Et là, comme vous le faites remarquer, la densité du texte se prête à une grande multiplicité d’interprétations. C’est sans doute là ce qui vous déroute. Car on sort du système universitaire académique ordinaire. Avec ses « arguments », ses répétitions et la sempiternelle reproduction de ce qui a déjà été dit et parcouru maintes fois. — Ma conception de la recherche repose sur un système de détournements et d’ouvertures constants. Mais attention : pas n’importe lesquels. Tout cela s’appuie sur une connaissance approfondie d’œuvres qu’il s’agit d’habiter, de percevoir de l’intérieur.
Oui : je me suis toujours située à l’intersection de plusieurs disciplines : littérature, sciences humaines, histoire de l’art, etc. ce que me permettait une formation de base (de philosophie) résolument pluridisciplaire. — Après, c’est une question de curiosité et de travail, d’approfondissement des choses.
Je suis un peu étonnée de ces questions que vous posez par rapport à Artaud, Van Gogh et la question du cinéma. — La « vision du mouvement », c’est quelque chose qui a toujours existé. On la découvre déjà dans le monde grec ancien. Cette perception du mouvement est omniprésente chez Van Gogh et, bien sûr, chez Artaud. Ce qui va ensuite caractériser le « cinématographe », c’est l’« enregistrement du mouvement » et sa redistribution sous forme de projection. Mais il est certain que l’art n’a pas attendu le cinéma pour rendre compte du mouvement !!!
Quant à Artaud, personnage en mouvement perpétuel, il est bien évident que tout ce qui est d’ordre « cinétique » l’a tenté. La gestualité est à la base de toutes ses recherches, plastiques comme théâtrales. Et tout cela va bien au-delà de son statut d’acteur de cinéma.
À l’arrière-plan de tout cela, il y a encore la référence à Deleuze (un des personnages-clés de ce Ciné-roman), au rhizome bien sûr et à l’ensemble de ses textes sur le cinéma (L’Image-mouvement et L’Image-temps). — Je vais m’arrêter là (car ce serait sans fin), mais vous voyez bien que le champ est immense et d’une exceptionnelle richesse.— Un grand merci à vous pour votre lecture et ces questionnements…
Une lecture de Ciné-roman Ciné-peinture
Chère Madame de Mèredieu, je viens de terminer la lecture de ce votre dernier texte.
Je vous remercie d’avoir apporté toujours quelque chose de nouveau à ma connaissance par rapport Artaud et pas seulement sur lui.
J’ai lu aussi vos autres textes que vous avez dédiés à Artaud, mais celui-ci est très innovateur et original.
En effet j’ai l’ai trouvé singulier soit par la structure, soit par la densité des sujets. C’est un texte relativement bref du point de vue du nombre de pages, mais extrêmement dense du point de vue des contenus. Je doit avouer que pour moi ce n’était pas facile à comprendre dès la première lecture, j’ai dû relire certaines parties pour saisir les arguments.
Dans ces douze épisodes vous embrassez plusieurs disciplines et vous conduisez le lecteur toujours plus en profondeur dans la découverte des affinités entre Van Gogh et Artaud. Mais vous ne vous arrêtez pas là, et vous posez les deux suicidés de la société dans la chaîne de l’art. Pour toutes ces raisons c’est un texte très séduisant, mais, pour moi, aussi un peu compliqué.
Dans le cinquième épisode vous abordez la formule du titre : ciné-roman ; ciné-peinture. Par rapport à ça, je voudrais vous poser des questions : est-ce que pour vous on peut considérer Van Gogh comme précurseur du cinéma car on retrouve dans ses tableaux les éléments qui caractérisent le cinéma comme le mouvement, la vitesse? Et alors l’expression ciné-peinture est-t-elle à attribuer à lui ? Alors que l’expression ciné-roman peut-on l’attribuer aux cahiers d’Artaud ? Ou encore les deux expressions sont-elles valables pour tous les deux artistes : Van Gogh lisait Tartarin de Tarascon et Artaud a essayé lui-même l’art du cinéma ?
Je m'excuse d'avoir tant écrit, mais je trouve que vous touchez avec vos textes l’âme artistique d’Artaud, et moi j’ai encore beaucoup de choses à apprendre.
Merci d’avance.
Florence de Mèredieu. — Quelques éléments de réponses.
Je vous remercie d’avoir apporté toujours quelque chose de nouveau à ma connaissance par rapport Artaud et pas seulement sur lui.
J’ai lu aussi vos autres textes que vous avez dédiés à Artaud, mais celui-ci est très innovateur et original.
En effet j’ai l’ai trouvé singulier soit par la structure, soit par la densité des sujets. C’est un texte relativement bref du point de vue du nombre de pages, mais extrêmement dense du point de vue des contenus. Je doit avouer que pour moi ce n’était pas facile à comprendre dès la première lecture, j’ai dû relire certaines parties pour saisir les arguments.
Dans ces douze épisodes vous embrassez plusieurs disciplines et vous conduisez le lecteur toujours plus en profondeur dans la découverte des affinités entre Van Gogh et Artaud. Mais vous ne vous arrêtez pas là, et vous posez les deux suicidés de la société dans la chaîne de l’art. Pour toutes ces raisons c’est un texte très séduisant, mais, pour moi, aussi un peu compliqué.
Dans le cinquième épisode vous abordez la formule du titre : ciné-roman ; ciné-peinture. Par rapport à ça, je voudrais vous poser des questions : est-ce que pour vous on peut considérer Van Gogh comme précurseur du cinéma car on retrouve dans ses tableaux les éléments qui caractérisent le cinéma comme le mouvement, la vitesse? Et alors l’expression ciné-peinture est-t-elle à attribuer à lui ? Alors que l’expression ciné-roman peut-on l’attribuer aux cahiers d’Artaud ? Ou encore les deux expressions sont-elles valables pour tous les deux artistes : Van Gogh lisait Tartarin de Tarascon et Artaud a essayé lui-même l’art du cinéma ?
Je m'excuse d'avoir tant écrit, mais je trouve que vous touchez avec vos textes l’âme artistique d’Artaud, et moi j’ai encore beaucoup de choses à apprendre.
Merci d’avance.
Erica Ruck (Doctorante en Philosophie à Paris 8)
Il y a deux lectures possibles de ce texte qui se présente lui-même (et c’est le premier sens du titre) sous la forme d’un « ciné-roman », d’un roman-feuilleton pictural, d’une pièce de théâtre en 12 épisodes ou de ce qui pourrait être un « scénario de cinéma » en 12 plans, précisément décrits : avec leurs décors, leurs personnages, etc. — Cette première approche qui est la mienne, celle du narrateur, est d’ordre littéraire. On a affaire à un récit, assez évident, d’autant qu’il se trouve illustré par un certain nombre d’artistes qui, de Léonard de Vinci à Cy Twombly, ont tous traité de la question du mouvement dans l’art. — Il suffit là d’oublier que l’on est « doctorante » à l’Université, et de se laisser porter… et emporter dans le paysage…
La deuxième lecture serait d’ordre théorique et interprétative. Et là, comme vous le faites remarquer, la densité du texte se prête à une grande multiplicité d’interprétations. C’est sans doute là ce qui vous déroute. Car on sort du système universitaire académique ordinaire. Avec ses « arguments », ses répétitions et la sempiternelle reproduction de ce qui a déjà été dit et parcouru maintes fois. — Ma conception de la recherche repose sur un système de détournements et d’ouvertures constants. Mais attention : pas n’importe lesquels. Tout cela s’appuie sur une connaissance approfondie d’œuvres qu’il s’agit d’habiter, de percevoir de l’intérieur.
Oui : je me suis toujours située à l’intersection de plusieurs disciplines : littérature, sciences humaines, histoire de l’art, etc. ce que me permettait une formation de base (de philosophie) résolument pluridisciplaire. — Après, c’est une question de curiosité et de travail, d’approfondissement des choses.
Je suis un peu étonnée de ces questions que vous posez par rapport à Artaud, Van Gogh et la question du cinéma. — La « vision du mouvement », c’est quelque chose qui a toujours existé. On la découvre déjà dans le monde grec ancien. Cette perception du mouvement est omniprésente chez Van Gogh et, bien sûr, chez Artaud. Ce qui va ensuite caractériser le « cinématographe », c’est l’« enregistrement du mouvement » et sa redistribution sous forme de projection. Mais il est certain que l’art n’a pas attendu le cinéma pour rendre compte du mouvement !!!
Quant à Artaud, personnage en mouvement perpétuel, il est bien évident que tout ce qui est d’ordre « cinétique » l’a tenté. La gestualité est à la base de toutes ses recherches, plastiques comme théâtrales. Et tout cela va bien au-delà de son statut d’acteur de cinéma.
À l’arrière-plan de tout cela, il y a encore la référence à Deleuze (un des personnages-clés de ce Ciné-roman), au rhizome bien sûr et à l’ensemble de ses textes sur le cinéma (L’Image-mouvement et L’Image-temps). — Je vais m’arrêter là (car ce serait sans fin), mais vous voyez bien que le champ est immense et d’une exceptionnelle richesse.— Un grand merci à vous pour votre lecture et ces questionnements…
Une lecture de Ciné-roman Ciné-peinture