Daimyo - Seigneurs de la guerre au Japon
Au Musée GUIMET du 16 février au 13 mai 2018
L’armure japonaise. Son double, son architecture. SON OMBRE.
Le musée Guimet présente une exceptionnelle et grandiose exposition, rassemblant armures, casques, masques et ornements textiles du Japon. La caste seigneuriale des
Daimyo s’imposa durant une grande partie de la période féodale (du 15e au 19e siècle). L’armure est alors un instrument d’apparat, une manière - absolument théâtrale - d’afficher son emprise et son pouvoir.
La réalisation de ces « joyaux » de l’artisanat japonais démontre la maîtrise et le raffinement des maîtres armuriers. Symboliques, démonstratifs, ces accoutrements guerriers de luxe sont là pour
asseoir et incarner la puissance guerrière de ceux qui les portent.
L’attirail est complexe. Constitués de masques de cuir (composés eux-mêmes de diverses parties), de casques (comportant un
bol généralement en fer et un ensemble de parements circulaires protégeant la nuque, tressés, tissés et articulés) surmontés d’attributs symboliques du clan représenté, l’équipement guerrier se prolonge de pièces protégeant le reste du corps.
Caparaçonné, tressé, tissé, lacé, laqué, riveté, décoré et damasquiné, l’ensemble de l’armure fonctionne comme le double de celui qui l’habite. - Installées dans un endroit stratégique de leur demeure, ces armures pouvaient incarner et représenter leur maître en leur absence. - Au Japon, le thème du double (ou du fantôme) n’est jamais loin.
Kagemusha (cf. le film de Kurosawa) est à l’horizon… qui continue à régner sous les apparences de son sosie.
Ces objets somptueux mettent en jeu des matériaux extrêmement divers. Fer, acier, bois se conjuguent à la peau animale et au cuir (galuchat, daim, etc,). Les revêtements et couches de laque permettent de durcir et renforcer la résistance des masques de cuir, le plus étonnant résidant sans doute dans l’extraordinaire utilisation des textiles (et de la soie). Les étoffes et les fils sont tissés, tressés, entrelacés de manière à constituer d’épais matelas et rembourrages de fibres. Conjuguées à de minces plaques métalliques, ces couches textiles forment autant de protections (de boucliers) qui enveloppent les épaules et les membres du guerrier.
Imposantes et particulièrement lourdes, ces armures n’étaient sans doute pas faites pour le combat, mais pour la
montre, la pose et pour servir d’instrument de ralliement aux membres du clan.
D’où la prolifération de ces figures totémiques et marques claniques - dragons, papillons, bois de cerfs, cornes démesurément stylisées, pinces de crabes articulées ou éléments floraux divers - qui atteignent des dimensions démesurées à partir du moment ou l’emploi des armes à feu conduit le Daimyo à se retirer de l’avant-garde du combat pour parader à l’arrière ou en surplomb de la bataille.
L’armure, le casque sont là pour impressionner, frapper l’imagination. - On est bien entrés dans une guerre des signes et dans la magie des symboles.
La présentation (sous vitrine) de différentes pièces de ces équipements est parlante. Comme celle de ces masques de cuir - qui ne sont pas sans évoquer curieusement les masques européens de la
Commedia dell’arte (qui date - rappelons-le du début du XVIe siècle).
La guerre - bien sûr - a partie liée avec le théâtre. Dans les deux cas, il s’agit d’esbroufe, de montre et d’exagération. Étonner. Surprendre. Saisir et faire peur.
Remarquons - en écho - que le poète Antonin Artaud en savait quelque chose, lui dont l’être guerrier s’est identifié à maintes reprises à l’éthique du samouraï (cf.
Samouraï ou le drame du sentiment, scénario de cinéma, vers 1920). Et qui poursuivit ce rêve jusqu’à sa mort :
« […] j’ai toujours voulu voir des samouraï mais il n’y en avait pas et il m’a fallu les faire naître. Comment ?
Par hara-kiri, rein, étoupe et clou. » (A. Artaud, 1945)
A voir, pour sa dimension pédagogique, ce lien exposant les différentes étapes de l’équipement du samouraï
Le Japon d’Antonin Artaud
Casque-Crabe. Vue d’exposition. Photo © FDM, 2018.