Rétrospective au MAM (Musée d’Art moderne
de la Ville de Paris) jusqu’au 20 mai 2018.
Jean Fautrier est un peintre d’une AUTRE époque. Celle du tableau PEINT, pensé, incessamment médité, recouvert de strates minutieuses et absolument irrégulières. C’est cela qui le rend miraculeux. Inestimable. Et franchement d’avant-garde.
Ses supports aussi, couches et sous-couches souvent marouflées, emmagasinent une densité de lumière intense. La lumière vient du fond de la toile ou du papier, se diffuse et irradie en giclées et halos de matières.
Cette lumière fut d’abord - en ses origines - noire. Obscure et ténébreuse. Grise et bleutée comme le fond d’un lac. C’est là une des grandes révélations de cette rétrospective. Son œuvre entière (il faudrait parler de Grand Œuvre, au sens quasiment alchimique du terme) est une œuvre au noir. Toute lumière sourd et remonte du plus profond de la bouche d’ombre, du cratère évidé, de la montagne perçue à contre-jour.
Ses toiles irradient et suintent une savante luminosité. - N’est-ce pas Turner qui s’enfermait dans le noir pour, ensuite, surprendre son œil en ouvrant brusquement les volets clos ? La matière lumineuse de Fautrier s’avère palpable, charnelle. Profonde. Elle se propage à partir de mille centres, mille plateaux…
C’est donc bien de cela seul qu’il est question : de PEINTURE. Tout ici se ramène à cela, à cette expérience fondamentale d’un matériau qui absorbe tout et en lequel on se fond.
On comprend - dès lors - la place prise par Fautrier dans ce que l’on a nommé l’aventure de « l’INFORMEL». Il s’agit là d’une catégorie subtile et des plus spécifiques. On n’est ni dans l’abstraction pure, ni dans la re-présentation, ni dans la figure. Tout en y demeurant. En amalgamant en quelque sorte les contraires et les antinomies de l’histoire des arts plastiques.
Il y a donc sur les cimaises des couches et des couches de matières et des coups de brosse ou de pinceaux. Mais aussi et en même temps des reliefs de paysages, des ombres et des silhouettes d’Otages ou de menus objets. - On est dans ce monde propre à Fautrier, monde qui tient tout à la fois (comme l’écrivait Francis Ponge) « du pétale de rose et de la tartine de camembert ».
Cette matière, on la caresse. On la touche. On s’y enfonce. Elle y est mystique. Goûteuse. Odorante.
Sur l’Informel : Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain (2017). Pages 285-377. Lien au livre Larousse
Exposition au MAM 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire