© Musée Picasso, Paris. Dation Pablo Picasso.
Centre Pompidou
Du 17 octobre 2018 au 25 février 2019
« Le cubisme authentique, si l’on veut s’exprimer d’une manière absolue, serait l’art de peindre de nouvelles constellations avec des éléments formels empruntés, non à la réalité de vision, mais à celle de la conception. » (Guillaume Apollinaire, « La peinture moderne », 1913)
« Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux. » (Fernand Léger, Lettre à Jeanne Lohy, 28 mars 1915)
Beaucoup de monde circule dans cette belle exposition consacrée à la naissance - fulgurante - de ce courant aux sources desquelles se trouvent un Picasso et un Braque, attirés par le mode de représentation des peintres sauvages et des primitifs et amplement marqués par la nouvelle forme de représentation de l’espace et de l’objet imaginée par Cézanne.
En l’espace de 10 ans - de 1907 à 1917 -, le cubisme transforme en profondeur les arts plastiques. Peinture et sculpture voient les formes exploser, se muer en facettes, en arêtes, en « cubes », généralement transparents. Le mouvement passera par différentes phases, analytique, puis synthétique. D’abord amoindrie et comme décolorée, la couleur fera ensuite un retour en force dans les œuvres de Fernand léger ou de Robert et Sonia Delaunay.
Le propre du cubisme est d’apparaître comme une peinture puissamment travaillée par la géométrie et l’abstraction - très conceptuelle donc - mais qui se veut aussi éminemment concrète dans le choix des matériaux (les plus pauvres et les plus incongrus), très proche de l’objet et de ses divers usages (chaises, pipes, mandolines, guitares et autres instruments de musiques, journaux, etc.).
Cette exposition est dominée par la puissante figure de Picasso. Les toiles sont éblouissantes ; les sculptures, les dessins étonnent, les premiers par leur sensualité, les seconds par leur virtuosité.
Qui dira la poésie des œuvres de Picasso, l’enchantement de ces mondes qu’il ne cesse d’ouvrir, inventant sans cesse de nouvelles formes ? De nouvelles solutions spatiales. Qui ne cessent et ne cesseront de nourrir l’imaginaire des XXe et XXIe siècles, irriguant les différents secteurs de la création (cf. La mode et Comme des Garçons - C'est moi ici qui "prolonge" l'exposition…).
Un vaste public semble aujourd’hui apprécier cette œuvre qui fut (par le passé) l’objet de tant de rejets. Il y a certes actuellement ce que l’on pourrait appeler un « effet boule de neige Picasso ». Cela est dû pour une large part à l’engouement du public pour des artistes que les médias tendent à présenter comme des Rock Stars.
Beaucoup d’enfants parmi les visiteurs - éberlués par les Picasso et qui n’écoutent que vaguement les interprétations tentées par leurs parents, eux-mêmes aujourd’hui lecteurs des magazines d’art.
Il y a tant de questionnements dans le cubisme et une multiplicité d’espaces de transitions et de détournements : entre la laideur et la beauté, le rigorisme des lignes et l’érotisme des figures (ou l’inverse !), le concret et l’abstrait, le grossier et le raffiné, etc.
Une Absente de marque dans l’exposition, la fameuse toile des Demoiselles d’Avignon (1907), encore dénommée par les amis de Picasso « Le bordel d’Avignon » ou « Le bordel philosophique ». La toile est restée accrochée aux cimaises du MOMA new-yorkais. Elle demeure le fleuron et comme le Manifeste du cubisme.
En 2000, j’avais publié un ouvrage illustrant et recoupant l’essentiel de la thématique (et un peu plus…) aujourd’hui présente dans l’exposition du Centre Pompidou. Le cubisme, bien sûr, y est central. Je renvoie le lecteur au détail de la table des matières du livre, que l’on peut feuilleter dans la librairie de l’exposition : « Kant et Picasso, le bordel philosophique » (Jacqueline Chambon).
Exposition "Le Cubisme" au Centre Pompidou
Collection printemps 2007.
Cubisme, Photo DR.