Musée du Jeu de Paume, Paris
Du 12 février au 2 juin 2019
« LA RÉALITÉ DEVIENT TOUJOURS DAVANTAGE UNE COLOSSALE PHOTOGRAPHIE ET LE PHOTOMONTAGE EST DÉJÀ LÀ : C’EST LE MONDE RÉEL. » (Luigi Ghirri)
Géomètre de formation, Luigi Ghirri (1943-1992) n’abandonnera jamais la rigueur et le goût de la symétrie, hérités de son premier métier. L’œuvre photographique qu’il élabore au cours de ses déambulations dans l’Italie (et le monde) des années 1970 abonde en images (ou sujets) doubles, en systèmes de « vedute » et de « boîtes », de « cadres dans le cadres », eux aussi redoublés, comme dans le fameux cliché du support de cartes postales : les chromos couleur empilent les uns sur les autres quantité de couchers de soleil similaires (Calvi, 1976).
Le monde est une IMAGE. En couleur. Rien ne sert de nier cette évidence et Luigi Ghirri se jette à corps perdu dans le monde de la couleur, ignorant cette propension de son époque à considérer avant tout - sur un plan esthétique - la photographie en noir et blanc.
Luigi Ghirri devient ainsi - fort naturellement (et culturellement parlant) un « géomètre de la couleur ». Ses coloris sont ceux de la nature - ciels (Infinito, 1974), paysages, dont il accumule les notations et partitions multiples -, mais aussi ceux des publicités et du monde de la consommation qui se dressent en arrière-plan de la vision du monde de son époque.
Les paysages artificiels, affiches et « panoramas » publicitaires de l’Italie des années 1970, tissent ainsi la trame d’une œuvre qui sait combien le naturel et l’artificiel sont mêlés. Et comme inscrits ou coulés dans une sorte de moule double, à la Janus.
Le regard que Luigi Ghirri porte sur le monde est un regard culturel de part en part. Qui culmine parfois dans une sorte d’hommage à l’art conceptuel de ces mêmes années (cf. Cette grande « toile bleue » qu’il déploie verticalement, tout en conservant - dans le bas de l’image - une simple référence : linéaire, réaliste, codée et elle aussi colorée. « 12 - AZZURO » - Rimini, 1977).
Les plus belles de ses images - celles que dans notre mémoire profonde nous retiendrons - sont ces paysages minimalistes qui atteignent à la pureté des formes et des couleurs : une ligne grège sur fond de ciel gris (Bastia, 1976) ; l’épure rouge sang d’un bâtiment industriel se détachant sur un bleu plus bleu que bleu (Modène, 1978), le contour et la chair dorée d’un bras nu, la silhouette de deux pins encadrant la plus simple et la plus vide des « vues ».
On retient alors son souffle. Le monde du pop art (présent - et bien présent - dans une part de son œuvre) s’estompe et l’on retrouve cette simple poésie qu’il dut si souvent trouver au détour de ses vagabondages. Car le photographe est un marcheur et découvreur de territoires. Les "titres" de ses clichés se réfèrent quasiment toujours à des lieux. L’œuvre qu’il trace est en forme de carte - mentale et physique, imagée et parée de toutes les couleurs du spectre.
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