dimanche 10 novembre 2019

PARIS PHOTO 2019. Matières et mémoires.

Keiichi Tahara, « Photosynthesis 1978-1980 ».
Photo ©FDM, 2019.

Paris Photo 2019
Du 7 au 10 novembre, Grand Palais.

Plurielle, inépuisable, la photographie n’a eu de cesse d’accumuler au fil des ans, quantité d’archives, de données, d’instantanés qui constituent aujourd’hui un ensemble mémoriel que l’on se plaît - depuis bien plus de quelques décennies - à consulter, palper, déchiffrer.

Du foisonnement de l’actuelle édition de Paris-Photo, on retiendra un goût très prononcé pour l’archive, déclinée ici de toutes les manières, ainsi qu’un intérêt souvent porté par les nouveaux photographes non pas tant au sens de l’image qu’à sa matière. À ce que l’on pourrait nommer son caractère physique et expérimental.

« Matière » et « Mémoire » constituent ainsi deux des pôles représentatifs de ce salon, qui s’inscrit au cœur d’une très ancienne problématique. Les traces, les signes, les matériaux et artefacts laissés - à chaque époque - par des professionnels, des apprentis photographes ou des artistes s’accumulent et se répondent, s’entêtent jusqu’à constituer une mémoire : solide, visible. Le « ça a été » de Roland Barthes devient de plus en plus prégnant. Il fait - littéralement parlant - « boule de neige »…

Ces archives se présentent souvent en récits, en série, en planches. Ce qui facilite (ou impose aux galeries) un type d’accrochage particulier, les différentes images se faisant écho ou renvoyant au déploiement d’une action ou performance (Cf. Gina Pane, Action Psyché, 1973-74. Ensemble de 25 photographies couleur et deux dessins préparatoires), d’une rêverie, d’un voyage ou d’un parcours - poétique.

La dimension expérimentale et sensuelle de la photographie s’inscrit parfois dans des lieux durablement marqués par l’histoire. C’est dans le décor d’une base sous-marine (construite à Bordeaux durant la guerre de 1939-1945) que Keiichi Tahara piège un corps nimbé de lumière et se reflétant dans l’eau (« Photosynthesis 1978-1980 »). La magie du noir et blanc joue sur les contrastes. Une certaine aura expressionniste impressionne l’ensemble de la scène.

Paolo Gioli mène la danse et sarabande des enregistrements les plus fous ; il étire et traîne le geste de la prise de vue, déplace et translate son appareil, de façon à faire glisser et perdurer l’image en échos multiples (« Volto attraverso », 1996). Grand maître de la couleur, il superpose et sur-impressionne les plans, obtenant ainsi par le principe de la sérigraphie, des opacité, des transparences, des tons et demi-tons. Cadrant et recadrant une image originellement en noir et blanc.

Les jeux mémoriels - qu’ils soient individuels, familiaux ou artistiques se transforment en œuvres. Le triptyque « Anima Mundi » vient pérenniser l’action menée par Marina Abramovic et Ulay entre 1981 et 1983. La gestuelle de l’action se stylise, un sens se cristallise. Une opération de sublimation vient ajouter au temps de la performance le glacis d’une œuvre pérenne. La performance se transforme en un tableau, décliné en triptyque, à la façon d’une imagerie médiévale.

Paris Photo 2019

Abramovic & Ulay, Anima Mundi, triptyque,1981-83.
Pièce unique, dimensions 70 x 148 cm.
Photo © FDM, 2019

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