dimanche 15 décembre 2019

FRANCIS BACON. La question des influences.

Vue d’exposition. (Triptyque, mai-juin 1973).
Photo © FDM, 2019.

BACON EN TOUTES LETTRES.
Centre Pompidou, Paris
Du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020

Durant un grand mois encore, l’exposition Francis Bacon du Centre Pompidou offre une immersion dans les œuvres colorées et les grands triptyques du peintre de la chair, du corps, de la viande et des savants magmas picturaux.

Et que l’on ne s’y trompe pas : les deux vues d’exposition en noir et blanc dont nous « encadrons » ce papier n’ont d’autre but que de vous éblouir - par contraste - lorsque vous découvrirez la richesse plastique (et colorée) de l’exposition.

Le parti-pris (assumé) de Didier Ottinger (commissaire de l’exposition), à savoir la mise au jour de possibles influences littéraires (« Bacon EN TOUTES LETTRES ») n’a - finalement - pour effet (sinon pour but) que de bien faire comprendre que Bacon n’a rien d’un peintre d’histoire ou d’un illustrateur de contes pour adultes.

La peinture de Bacon n’est pas une peinture « littéraire » ou illustrative. Il n’a eu de cesse de le répéter dans la plupart de ses entretiens et interviews. Quant à ses lectures, elles furent (comme toutes les « influences » qui se multiplient immanquablement dans la vie d’un artiste « cultivé », comme le fut Francis Bacon) brassées et rebrassées de mille et une manières jusqu’à rejoindre cet humus et ce terreau documentaire qui abreuvait son œuvre d’une nourriture culturelle polymorphe.

Qui dira la délicate - ô combien délicate - question des influences ? Le « talon d’Achille » - non de cette exposition (qui demeure - par son ampleur et sa qualité : douze grands triptyques et une grande quantité d’œuvres maîtresses - une très belle Exposition), - mais du propos qui la sous-tend, est d’avoir considérablement restreint et réduit le champ immense des influences possibles. - Bacon se nourrissait de tout, absolument de tout. Alors pourquoi vouloir réduire l’extrême variété de son alimentation culturelle à quelques livres, quelques noms et figures littéraires ou critiques ?

Les titres mêmes des œuvres furent parfois établis non par Bacon, mais par ses galeristes. - Historiens, critiques et commissaires d’expos, nous en faisons souvent beaucoup trop. - C’est assez dire que les œuvres ici « se suffisent ». Leur simple contemplation nous entraîne très au-delà des "lettres", des mots d'où l'on prétendrait les voir surgir. La projection cinématographique des entretiens de Francis Bacon qui clôt l’exposition est riche d’enseignements, qui vient rétablir la donne. Il n’est plus alors qu’à refaire l’exposition à l’envers, munis cette fois-ci de lunettes proprement « baconiennes ».

De quoi est-il question ? De PEINTURE. D’organes, de fragments, de corps, de figures disjointes. D’une armature et composition spatiale généralement nette et sans bavures (cercles, carrés, embrasures de portes, angles, etc.), qui a pour contrepoint la matière charnelle, le déglingué des postures et jusqu’à ces matériaux et objets perçus comme des avatars existentiels : un jet d’eau, un lavabo, un évier, de multiples jeux d’ombres, le sillage laissé par une automobile qui passe.

L’humain est un de ces mobiles qui - de métamorphose en métamorphose - rejoint bien le fantasme des Erinyes ou le pied bot d’Œdipe. Mais celui-ci est aussi bien un boxeur ou le mauvais garçon d’un faubourg londonien. Qui dira le cheminement labyrinthique de toutes ces impressions sur l'œuvre de Francis Bacon ?

Les points de vue sur l’œuvre ne peuvent être que pluriels, multiples, mouvants… À l’instar de ce regard vivant du peintre, qui mue en permanence, épousant les contours ou l’absence de contours des êtres et des lieux qu’il croise.

PDF du dossier de presse de l'exposition

Vient de paraître : BACON ARTAUD VINCI

Vue d’exposition.
(Deuxième version (1989) d’après le Triptyque,
Trois figures pour une crucifixion de 1944).
Photo © FDM, 2019.

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