Centre Georges Pompidou, Paris.
Jusqu’au 7 mars 2022.
Cette vaste rétrospective, consacrée à l’une des grandes figures de la peinture contemporaine allemande, s’ouvre sur la relation - viscérale et très primitive - que le peintre entretint très tôt avec cet autre maudit, ce poète, ce destructeur de la langue que représente Antonin Artaud.
Tous deux s’y connaissent en chair, viande, organes épars et ravagés. Ils ont cultivé - chacun à leur façon - des domaines qui se recouvrent : peintures/dessins, poésies ; langues bancales/figures retournées et dévissées… Le fameux CORPS SANS ORGANES a pour pivot et contrepoint l’avalanche et le détail d’organes irrémédiablement pluriels et suintants.
Les organes sont à vif et sans poches. On est dans l’écorché et la pièce de boucherie. L’inconscient et son cortège d’images obscènes y sont exhibés, livrés plus nus que nus. Saignants.
Tous deux savent ce qu’est le scandale, la censure - et contre-censure - l’acte et la parole qui viennent secouer une société. L’empêcher de s’endormir dans l’institutionnel et l’académique…
La rencontre et les affinités de ces deux monstres et diables de personnages m’ont souvent accompagnée et hantée.
En 1992, La publication d’un recueil d’articles, Antonin Artaud, les Couilles de l’Ange (Blusson) appela immédiatement le souhait de voir figurer dans ce livre deux dessins de Baselitz représentant Artaud. Le peintre nous donna son accord et nous fûmes bien heureux (mon éditeur et moi) de prolonger les dérives et aléas du texte par des images qui ne sont pas là comme des « illustrations » mais comme « des fentes », « des blessures » dans la chair et l’épaisseur du livre.
En 1994, la première édition de mon Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne (Bordas) comprenait une sculpture (brute et à l’archaïsme affiché) de Baselitz (Souvenirs d’Oslo, 1986). Taillée dans une bille et des échardes de tilleul blond, campée sur des moignons sans pieds, peinte par endroits d’un amalgame de fusain et d’huile rouge, cette figure féminine aux yeux globuleux et au faciès rouge fut à l’époque considérée par le directeur de la collection comme « la sculpture la plus épouvantable qu’il ait jamais pu voir »… Il me laissa la reproduire, conscient de ce que l’ouvrage ouvrait des portes sur des territoires que se devait de parcourir une histoire de l’art…
En 1996, « rebelote ». Je publie cette fois-ci un ouvrage qui sera censuré « par tous les bouts et tous les bords", si je puis dire… Sur l’électrochoc, le cas Antonin Artaud (Blusson) traite de l’électrochoc sur un plan historique. J’ai disposé pour l’écrire d’une importante archive de psychiatrie des années 1920-1950. La découverte fut brutale de ce que furent les débuts et les développements de ce que l’on a appelé en psychiatrie les « thérapeutiques de choc ».
La deuxième partie de l’ouvrage traite des écrits d’Artaud, de ses réactions aux chocs et aux comas des électrochocs. Il constitue un voyage tout à la fois terrible et époustouflant dans les arcanes de l’inconscient de l’écriture/Artaud.
Là encore, nous fîmes appel à Baselitz : la couverture du livre : une linogravure. Une figure électrique, renversée et inversée. Artaud et Baselitz. Deux Grands Renversés, Inversés.
Deux personnages et Deux Inconscients secoués. Dé-Figurés. Figurés Autrement. Et à l’envers. Comme Deux figures exemplaires de la grande destruction de l’homme au XXe siècle.
Georg Baselitz, Étoiles dans la fenêtre, 1982,
photo ©FDM, 2021.
Et aujourd’hui : ces magnifiques toiles, ces rouges, ces ors, ces fragments et ces silhouettes, ces engrenages et ces ossatures que j’ai longuement admiré dans l’exposition. Ces dessins et Manifestes. Sang et Corps de la peinture.
Exposition Baselitz : Vue d’ensemble,
photo ©FDM, 2021
Tous deux s’y connaissent en chair, viande, organes épars et ravagés. Ils ont cultivé - chacun à leur façon - des domaines qui se recouvrent : peintures/dessins, poésies ; langues bancales/figures retournées et dévissées… Le fameux CORPS SANS ORGANES a pour pivot et contrepoint l’avalanche et le détail d’organes irrémédiablement pluriels et suintants.
Les organes sont à vif et sans poches. On est dans l’écorché et la pièce de boucherie. L’inconscient et son cortège d’images obscènes y sont exhibés, livrés plus nus que nus. Saignants.
Tous deux savent ce qu’est le scandale, la censure - et contre-censure - l’acte et la parole qui viennent secouer une société. L’empêcher de s’endormir dans l’institutionnel et l’académique…
La rencontre et les affinités de ces deux monstres et diables de personnages m’ont souvent accompagnée et hantée.
En 1992, La publication d’un recueil d’articles, Antonin Artaud, les Couilles de l’Ange (Blusson) appela immédiatement le souhait de voir figurer dans ce livre deux dessins de Baselitz représentant Artaud. Le peintre nous donna son accord et nous fûmes bien heureux (mon éditeur et moi) de prolonger les dérives et aléas du texte par des images qui ne sont pas là comme des « illustrations » mais comme « des fentes », « des blessures » dans la chair et l’épaisseur du livre.
En 1994, la première édition de mon Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne (Bordas) comprenait une sculpture (brute et à l’archaïsme affiché) de Baselitz (Souvenirs d’Oslo, 1986). Taillée dans une bille et des échardes de tilleul blond, campée sur des moignons sans pieds, peinte par endroits d’un amalgame de fusain et d’huile rouge, cette figure féminine aux yeux globuleux et au faciès rouge fut à l’époque considérée par le directeur de la collection comme « la sculpture la plus épouvantable qu’il ait jamais pu voir »… Il me laissa la reproduire, conscient de ce que l’ouvrage ouvrait des portes sur des territoires que se devait de parcourir une histoire de l’art…
En 1996, « rebelote ». Je publie cette fois-ci un ouvrage qui sera censuré « par tous les bouts et tous les bords", si je puis dire… Sur l’électrochoc, le cas Antonin Artaud (Blusson) traite de l’électrochoc sur un plan historique. J’ai disposé pour l’écrire d’une importante archive de psychiatrie des années 1920-1950. La découverte fut brutale de ce que furent les débuts et les développements de ce que l’on a appelé en psychiatrie les « thérapeutiques de choc ».
La deuxième partie de l’ouvrage traite des écrits d’Artaud, de ses réactions aux chocs et aux comas des électrochocs. Il constitue un voyage tout à la fois terrible et époustouflant dans les arcanes de l’inconscient de l’écriture/Artaud.
Là encore, nous fîmes appel à Baselitz : la couverture du livre : une linogravure. Une figure électrique, renversée et inversée. Artaud et Baselitz. Deux Grands Renversés, Inversés.
Deux personnages et Deux Inconscients secoués. Dé-Figurés. Figurés Autrement. Et à l’envers. Comme Deux figures exemplaires de la grande destruction de l’homme au XXe siècle.
photo ©FDM, 2021.
Et aujourd’hui : ces magnifiques toiles, ces rouges, ces ors, ces fragments et ces silhouettes, ces engrenages et ces ossatures que j’ai longuement admiré dans l’exposition. Ces dessins et Manifestes. Sang et Corps de la peinture.
NOTA BENE
Dans la librairie attenante à l’exposition, AUCUN de mes livres sur Artaud ne figure et ne figurera sur les tables. J’y suis Interdite. Totem et TABOU. Non figurée et non représentable. - Il n’y a là : Ni mon livre sur les dessins d’Artaud (qui fut - reste et restera - le premier livre sur le sujet en 1984), Antonin Artaud, Portraits et gris-gris, qui comporte désormais 28 hors-texte couleurs), Ni les Couilles de l’Ange (dans leur toute nouvelle jaquette de 2021 : deux grands dessins d’Artaud). Ni - bien entendu - le livre sur l’électrochoc. Artaud électrocuté façon Baselitz. C’est Tabou. Interdit.
Pourquoi me direz-vous cette censure, cet ostracisme répété, réitéré de la part des « institutions » ? Mes écrits feraient-ils peur ? Leur ombre représentent-ils une quelconque menace ? Et pour qui, Grand Dieu !
Tant de censure et d’ostracisme : A la longue, cela finit par me faire rire. D’un rire énorme. « Jaune » certes. Mais Rouge aussi et Vert et Bleu. Un rire Violet. Un rire Écarlate ! Un rire Arc-en-ciel ! Un rire en échos.
La censure cela grandit et finit par vous donner la pêche. Quant à l’ostracisme, il est une très lourde reconnaissance inversée. Une part mirifique de cet immense Gateau que l’on nomme le NÉANT.
Dans la librairie attenante à l’exposition, AUCUN de mes livres sur Artaud ne figure et ne figurera sur les tables. J’y suis Interdite. Totem et TABOU. Non figurée et non représentable. - Il n’y a là : Ni mon livre sur les dessins d’Artaud (qui fut - reste et restera - le premier livre sur le sujet en 1984), Antonin Artaud, Portraits et gris-gris, qui comporte désormais 28 hors-texte couleurs), Ni les Couilles de l’Ange (dans leur toute nouvelle jaquette de 2021 : deux grands dessins d’Artaud). Ni - bien entendu - le livre sur l’électrochoc. Artaud électrocuté façon Baselitz. C’est Tabou. Interdit.
Pourquoi me direz-vous cette censure, cet ostracisme répété, réitéré de la part des « institutions » ? Mes écrits feraient-ils peur ? Leur ombre représentent-ils une quelconque menace ? Et pour qui, Grand Dieu !
Tant de censure et d’ostracisme : A la longue, cela finit par me faire rire. D’un rire énorme. « Jaune » certes. Mais Rouge aussi et Vert et Bleu. Un rire Violet. Un rire Écarlate ! Un rire Arc-en-ciel ! Un rire en échos.
La censure cela grandit et finit par vous donner la pêche. Quant à l’ostracisme, il est une très lourde reconnaissance inversée. Une part mirifique de cet immense Gateau que l’on nomme le NÉANT.
photo ©FDM, 2021