« Tout dans ses photographies est merveilleusement distinct, aucun détail n'est dédaigné. La texture du sol, la devanture, les tissus du magasin, tout a la même importance. » (Berenice Abbott, Sur les photographies d'Eugène Atget)
D'Eugène Atget dont elle découvre à Paris l'œuvre singulière et qu'elle contribue à faire connaître outre-atlantique, Berenice Abbott retient avant tout la rigueur et la précision, l'absolue netteté et le caractère « étale » du regard de son grand aîné. Ce regard ne privilégie aucun élément visuel : la photographie enregistre et met tout sur le même plan.
Elle-même travaillera par la suite à la manière d'une entomologiste, passionnément (ou froidement, mais c'est ici la même chose) attachée à répertorier chaque détail, chacune des mille et une facettes du monde.
Peuplée d'une foultitude de signes différenciés, la mégalopole des années 1930 est particulièrement propice à ce type de description. New York s'offre au regard à la façon d'un gigantesque étal, regorgeant de figures, d'images, d'objets, de signes, aux formes innombrables.
C'est ainsi que vous découvrirez - dans l'œuvre de Berenice Abbott - l'étal du marchand de couleurs, avec ses brosses, ses pinceaux, ses outils, cordages et instruments divers (« Hardware store » 306-318 Bowery, New York City, 1937). Ou la devanture, si précisément graphique, avec ses lettres et ses chiffres, du boucher (« Jacob Heymann, Butcher shop », 345 6e avenue, New York, 1938). Viandes et volailles - dinde, oie, agneau, porc, jambon, etc. - sont ici réduits à leur simple réclame et à quelques chiffres.
Nous voici maintenant devant l'extérieur du « Lyric Théâtre » à New York, en 1936 : les affiches et panneaux-réclames informent le passant de la représentation du jour. - Aujourd'hui : Chaplin. Bien nette et bien découpée, sa figurine de carton (ou de métal) vous salue au passage.
Plus loin, c'est le détail du menu du restaurant Blossom, situé au sud de Manhattan, au 103 de la Bowery, qui capte votre attention. Aujourd'hui encore, grâce à ces clichés, nous savons quel était le prix des divers plats : œufs, rôtis, etc., Et jusqu'aux tarifs du barbier dont l'officine jouxte le restaurant.
On buttera enfin sur l'étalage du marchand de journaux ("Newsstand"), situé à l'angle de la 32e rue et de la 3e avenue. Le cliché fut pris le 19 novembre 1935 (notez la précision journalistique de la date). On peut y admirer les photos des stars et starlettes de l'époque.
Tout à l'opposé du flou pictorialiste, en vogue à la fin du XIXe siècle, la photographie s'apparente désormais au travail de l'ethnologue ou du documentariste. Il s'agit d'enregistrer le réel dans la moindre de ses facettes, de fixer et d'épingler les moindres recoins de la réalité - que celle-ci soit naturelle, humaine, sociale ou scientifique. Avant d'être un art, la photographie apparaît dès lors comme un instrument de mise en coupe systématique des apparences.
La grande ville est soumise au scalpel de l'appareil photographique. La lettre bien sûr est omniprésente dans ces clichés. Elle se décline sur tous les modes dans les vitrines et les espaces ouverts du monde urbain. Et se voit renforcée dans son statut de signe éminemment graphique par l'utilisation du noir et du blanc. Les contrastes règnent, assurant à l'image un impact puissant.
Musée du Jeu de Paume - Berenice Abbott (1898-1991),
photographies. Du 21 février au 29 avril 2012.
À lire : Olivier Lugon, Le style documentaire. D'August Sander à Walker Evans, Macula, 2001.
D'Eugène Atget dont elle découvre à Paris l'œuvre singulière et qu'elle contribue à faire connaître outre-atlantique, Berenice Abbott retient avant tout la rigueur et la précision, l'absolue netteté et le caractère « étale » du regard de son grand aîné. Ce regard ne privilégie aucun élément visuel : la photographie enregistre et met tout sur le même plan.
Elle-même travaillera par la suite à la manière d'une entomologiste, passionnément (ou froidement, mais c'est ici la même chose) attachée à répertorier chaque détail, chacune des mille et une facettes du monde.
Peuplée d'une foultitude de signes différenciés, la mégalopole des années 1930 est particulièrement propice à ce type de description. New York s'offre au regard à la façon d'un gigantesque étal, regorgeant de figures, d'images, d'objets, de signes, aux formes innombrables.
C'est ainsi que vous découvrirez - dans l'œuvre de Berenice Abbott - l'étal du marchand de couleurs, avec ses brosses, ses pinceaux, ses outils, cordages et instruments divers (« Hardware store » 306-318 Bowery, New York City, 1937). Ou la devanture, si précisément graphique, avec ses lettres et ses chiffres, du boucher (« Jacob Heymann, Butcher shop », 345 6e avenue, New York, 1938). Viandes et volailles - dinde, oie, agneau, porc, jambon, etc. - sont ici réduits à leur simple réclame et à quelques chiffres.
Nous voici maintenant devant l'extérieur du « Lyric Théâtre » à New York, en 1936 : les affiches et panneaux-réclames informent le passant de la représentation du jour. - Aujourd'hui : Chaplin. Bien nette et bien découpée, sa figurine de carton (ou de métal) vous salue au passage.
Plus loin, c'est le détail du menu du restaurant Blossom, situé au sud de Manhattan, au 103 de la Bowery, qui capte votre attention. Aujourd'hui encore, grâce à ces clichés, nous savons quel était le prix des divers plats : œufs, rôtis, etc., Et jusqu'aux tarifs du barbier dont l'officine jouxte le restaurant.
On buttera enfin sur l'étalage du marchand de journaux ("Newsstand"), situé à l'angle de la 32e rue et de la 3e avenue. Le cliché fut pris le 19 novembre 1935 (notez la précision journalistique de la date). On peut y admirer les photos des stars et starlettes de l'époque.
Tout à l'opposé du flou pictorialiste, en vogue à la fin du XIXe siècle, la photographie s'apparente désormais au travail de l'ethnologue ou du documentariste. Il s'agit d'enregistrer le réel dans la moindre de ses facettes, de fixer et d'épingler les moindres recoins de la réalité - que celle-ci soit naturelle, humaine, sociale ou scientifique. Avant d'être un art, la photographie apparaît dès lors comme un instrument de mise en coupe systématique des apparences.
La grande ville est soumise au scalpel de l'appareil photographique. La lettre bien sûr est omniprésente dans ces clichés. Elle se décline sur tous les modes dans les vitrines et les espaces ouverts du monde urbain. Et se voit renforcée dans son statut de signe éminemment graphique par l'utilisation du noir et du blanc. Les contrastes règnent, assurant à l'image un impact puissant.
Musée du Jeu de Paume - Berenice Abbott (1898-1991),
photographies. Du 21 février au 29 avril 2012.
À lire : Olivier Lugon, Le style documentaire. D'August Sander à Walker Evans, Macula, 2001.
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