Thierry Savatier, COURBET. Une révolution érotique (Editions Bartillat, 2014).
Courbet "est par excellence le peintre d'une création saine jusqu'à l'outrance, et qui se dissout dans le gras-fondu de sa santé même. Ses recherches de grosse animalité satisfont ses appétits de cuisine et de femme, et il peint par tempérament la plantureuse redondance des matrones enflées jusqu'à crever, les grasses chairs moites des filles d'amour, le dépoitraillement étalé des femmes au bain." (Camille Lemonnier, G. Courbet et son œuvre, 1888)
Le fameux tableau de Courbet, L'Origine du monde, n'en finit pas de défrayer la chronique. De rebondissement en rebondissement, il semble que l'on tende sans cesse à plus de réalisme. Comme si la représentation picturale se devait de déboucher in vivo sur le corps même de la femme. Vieille problématique qui est de dépasser, transgresser la peinture et le motif : ce fameux motif - le sexe féminin - qui aura fait couler tant de discours et qui est entré depuis peu, le jeudi 29 mai 2014 - au Musée d'Orsay - dans la sphère de la performance.
Parmi les livres qu'aura suscités le fameux tableau, citons le patient et passionnant travail de détective qu'aura mené Bernard Teyssèdre dans son ouvrage Le roman de l'Origine (Paris, Gallimard, 1996 et 2007). En 2006, Thierry Savatier consacra lui-même un ouvrage à L'Origine du monde. Histoire d'un tableau de Gustave Courbet (Bartillat, 2006).
Le propos érudit, et très référencé, de Thierry Savatier est aujourd'hui de resituer Courbet dans l'histoire de l'art et plus précisément au sein de ce que l'on peut considérer comme l'histoire - chaotique et troublée - de l'érotisme dans le champ des arts plastiques. Courbet marquerait alors un tournant décisif, amorçant la possibilité de ce que l'auteur nomme "une révolution érotique".
L'essentiel de la problématique tourne autour de la représentation de la femme et tout particulièrement du nu féminin. Longtemps, celui-ci fut considéré et représenté de façon éthérée. Et non réaliste, la prise en compte du plaisir féminin relevant, par ailleurs, du tabou suprême.
Courbet se serait donc affranchi des contraintes du goût, de la morale et de la pudeur en traitant ce corps (masqué, honni, affadi et transformé) de manière réaliste. Sans craindre de le montrer tel qu'en lui-même : corps de chair et d'humeurs matérielles. — Les formes des femmes de Courbet sont celles de ce réalisme-là que l'on pouvait imaginer en plein 19e siècle. Tout réalisme est une forme de construction. Pourchasser la "femme réelle" ou sa représentation est bien sûr un petit jeu voué à l'échec.
Il y a, maintenant, ce que racontent ces toiles et ces corps peints par Courbet, l'ensemble des fantasmes qu'ils suscitent, tout particulièrement dans la gente masculine. Et cela en dépit (ou à cause) de la coloration ou expression saphique qui se fait jour dans bien des tableaux.
Tout cela, Thierry Savatier le sait bien, qui se faufile adroitement dans le dédale des arguments des uns et des autres (moralistes, juristes, critiques d'art ou simples amateurs…). Et nous nous faufilons tout aussi bien à sa suite, dans le dédale et le lacis des courbes et contre-courbes de ces avatars érotiques qui continuent de perturber nos contemporains… et contemporaines…
Le livre de Thierry Savatier
Bernard Teyssèdre, Le roman de l'Origine
Courbet "est par excellence le peintre d'une création saine jusqu'à l'outrance, et qui se dissout dans le gras-fondu de sa santé même. Ses recherches de grosse animalité satisfont ses appétits de cuisine et de femme, et il peint par tempérament la plantureuse redondance des matrones enflées jusqu'à crever, les grasses chairs moites des filles d'amour, le dépoitraillement étalé des femmes au bain." (Camille Lemonnier, G. Courbet et son œuvre, 1888)
Le fameux tableau de Courbet, L'Origine du monde, n'en finit pas de défrayer la chronique. De rebondissement en rebondissement, il semble que l'on tende sans cesse à plus de réalisme. Comme si la représentation picturale se devait de déboucher in vivo sur le corps même de la femme. Vieille problématique qui est de dépasser, transgresser la peinture et le motif : ce fameux motif - le sexe féminin - qui aura fait couler tant de discours et qui est entré depuis peu, le jeudi 29 mai 2014 - au Musée d'Orsay - dans la sphère de la performance.
Parmi les livres qu'aura suscités le fameux tableau, citons le patient et passionnant travail de détective qu'aura mené Bernard Teyssèdre dans son ouvrage Le roman de l'Origine (Paris, Gallimard, 1996 et 2007). En 2006, Thierry Savatier consacra lui-même un ouvrage à L'Origine du monde. Histoire d'un tableau de Gustave Courbet (Bartillat, 2006).
Le propos érudit, et très référencé, de Thierry Savatier est aujourd'hui de resituer Courbet dans l'histoire de l'art et plus précisément au sein de ce que l'on peut considérer comme l'histoire - chaotique et troublée - de l'érotisme dans le champ des arts plastiques. Courbet marquerait alors un tournant décisif, amorçant la possibilité de ce que l'auteur nomme "une révolution érotique".
L'essentiel de la problématique tourne autour de la représentation de la femme et tout particulièrement du nu féminin. Longtemps, celui-ci fut considéré et représenté de façon éthérée. Et non réaliste, la prise en compte du plaisir féminin relevant, par ailleurs, du tabou suprême.
Courbet se serait donc affranchi des contraintes du goût, de la morale et de la pudeur en traitant ce corps (masqué, honni, affadi et transformé) de manière réaliste. Sans craindre de le montrer tel qu'en lui-même : corps de chair et d'humeurs matérielles. — Les formes des femmes de Courbet sont celles de ce réalisme-là que l'on pouvait imaginer en plein 19e siècle. Tout réalisme est une forme de construction. Pourchasser la "femme réelle" ou sa représentation est bien sûr un petit jeu voué à l'échec.
Il y a, maintenant, ce que racontent ces toiles et ces corps peints par Courbet, l'ensemble des fantasmes qu'ils suscitent, tout particulièrement dans la gente masculine. Et cela en dépit (ou à cause) de la coloration ou expression saphique qui se fait jour dans bien des tableaux.
Tout cela, Thierry Savatier le sait bien, qui se faufile adroitement dans le dédale des arguments des uns et des autres (moralistes, juristes, critiques d'art ou simples amateurs…). Et nous nous faufilons tout aussi bien à sa suite, dans le dédale et le lacis des courbes et contre-courbes de ces avatars érotiques qui continuent de perturber nos contemporains… et contemporaines…
Le livre de Thierry Savatier
Bernard Teyssèdre, Le roman de l'Origine
3 commentaires:
Merci beaucoup pour cette découverte. Je vais tâcher d'acheter le livre de Mr Savatier au plus vite il a l'air très intéressant !
Géraldine
N'omettez pas de lire - ou de relire - le texte inaugural qui a initié l'ensemble de ces recherches sur le fameux tableau de Courbet, Le roman de l'Origine, de Bernard Teyssèdre (Gallimard, 1996 ; nouvelle édition augmentée, 2007).
Ce sexe a maintenant une tête (que l'on va rechercher sur de vieilles photographies un peu jaunies). Et alors ?
Le seul élément véritablement intéressant réside dans la démarche du "chercheur" qui tout d'un coup décèle une coquille, va confronter la transcription d'un texte à son manuscrit original et débouche sur une précision tout à la fois textuelle et historique.
Sinon, comme le laisse entendre le titre même du tableau, Courbet nous peint "l'Origine du monde"… et cela excède le seul cas de Constance Quéniaux. Du réalisme : oui. Mais le réalisme de Courbet tend à l'universel… [Les historiographes me pardonneront… ou pas !]
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