au Grand-Palais.
Du 25 mars au 13 juillet 2015.
Pouvoir contempler à Paris un ensemble conséquent de toiles de Vélasquez est suffisamment rare pour que l'on se précipite au Grand-Palais. Où l'on retrouve les portraits, autoportraits, scènes de genres et natures mortes qui ont fait le renom du peintre espagnol.
Vélasquez est connu pour l'acuité de ses portraits et (en même temps) pour la profondeur et le mouvement de sa touche : vibrante, atmosphérique. Vaporeuse presque. - Acuité des traits et touche atmosphérique : ce sont là deux qualités que l'on pourrait croire antinomiques, mais que Vélasquez concilie de main de maître.
Ce qui confère à l'ensemble de ses figures, comme aux objets de ses natures mortes (les "bodegones"), toute la densité et la présence d'une RÉALITÉ. - Le monde qu'il peint et dépeint est là sous nos yeux, vivant, vibrant… et dans le même espace (le même "temps") que nous.
Miracle de la peinture : la perfection d'un rendu, la sensualité d'une touche provoquent une reviviscence. Le passé est bien là. Ménines, courtisans, nains, servantes nous regardent et nous contemplent à leur tour.
Le fameux tableau des Ménines ne s'est pas déplacé. Mais on en retrouve des éléments dans d'autres tableaux (les portraits de l'infante) et jusqu'à cette lumière qui inonde bien des toiles.
On pourrait parler longtemps de l'extraordinaire modernité de Vélasquez, qui va droit à l'essentiel et vous campe et trousse un sujet comme on le fera à la fin du XIXe siècle. De manière libre. Insolente. Sa Vénus au miroir semble anticiper trois siècles de peinture. Et là, bien, sûr on songe à Manet, à la puissance et à l'instantanéité de cette touche qu'il avait bien décelé chez le grand espagnol.
C'est sur les NOIRS de Vélasquez que je voudrais insister, ces noirs omniprésents dans la grande série de ses portraits (et autoportraits). Ses noirs si riches, et déclinés en autant de variations et de camaïeux. Les personnages peints en pieds dans leurs sombres costumes, parfois rehaussés de broderies (rouges, argent, or), sont le plus souvent uniformément noirs. Mais attention : tissus, parures, costumes comportent des crevés, des dentelles, des boutons, des motifs - NOIRS souvent mais tous parfaitement délinéés et visibles sur la toile.
D'autres fois (comme dans son Autoportrait de 1640), le NOIR forme une masse dense et complexe qu'éclaire brutalement le tranchant de la collerette BLANCHE. Celle-ci est comme une lame ou un coutelas, isolant et présentant la tête de Vélasquez à la façon de celle d'un Jean-Baptiste. - Sous la collerette perlent, par transparence, les motifs blancs de la dentelle. - Les noirs de l'ensemble du tableau demeurent profonds, capiteux, vibrants. Chevelure, pupilles sombres, moustaches, revers du col participent d'une puissante calligraphie.
Campé au travail, son outil à la main, le sculpteur Juan Martinez Montanes (Portrait, 1636) est enveloppé d'un ample vêtement noir. C'est la lumière ici qui dénivelle les plis et les volumes. Et le jaune qui fait vibrer le tout. Toute une histoire du vêtement serait ici à retracer, col blanc et manchettes soulignant le geste et donnant à tout ce noir une sorte de théâtralité (Voir sur ce point les ouvrages de Manlio Brusatin et de Michel Pastoureau). - On s'amusera du caractère graphique et calligraphique de la sculpture, ici représentée (dans ce tableau) sous les espèces d'une masse encore mal dégrossie.
Exposition VÉLASQUEZ
1636. Photo DR.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire