vendredi 11 septembre 2015

EX MACHINA. Robert LEPAGE. 887.

EX MACHINA. Robert Lepage. 887.
(Théâtre de la Ville, 2015). Photo DR.

Théâtre de la Ville (Paris)
Du 9 au 17 septembre 2015.

« Tout mon récit est articulé par un travail de retour en arrière vers les années 1960, celles de mon enfance. [...] Plein de choses sont réapparues en essayant de retrouver la grande histoire autant que la petite histoire. Car j'ai essayé, comme dans la plupart de mes spectacles, de croiser ces deux niveaux et de m'interroger sur ce qu'était le Québec dans les années 1960. » (Robert Lepage, Entretien, 2015)

Retour à Paris du québécois Robert Lepage. Avec une œuvre solo éblouissante. Poétique. Féroce. Critique. On y retrouve la parfaite maîtrise scénique qui est la sienne. Images, maquettes et praticables sont présentés sur un plateau tournant central qui voit se succéder les décors et représentations d'une vie quotidienne riche en menus événements, drames et rebondissements divers.

Comme souvent chez Lepage, la vidéo est omniprésente. Elle permet ici de figurer - sous la forme d'images et de modèles réduits incrustés dans des cases - les souvenirs d'enfance évoqués tout au long du spectacle.

L'œuvre est de part en part autobiographique. Elle renvoie à la petite enfance de Robert Lepage, dans les années 1960, au cœur du quartier Montcalm de la ville de Québec. Sa mère est « femme au foyer », son père « chauffeur de taxi ». D'emblée nous sommes renvoyés aux us et coutumes d'une classe sociale donnée, insérée dans un contexte particulier.

Les fenêtres ouvertes de la maquette du petit immeuble d'habitation où réside la famille Lepage (le père, la mère, trois enfants et une grand-mère atteinte de ce que nous appelons aujourd'hui la « maladie d'Alzheimer ») nous donnent accès aux souvenirs de l'auteur et nous font rentrer dans le quotidien des familles habitant l'immeuble. Les vidéos défilent sur chaque fenêtre. Les souvenirs intimes sont directement greffés à la mémoire collective du Québec des années 1960.

Intimes, sociologiques ou politiques, les saynètes se succèdent. Drôles. Tragiques. Représentatives du Québec de l'époque, qui voit monter en puissance les revendications indépendantistes et la féroce répression qui suivit. - Qui se souvient ? se demande Lepage. Et de quoi se souvient-on ? La mémoire est fragile, perturbée, lacunaire, parfois trompeuse. Robert Lepage le sait, qui exhume l'histoire de l'actuel drapeau canadien où le "rouge anglais » a réussi à perdurer, en s'associant à une feuille d'érable trilobée symbolisant le monde anglophone, la population francophone et l'ensemble des « peuples autochtones » antérieurs à l'arrivée des européens dans le nouveau monde. - Histoire subtile des rapports de force à l'œuvre dans la société canadienne.

Des images d'archives - films et extraits de journaux - soutiennent cet effort mémoriel. Ces images parfois sont amplifiées, transformées, commentées. Comme les fameuses images du discours de De Gaulle, le 24 juillet 1967, au balcon de l'Hôtel de ville de Montréal, lançant un vibrant « Vive le Québec libre », que Lepage prolonge d'un « Canada français ». De telles pointes d'humour ponctuent et pérennisent ainsi les souvenirs de notre dramaturge.

« Speak White ! », répétait-on aux esclaves noirs américains. - « Speak White », lâchent parfois les Canadiens de souche anglaise à leurs ressortissants d'origine française et tout aussi « blancs » qu'eux.

Bande annonce Ex Machina 887

EX MACHINA. Robert Lepage. 887.
(Théâtre de la Ville, 2015).
Photo © Erik Labbé.

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