« Ça a commencé par un jeu (…). C’était de créer des sortes de petites plaques de mémoire visuelle. (…) C’est toujours demeuré une fascination de pouvoir mettre quelque chose en image. Je pense que je suis un chasseur d’images. » (Edmund Alleyn)
Né à Québec, Edmund Alleyn (1931-2004) aura parcouru une ample moitié du XXe siècle, en naviguant et bourlinguant dans tous ces bateaux dont il a tant apprécié la représentation. Barques fines et plates, bateaux de croisière et grands paquebots transatlantiques hantent bien des paysages des tableaux de ses dernières décennies.
Auparavant, il avait déjà vécu plusieurs vies : de part et d’autre de l’Atlantique. Avec, tout d’abord, des années d’enfance et d’adolescence dans une famille aisée, riche culturellement mais assez rigide. La projection dans le monde adulte se fera progressivement par une série de révoltes et de ruptures qui l’amèneront à privilégier l’aventure artistique.
Car c’est bien d’une aventure artistique dont il est question. Et non point d’une carrière. Car ce qui domine en lui, c’est un certain romantisme dont il ne se départira jamais. Cet instinct poétique et cette empreinte « humaniste » - à laquelle il tenait tant - s’accompagneront (surtout dans les dernières années) d’une vision critique, plus désabusée. Son œuvre se caractérise alors par des thèmes grinçants et une vision de l’homme parfois « simiesque » (Les Éphémérides - 2000-2004). Sur le plan pictural, l’acrylique, le lissage de la surface, un certain traitement du tableau comme « image » (la série des Indigo, 1980-1990) se seront substitués à la peinture à l’huile et aux abstractions de ses tout débuts.
Marqué au départ par l’automatisme québécois (il admire profondément l’œuvre de Borduas qu’il va rencontrer à New York juste avant son départ pour Paris), Edmund Alleyn découvre Nicolas de Staël, Picasso, mais aussi Willem De Kooning.
Des longues années passées à Paris (1955-1970), il avait coutume de dire qu’elles lui avaient « tout appris ». Ce sera donc à l’intersection féconde de ces deux continents - l’Amérique du Nord et l’Europe (dont Paris est alors la capitale culturelle) qu’il inscrira sa démarche. Cette intersection géographique est aussi une intersection des cultures et des langues (l’anglais et le français), un certain bilinguisme (culturel, mais aussi politique) marquant l’ensemble de la vie de ce québécois de cœur.
Le retour au Québec (en 1971) se fera très vite sous les auspices d’une nouvelle aventure picturale, Imprégnée cette fois de réalisme, voire d’hyperréalisme (Une belle Fin de Journée, 1973). Un certain regard, aigu, photographique, inspiré du « sharp focus » s’impose pour un temps. Avant qu’il ne revienne à une forme de romantisme, très marqué cette fois-ci, par l’image, l’estampe. Le tableau se déploie à l’instar d’un mur, d’un drapeau ou d’une grande affiche, dont on aurait ôté les lettres et les sigles. Reste quelque chose qui est de l’ordre d’une « persistance mémorielle » et - au sens propre du terme - d’une imago. Une impression subsiste, s’impose et fait tableau.
La biographie de Gilles Lapointe est une biographie « à l’ancienne ». - Ce qui, bien sûr, est un compliment. Précise, érudite, basée sur un grand nombre d’entretiens avec l’artiste, bourrée de références, appuyée sur des témoignages. Très attentive à l’évolution artistique d’Edmund Alleyn, elle se lit aussi « comme un roman ». De façon aisée, vivante. Le style est élégant et l’on sent bien que la consultation des abondantes archives du peintre s’est faite dans le plaisir de la découverte.
La richesse des documents qui accompagnent le texte (photographies, reproductions d’œuvres, de dessins, etc.) concourt à la vie de l’ensemble. — Edmund Alleyn est bien présent, vivant, dans l’ensemble de ces pages.
Gilles Lapointe, Edmund ALLEYN, biographie, Montréal (Québec), Les Presses de l’Université de Montréal, 2017.
Edmund Alleyn. Portrait, 1964 (Succession Edmund Alleyn).
Né à Québec, Edmund Alleyn (1931-2004) aura parcouru une ample moitié du XXe siècle, en naviguant et bourlinguant dans tous ces bateaux dont il a tant apprécié la représentation. Barques fines et plates, bateaux de croisière et grands paquebots transatlantiques hantent bien des paysages des tableaux de ses dernières décennies.
Auparavant, il avait déjà vécu plusieurs vies : de part et d’autre de l’Atlantique. Avec, tout d’abord, des années d’enfance et d’adolescence dans une famille aisée, riche culturellement mais assez rigide. La projection dans le monde adulte se fera progressivement par une série de révoltes et de ruptures qui l’amèneront à privilégier l’aventure artistique.
Car c’est bien d’une aventure artistique dont il est question. Et non point d’une carrière. Car ce qui domine en lui, c’est un certain romantisme dont il ne se départira jamais. Cet instinct poétique et cette empreinte « humaniste » - à laquelle il tenait tant - s’accompagneront (surtout dans les dernières années) d’une vision critique, plus désabusée. Son œuvre se caractérise alors par des thèmes grinçants et une vision de l’homme parfois « simiesque » (Les Éphémérides - 2000-2004). Sur le plan pictural, l’acrylique, le lissage de la surface, un certain traitement du tableau comme « image » (la série des Indigo, 1980-1990) se seront substitués à la peinture à l’huile et aux abstractions de ses tout débuts.
Marqué au départ par l’automatisme québécois (il admire profondément l’œuvre de Borduas qu’il va rencontrer à New York juste avant son départ pour Paris), Edmund Alleyn découvre Nicolas de Staël, Picasso, mais aussi Willem De Kooning.
Des longues années passées à Paris (1955-1970), il avait coutume de dire qu’elles lui avaient « tout appris ». Ce sera donc à l’intersection féconde de ces deux continents - l’Amérique du Nord et l’Europe (dont Paris est alors la capitale culturelle) qu’il inscrira sa démarche. Cette intersection géographique est aussi une intersection des cultures et des langues (l’anglais et le français), un certain bilinguisme (culturel, mais aussi politique) marquant l’ensemble de la vie de ce québécois de cœur.
Le retour au Québec (en 1971) se fera très vite sous les auspices d’une nouvelle aventure picturale, Imprégnée cette fois de réalisme, voire d’hyperréalisme (Une belle Fin de Journée, 1973). Un certain regard, aigu, photographique, inspiré du « sharp focus » s’impose pour un temps. Avant qu’il ne revienne à une forme de romantisme, très marqué cette fois-ci, par l’image, l’estampe. Le tableau se déploie à l’instar d’un mur, d’un drapeau ou d’une grande affiche, dont on aurait ôté les lettres et les sigles. Reste quelque chose qui est de l’ordre d’une « persistance mémorielle » et - au sens propre du terme - d’une imago. Une impression subsiste, s’impose et fait tableau.
La biographie de Gilles Lapointe est une biographie « à l’ancienne ». - Ce qui, bien sûr, est un compliment. Précise, érudite, basée sur un grand nombre d’entretiens avec l’artiste, bourrée de références, appuyée sur des témoignages. Très attentive à l’évolution artistique d’Edmund Alleyn, elle se lit aussi « comme un roman ». De façon aisée, vivante. Le style est élégant et l’on sent bien que la consultation des abondantes archives du peintre s’est faite dans le plaisir de la découverte.
La richesse des documents qui accompagnent le texte (photographies, reproductions d’œuvres, de dessins, etc.) concourt à la vie de l’ensemble. — Edmund Alleyn est bien présent, vivant, dans l’ensemble de ces pages.
Gilles Lapointe, Edmund ALLEYN, biographie, Montréal (Québec), Les Presses de l’Université de Montréal, 2017.
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