« Ça, ce sont des sculptures. Ils ont retranché ce qui était nécessaire sur toute la figure, il n’y a même pas un trou pour entrer une main, pourtant on a l’impression du mouvement et de la forme d’une façon extraordinaire. » (Giacometti, "Lettre à ses parents", consécutive à une visite du Musée archéologique de Florence où il s’attarde devant des sculptures de l’ancienne Égypte, décembre 1920).
Cette belle exposition se termine dimanche, mais on aura toujours la possibilité de consulter le passionnant catalogue qui l’accompagne.
Giacometti est un de mes sculpteurs et artistes de prédilection et je savais qu’un lien profond l’unissait à l’Egypte antique. Mais je n’avais pas réalisé à quel point la connaissance et la fréquentation de l’Égypte - tout au long de sa vie - avait pu former et imprégner en profondeur et jusque dans leur ossature ses sculptures et dessins.
A tel point qu’il me semble nécessaire d’évoquer une sorte de « chaînon manquant » dans la connaissance que je pouvais avoir de cet artiste. Et je ne suis sans doute pas la seule à qui cette exposition aura fourni un éclairage déterminant.
C’est dans les livres - et au travers des reproductions d’art - que Giacometti découvre d’abord la statuaire égyptienne. Une tête sculptée aperçue dans un Musée de Florence l’impressionne à tel point qu’il n’a de cesse de compléter par une visite à Rome, au Vatican. Il déplore d’ailleurs le peu de soin et de considération alors apportés à ce qu’il considère comme des œuvres fondamentales de la culture.
Les visites au Louvre le raviront et lorsqu’il aura installé son atelier à Paris, il s'y rendra régulièrement. Commençant généralement ses visites par une pérégrination dans les allées du Département des antiquités égyptiennes.
Carnet de croquis en mains, il n’a de cesse de reproduire et fouiller l’architecture générale de cette statuaire, la plus belle qui lui semble exister, la plus synthétique qui soit.
L’éventail de ses émerveillements est très large. Qu’il s’agisse du "scribe assis" dont il reprendra et utilisera l’assise dans certaines de ses sculptures, de la silhouette longiligne et affinée de personnages auxquels il fera subir une dernière cure de maigreur, une « essentialisation », ou des portraits du Fayoum dont il reprend l’expression graphique dans ses dessins tout autant que certains des coloris (de bistre, d’ocre, de noir, de rouges et de violets) dont il gratifiera quelques-unes de ses statuettes.
Et que dire de ses têtes - ses profils empennés, allongés, aristocratiques et comme sanctifiés. Ou ces visages, somptueusement architecturés et que surmontent d’autres architectures : des coiffes, des perruques, des chevelures.
Les carnets de croquis fourmillent de fines lignes. Labyrinthiques. Légères et en ellipses. Le crayon de Giacometti fouille les figures, creuse et met au jour l’ensemble des lignes et des géométries qui s’y dissimulent.
« Giacometti l’Égyptien » nous livre une grande leçon d’histoire. C’est là le cadeau précieux de cette exposition et du catalogue (lui aussi très fouillé) qui l’accompagne. On ne pourra plus lire l’œuvre du peintre et du sculpteur de la même manière.
Site de la Fondation Giacometti
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