Le Christ de G. Richier et la tapisserie de Lurçat.
Photo DR.
En écho et prolongement à la Rétrospective du Centre Georges Pompidou, Paris. (1er mars 2023/ 28 juin 2023) et à l’écriture du texte : « Le Christ d’Assy. Une œuvre. Un contexte. Une polémique. »
F. de Mèredieu : Bonjour Françoise, vous êtes la présidente du FORUM du Plateau d’Assy, association 1901 qui regroupe un certain nombre de bénévoles, soucieux de préserver et faire vivre ce site exceptionnel qui héberge Notre-Dame-de-Toute-Grâce, église construite entre 1937 et 1946 et qui contient, entre autres œuvres précieuses du XXe siècle, le Christ de Germaine Richier qui se trouve actuellement exposé au Centre Pompidou (Paris) avant de gagner, durant l’été, le Musée Fabre de Montpellier.
Vous avez découvert, ces derniers jours, cette nouvelle scénographie - muséale - dans lequel le Christ de Richier se trouve aujourd’hui « exposé ».
Quelle impression en retirez-vous, alors que vous êtes habituée à un tout autre rapport à cette œuvre, plus familier, mais aussi marqué par un certain nombre de procédures et de rituels très différents de celles et de ceux des musées ?
Vous avez découvert, ces derniers jours, cette nouvelle scénographie - muséale - dans lequel le Christ de Richier se trouve aujourd’hui « exposé ».
Quelle impression en retirez-vous, alors que vous êtes habituée à un tout autre rapport à cette œuvre, plus familier, mais aussi marqué par un certain nombre de procédures et de rituels très différents de celles et de ceux des musées ?
Françoise EIBERLÉ: Bonjour Florence, je suis effectivement présidente de l’Association «Forum d’Assy » qui est née en avril 2022, pour mutualiser les énergies pour ce site exceptionnel de Notre-Dame-de -Toute-Grâce et des 2 villas attenantes, dont une du même architecte que l’église Maurice Novarina :
« Préserver les œuvres, poursuivre la vocation d’accueil et faire vivre ce site » sont les buts de cette association.
Le Christ d’Assy, une des pièces maitresses de l’église, a une histoire très forte et mouvementée puisque ce Christ qui a été accueilli et consacré en 1950, a dû être retiré en 1951 et n’a retrouvé sa place qu’en 1969. L’exposition Pompidou et le chapitre que vous y avez consacré dans le Catalogue (2023) ainsi que le livre de Laurence Durieu, L’Ouragane (2023), retracent très justement cette « querelle de l’Art Sacré » qui a prévalu pendant toute cette période.
Nous autres, bénévoles qui côtoyons ce Christ, savons comme il est maintenant tellement bien accueilli.
Personnellement, j’ai été très touchée de la place particulière qui lui a été réservée au Centre Pompidou.
Cette « alcôve-chapelle », installée par respect pour cette « œuvre sacrée » a été aussi, sans nul doute, la réponse aux multiples contraintes - dont la sécurité-, auxquelles le musée devait répondre.
Néanmoins, elle m’a aussi déroutée, car elle est présentée de face comme un tableau ou une icône, au fond d’une alcôve sur fond noir, alors que je la côtoie, ici au Plateau, dans un espace ouvert qui permet de l’apprécier dans ses 3 dimensions.
Cette sculpture, Germaine Richier l’a voulu « vivante », les bras immenses du Christ grands ouverts, penchés vers toute la souffrance du monde. Germaine Richier se réfère d’ailleurs aux versets d’Isaïe, du serviteur souffrant, Ch 53 : où il est question « de plante chétive, de racine dans une terre aride…sans apparence ni beauté… ». Je regrette qu’il n’ait pas été présenté avec 20 ou 30° de rotation sur son axe pour que le visiteur puisse apprécier ce mouvement. Le jour du vernissage où je l’ai découvert, il y avait, semble-t-il, un problème d’éclairage, résolu depuis. Des visiteurs qui l’ont vu à Pompidou et qui le connaissent à Assy dans son « environnement » n’ont pas tous partagés mon appréciation.
Le Christ d’Assy, une des pièces maitresses de l’église, a une histoire très forte et mouvementée puisque ce Christ qui a été accueilli et consacré en 1950, a dû être retiré en 1951 et n’a retrouvé sa place qu’en 1969. L’exposition Pompidou et le chapitre que vous y avez consacré dans le Catalogue (2023) ainsi que le livre de Laurence Durieu, L’Ouragane (2023), retracent très justement cette « querelle de l’Art Sacré » qui a prévalu pendant toute cette période.
Nous autres, bénévoles qui côtoyons ce Christ, savons comme il est maintenant tellement bien accueilli.
Personnellement, j’ai été très touchée de la place particulière qui lui a été réservée au Centre Pompidou.
Cette « alcôve-chapelle », installée par respect pour cette « œuvre sacrée » a été aussi, sans nul doute, la réponse aux multiples contraintes - dont la sécurité-, auxquelles le musée devait répondre.
Néanmoins, elle m’a aussi déroutée, car elle est présentée de face comme un tableau ou une icône, au fond d’une alcôve sur fond noir, alors que je la côtoie, ici au Plateau, dans un espace ouvert qui permet de l’apprécier dans ses 3 dimensions.
Cette sculpture, Germaine Richier l’a voulu « vivante », les bras immenses du Christ grands ouverts, penchés vers toute la souffrance du monde. Germaine Richier se réfère d’ailleurs aux versets d’Isaïe, du serviteur souffrant, Ch 53 : où il est question « de plante chétive, de racine dans une terre aride…sans apparence ni beauté… ». Je regrette qu’il n’ait pas été présenté avec 20 ou 30° de rotation sur son axe pour que le visiteur puisse apprécier ce mouvement. Le jour du vernissage où je l’ai découvert, il y avait, semble-t-il, un problème d’éclairage, résolu depuis. Des visiteurs qui l’ont vu à Pompidou et qui le connaissent à Assy dans son « environnement » n’ont pas tous partagés mon appréciation.
Centre Pompidou, 2023. © ADAGP, 2023. Photo FDM, 2023.
FDM: Il est certain qu’il y a un monde entre le contexte du musée et celui de l'Église d'Assy pour lequel cette œuvre a été très précisément conçue. L’exposition muséale des œuvres permet d’en révéler d’autres aspects. Ce que vous ressentez ici tient au caractère vivant des œuvres qui se transforment et changent en raison du contexte où elles sont placées. Beaucoup d’œuvres de Germaine Richier paraissent ainsi merveilleusement sublimées dans la nature.
Tout processus d’exposition et de nouvelle présentation scénique d’une œuvre la renouvelle et la transforme, nous offrant finalement une multitude d’approches auxquelles nous sommes plus ou moins sensibles. Il est vrai que dans la présentation du Christ d’Assy au Centre Pompidou, il y a quelque chose de la « présentation d’une icône ». Ce qu’elle est aussi devenue, sans que cela doive exclure d’autres aspects. Une œuvre d’art est (de bien des points de vue) inépuisable.
Vous m’avez accueillie au printemps 2022 sur le Plateau d’Assy, alors que je travaillais à l’écriture d’un texte pour le catalogue de la rétrospective Germaine Richier qui a lieu actuellement à Paris. Il s’agissait d’un article consacré exclusivement à ce Christ.
Entrer dans un réel contact avec cette œuvre et son contexte m’était absolument nécessaire. Votre aide (ainsi que celle de vos collègues), m’a été précieuse. De par les connaissances que vous avez du lieu et de son histoire, mais aussi pour l’atmosphère, la description et la visite du contexte médical du lieu. Nombre de sanatoriums (dont Sancellemoz, 1929) ayant été construits dans la région dans les années trente et après.
Cela m’a permis de comprendre cette église et ces lieux, marqués par la maladie. J’ai alors saisi ce que Germaine Richier a pu appréhender lors de ses premières visites sur le Plateau. Cette « vie », ce « climat » de la maladie et des sanatoriums, qui a, nul doute, contribué à influencer et modeler la figure si singulière de son « Christ d’Assy ».
Peu de mois avant sa mort, en janvier 1959, et alors qu’elle est atteinte d’un cancer, Germaine Richier reviendra quelque temps à Sancellemoz, à l’invitation du Dr Degeorges. C’est dire quelle importance il convient d’accorder à l’ensemble des relations qu’elle a entretenues avec les gens du Plateau, dans le milieu ecclésiastique, mais aussi dans le milieu médical. Cela, je ne pouvais le percevoir de loin et à distance. Vous m’avez aidé à comprendre ce contexte particulier. Pouvez-vous revenir sur cette période des années 1950, ces années qui se situent de surcroît au lendemain de la guerre et où tant de choses neuves se dessinaient…
Tout processus d’exposition et de nouvelle présentation scénique d’une œuvre la renouvelle et la transforme, nous offrant finalement une multitude d’approches auxquelles nous sommes plus ou moins sensibles. Il est vrai que dans la présentation du Christ d’Assy au Centre Pompidou, il y a quelque chose de la « présentation d’une icône ». Ce qu’elle est aussi devenue, sans que cela doive exclure d’autres aspects. Une œuvre d’art est (de bien des points de vue) inépuisable.
Vous m’avez accueillie au printemps 2022 sur le Plateau d’Assy, alors que je travaillais à l’écriture d’un texte pour le catalogue de la rétrospective Germaine Richier qui a lieu actuellement à Paris. Il s’agissait d’un article consacré exclusivement à ce Christ.
Entrer dans un réel contact avec cette œuvre et son contexte m’était absolument nécessaire. Votre aide (ainsi que celle de vos collègues), m’a été précieuse. De par les connaissances que vous avez du lieu et de son histoire, mais aussi pour l’atmosphère, la description et la visite du contexte médical du lieu. Nombre de sanatoriums (dont Sancellemoz, 1929) ayant été construits dans la région dans les années trente et après.
Cela m’a permis de comprendre cette église et ces lieux, marqués par la maladie. J’ai alors saisi ce que Germaine Richier a pu appréhender lors de ses premières visites sur le Plateau. Cette « vie », ce « climat » de la maladie et des sanatoriums, qui a, nul doute, contribué à influencer et modeler la figure si singulière de son « Christ d’Assy ».
Peu de mois avant sa mort, en janvier 1959, et alors qu’elle est atteinte d’un cancer, Germaine Richier reviendra quelque temps à Sancellemoz, à l’invitation du Dr Degeorges. C’est dire quelle importance il convient d’accorder à l’ensemble des relations qu’elle a entretenues avec les gens du Plateau, dans le milieu ecclésiastique, mais aussi dans le milieu médical. Cela, je ne pouvais le percevoir de loin et à distance. Vous m’avez aidé à comprendre ce contexte particulier. Pouvez-vous revenir sur cette période des années 1950, ces années qui se situent de surcroît au lendemain de la guerre et où tant de choses neuves se dessinaient…
FE: J’ai découvert le Plateau d’Assy en 1976, justement parce que la station sanatoriale vivait sa reconversion, après la période de la Tuberculose qui a prévalu de 1924 à 1972…
Sancellemoz se reconvertissait en centre de rééducation fonctionnelle et je suis venue y travailler pendant 32 ans.
Ce que je sais de la période sanatoriale antérieure à la reconversion, je le dois à la communauté de dominicains qui faisait vivre Notre-Dame-de-Toute-Grâce. Ils étaient, pour certains d’entre eux, aumôniers dans les sanas. Ils ont donc eu un rôle très important pour l’accompagnement des malades dont les séjours étaient longs, mais aussi des soignants et de leurs familles.
Sancellemoz fut le sanatorium où le Chanoine Devémy, fondateur de l’église, était aumônier. Ce sanatorium fut le « quartier général » du projet et des rencontres qui ont prévalu au patrimoine de l’église. Le Docteur Terrasse permettant la rencontre avec Pierre Bonnard, le Docteur Degeorges permettant les liens avec Claude Mary, disciple de Germaine Richier, qui mena le Père Marie Alain Couturier et le Chanoine Devémy vers elle pour la réalisation du Christ d’Assy. Ce ne sont que des exemples.
La vie sanatoriale - plus de 2300 malades sur les « hauts plateaux d’Assy » dans une quinzaine de sanatoriums -, est racontée dans divers ouvrages : la vie des malades avant la découverte des antibiotiques, les années de guerre qui ont valu aussi bien des drames (par exemple : le Dr Jacques Arnaud qui paya de sa vie de ne pas donner le nom des juifs tuberculeux aux allemands…), quelques noms illustres : Marie Curie, Igor Stravinski…
Je dois l’essentiel de ce que j’ai appris principalement à Anne Tobé (La famille Tobé fonda et dirigea Sancellemoz jusqu’en 2010). Anne, médiateur culturel et guide du patrimoine avait fondé l’association CREHA. Elle a joué un rôle essentiel et constitué un fonds documentaire très important sur l’histoire du Plateau ; Son fils gère ce fonds depuis le décès d’Anne et permet d’y accéder. La mairie prépare également un Centre d’Interprétation pour transmettre et sauvegarder tout ce trésor de l’histoire du Plateau, lié à celle de l’église.
Toutes les personnes qui ont construit ce siècle d’histoire au Plateau (1924-2023) : le monde médical, la vie des sanas, les artistes qui ont contribué à ce patrimoine, la vie « bouillonnante » du monde de la musique, de la littérature, du théâtre etc., ont été recueillis dans les numéros du CREHA ou par une documentation conservée par des familles du Plateau.
C’est également en côtoyant les personnes, de souche, vivant sur le Plateau et tous ceux venus se faire soigner et étant restés ensuite que j’ai été « baignée » dans cette histoire « unique ».
Sancellemoz se reconvertissait en centre de rééducation fonctionnelle et je suis venue y travailler pendant 32 ans.
Ce que je sais de la période sanatoriale antérieure à la reconversion, je le dois à la communauté de dominicains qui faisait vivre Notre-Dame-de-Toute-Grâce. Ils étaient, pour certains d’entre eux, aumôniers dans les sanas. Ils ont donc eu un rôle très important pour l’accompagnement des malades dont les séjours étaient longs, mais aussi des soignants et de leurs familles.
Sancellemoz fut le sanatorium où le Chanoine Devémy, fondateur de l’église, était aumônier. Ce sanatorium fut le « quartier général » du projet et des rencontres qui ont prévalu au patrimoine de l’église. Le Docteur Terrasse permettant la rencontre avec Pierre Bonnard, le Docteur Degeorges permettant les liens avec Claude Mary, disciple de Germaine Richier, qui mena le Père Marie Alain Couturier et le Chanoine Devémy vers elle pour la réalisation du Christ d’Assy. Ce ne sont que des exemples.
La vie sanatoriale - plus de 2300 malades sur les « hauts plateaux d’Assy » dans une quinzaine de sanatoriums -, est racontée dans divers ouvrages : la vie des malades avant la découverte des antibiotiques, les années de guerre qui ont valu aussi bien des drames (par exemple : le Dr Jacques Arnaud qui paya de sa vie de ne pas donner le nom des juifs tuberculeux aux allemands…), quelques noms illustres : Marie Curie, Igor Stravinski…
Je dois l’essentiel de ce que j’ai appris principalement à Anne Tobé (La famille Tobé fonda et dirigea Sancellemoz jusqu’en 2010). Anne, médiateur culturel et guide du patrimoine avait fondé l’association CREHA. Elle a joué un rôle essentiel et constitué un fonds documentaire très important sur l’histoire du Plateau ; Son fils gère ce fonds depuis le décès d’Anne et permet d’y accéder. La mairie prépare également un Centre d’Interprétation pour transmettre et sauvegarder tout ce trésor de l’histoire du Plateau, lié à celle de l’église.
Toutes les personnes qui ont construit ce siècle d’histoire au Plateau (1924-2023) : le monde médical, la vie des sanas, les artistes qui ont contribué à ce patrimoine, la vie « bouillonnante » du monde de la musique, de la littérature, du théâtre etc., ont été recueillis dans les numéros du CREHA ou par une documentation conservée par des familles du Plateau.
C’est également en côtoyant les personnes, de souche, vivant sur le Plateau et tous ceux venus se faire soigner et étant restés ensuite que j’ai été « baignée » dans cette histoire « unique ».
FDM: Il est important de savoir que tous ces fonds sur l’histoire du Plateau (livres, film, publications diverses, etc.) pourront être à la disposition des chercheurs. J’ai déjà eu moi-même à disposition une documentation si riche (en provenance de l’Évéché d’Annecy…) que j’ai dû largement couper un « article » beaucoup trop long » pour figurer en entier dans le catalogue de l’exposition…
Le Christ de Richier est une œuvre complexe. C’est d’abord une œuvre d’art et une sculpture qui hérite de tout l’ensemble de la formation artistique de Germaine Richier, passée par l’atelier de Bourdelle, mais qui obéit aussi à des procédures qu’elle s’est peu à peu forgées.
Sur le plan du « sens » et du « contenu », il est certain que cette œuvre porte la marque de cette guerre de 1939-1945 dont, à l’époque, on sort à peine. Des traces de ce conflit demeuraient, bien présentes, « vivantes » parmi la population des divers sanatoriums et aussi parmi les artistes choisis par le Chanoine Devémy et le Père Couturier, lequel est aussi artiste et maître verrier et produira deux vitraux pour « habiller » Notre-Dame-de-Toute-Grâce.
Pouvez-vous évoquer la présence de ces artistes spécifiquement retenus par les commanditaires du projet, artistes qui avaient appréhendé, de très près et dans leur chair, la réalité de la Shoah ?
Le Christ de Richier est une œuvre complexe. C’est d’abord une œuvre d’art et une sculpture qui hérite de tout l’ensemble de la formation artistique de Germaine Richier, passée par l’atelier de Bourdelle, mais qui obéit aussi à des procédures qu’elle s’est peu à peu forgées.
Sur le plan du « sens » et du « contenu », il est certain que cette œuvre porte la marque de cette guerre de 1939-1945 dont, à l’époque, on sort à peine. Des traces de ce conflit demeuraient, bien présentes, « vivantes » parmi la population des divers sanatoriums et aussi parmi les artistes choisis par le Chanoine Devémy et le Père Couturier, lequel est aussi artiste et maître verrier et produira deux vitraux pour « habiller » Notre-Dame-de-Toute-Grâce.
Pouvez-vous évoquer la présence de ces artistes spécifiquement retenus par les commanditaires du projet, artistes qui avaient appréhendé, de très près et dans leur chair, la réalité de la Shoah ?
FE: Je ne me sens pas vraiment habilitée à parler de tout ce qui s’est joué avec le Chanoine Devémy et le Père Marie Alain Couturier avec les artistes qui ont répondu « présents » pour « habiller » Notre Dame de Toute Grâce, selon les termes de Dominique Ponnau, lors du cinquantenaire de la consécration de Notre-Dame-de -Toute -Grâce.
C’est dans le livre « Le chanoine Devémy et ses amis parlent de l’Eglise d’Assy » qu’on peut revenir aux sources de ce qui s’est joué entre les artistes et les commanditaires.
C’est sûr qu’il faut garder présent à l’esprit le climat de l’époque entre, d’une part, la déferlante de la Tuberculose et ces milliers de patients à isoler, à soigner et essayer de sauver par la création du Plateau sanatorial, et d’autre part, les prémices puis les années de la 2e guerre mondiale, dont toute l’horreur du nazisme.
Le Christ de Richier est édifiant sur ce chapitre de la souffrance des tuberculeux et aussi d’une certaine figure de la Shoah, et Germaine Richier a été fortement inspirée. Claude Mary, à qui l’on doit le Christ de la crypte et les 2 chandeliers, en parle de très belle manière dans le film : « La révolution d’Assy » de Pierre François Degeorges.
Ladislas Kijno à qui l’on doit « la Cène » de la crypte, dit avoir peint les portraits des apôtres à partir des visages de patients, anciens déportés, venus en soin au sanatorium.
Nous pouvons aussi pointer, sans avoir la prétention d’être exhaustif, ce qui s’est joué avec le séjour du Père Marie Alain Couturier, parti en 1940 à New York et Montréal et y rencontrant les exilés juifs : entre autres, Chagall et Liptchtiz qui « habilleront » aussi Notre Dame de Toute Grâce. La dédicace de leurs œuvres est tout à fait dans cet esprit :
« Au nom de la liberté de toutes les religions » pour la céramique où Chagall illustre le passage de la Mer Rouge, « Jacob Liptchitz, juif fidèle à la foi de ses ancêtres, a fait cette vierge pour la bonne entente entre les hommes sur la terre afin que l’Esprit règne » est gravé sur sa sculpture Notre Dame de Liesse.
On peut évoquer aussi tous les vitraux qui sont en résonance avec le thème de la passion du Christ (Rouault), de la maladie et l’espoir de guérison (Notre Dame des 7 douleurs, Raphael : l’archange qui guérit, Ste Thérèse de l’Enfant Jésus : morte à 24 ans de la tuberculose jusqu’à St Louis et les écrouelles, St Pierre qui guérit des malades au temple de Jérusalem, St Vincent de Paul qui fonde les filles de la charité pour s’occuper des enfants abandonnés, St François d’Assise et le lépreux etc… aucun de ces saints n’est là par hasard !
Les malades pouvaient se sentir compris et soutenus !
Quant à la tapisserie de Lurçat, qui se déploie sur tout le cul de four de l’église, illustrant le chapitre 12 de l’Apocalyse de Jean : cela tient du miracle que l’artiste communiste ait finalement accepté de la réaliser, lui tellement engagé dans la guerre d’Espagne donc contre la position de l’Eglise, et ayant aussi vécu le drame de la guerre avec la mort de son fils….
Je crois que la liste peut s’allonger, mais d’autres pourront bien mieux en parler que moi.
C’est dans le livre « Le chanoine Devémy et ses amis parlent de l’Eglise d’Assy » qu’on peut revenir aux sources de ce qui s’est joué entre les artistes et les commanditaires.
C’est sûr qu’il faut garder présent à l’esprit le climat de l’époque entre, d’une part, la déferlante de la Tuberculose et ces milliers de patients à isoler, à soigner et essayer de sauver par la création du Plateau sanatorial, et d’autre part, les prémices puis les années de la 2e guerre mondiale, dont toute l’horreur du nazisme.
Le Christ de Richier est édifiant sur ce chapitre de la souffrance des tuberculeux et aussi d’une certaine figure de la Shoah, et Germaine Richier a été fortement inspirée. Claude Mary, à qui l’on doit le Christ de la crypte et les 2 chandeliers, en parle de très belle manière dans le film : « La révolution d’Assy » de Pierre François Degeorges.
Ladislas Kijno à qui l’on doit « la Cène » de la crypte, dit avoir peint les portraits des apôtres à partir des visages de patients, anciens déportés, venus en soin au sanatorium.
Nous pouvons aussi pointer, sans avoir la prétention d’être exhaustif, ce qui s’est joué avec le séjour du Père Marie Alain Couturier, parti en 1940 à New York et Montréal et y rencontrant les exilés juifs : entre autres, Chagall et Liptchtiz qui « habilleront » aussi Notre Dame de Toute Grâce. La dédicace de leurs œuvres est tout à fait dans cet esprit :
« Au nom de la liberté de toutes les religions » pour la céramique où Chagall illustre le passage de la Mer Rouge, « Jacob Liptchitz, juif fidèle à la foi de ses ancêtres, a fait cette vierge pour la bonne entente entre les hommes sur la terre afin que l’Esprit règne » est gravé sur sa sculpture Notre Dame de Liesse.
On peut évoquer aussi tous les vitraux qui sont en résonance avec le thème de la passion du Christ (Rouault), de la maladie et l’espoir de guérison (Notre Dame des 7 douleurs, Raphael : l’archange qui guérit, Ste Thérèse de l’Enfant Jésus : morte à 24 ans de la tuberculose jusqu’à St Louis et les écrouelles, St Pierre qui guérit des malades au temple de Jérusalem, St Vincent de Paul qui fonde les filles de la charité pour s’occuper des enfants abandonnés, St François d’Assise et le lépreux etc… aucun de ces saints n’est là par hasard !
Les malades pouvaient se sentir compris et soutenus !
Quant à la tapisserie de Lurçat, qui se déploie sur tout le cul de four de l’église, illustrant le chapitre 12 de l’Apocalyse de Jean : cela tient du miracle que l’artiste communiste ait finalement accepté de la réaliser, lui tellement engagé dans la guerre d’Espagne donc contre la position de l’Eglise, et ayant aussi vécu le drame de la guerre avec la mort de son fils….
Je crois que la liste peut s’allonger, mais d’autres pourront bien mieux en parler que moi.
FDM: Vous montrez très bien comment les différentes œuvres se trouvent réunies et tissées au sein d’un discours qui devaient parler directement aux malades. Les différentes œuvres choisies pour l’Égiise d’Assy forment donc un ensemble, duquel tend à se détacher - d’un point de vue formel, cette fois-ci - le Christ de Germaine Richier, dont la singularité demeure assez parlante.
Il y ainsi comme un fossé entre la flamboyance et le baroque de la tapisserie de Lurçat et le caractère humble et comme délité du Christ de Richier. Vous montrez bien toutefois comment des relations se sont tissées entre la tapisserie circulaire de Jean Lurçat (L’Apocalypse 12, 1947) et le positionnement du Christ en arrière de l’autel, la sculpture de Germaine Richier devenant comme le 3e « arbre », sec, de la tapisserie qui l’auréole et l’intègre dans un paysage global. - Pourriez-vous préciser ce point…
Il y ainsi comme un fossé entre la flamboyance et le baroque de la tapisserie de Lurçat et le caractère humble et comme délité du Christ de Richier. Vous montrez bien toutefois comment des relations se sont tissées entre la tapisserie circulaire de Jean Lurçat (L’Apocalypse 12, 1947) et le positionnement du Christ en arrière de l’autel, la sculpture de Germaine Richier devenant comme le 3e « arbre », sec, de la tapisserie qui l’auréole et l’intègre dans un paysage global. - Pourriez-vous préciser ce point…
FE: C’est du Père Ceppi, prieur des dominicains, qui a défendu le Christ de Richier auprès de l’évêque, pour empêcher son retrait en 1951, que je tiens cette « lecture » du Christ de Richier. Le Père Ceppi s’exprime à ce sujet dans le film cité plus haut « La révolution d’Assy » pour expliquer comment Lurçat, communiste, a été attentif et très respectueux sur la composition de sa tapisserie: L’Apocalypse au centre, l’arbre du Paradis : arbre de la « chute » à gauche, l’arbre de Jessé « arbre de la rédemption par la généalogie de Joseph, donc de Jésus, Fils de David » à droite.
Le Christ de Richier, tel « une racine desséchée » représente le 3e arbre : celui du supplice qui annonce la résurrection et Richier de dire : « je suis plus inspirée par une racine desséchée que par un pommier en fleurs »
Tout cela est redit avec mes propres mots, donc… ce n’est pas « parole d’Evangile !!! »
Le Christ de Richier, tel « une racine desséchée » représente le 3e arbre : celui du supplice qui annonce la résurrection et Richier de dire : « je suis plus inspirée par une racine desséchée que par un pommier en fleurs »
Tout cela est redit avec mes propres mots, donc… ce n’est pas « parole d’Evangile !!! »
FDM: De quelle manière la découverte de l’œuvre globale de Germaine Richier - grandement méconnue et peu exposée dans ces dernières décades - a-t-elle rejailli sur votre compréhension de ce Christ d’Assy que vous aviez déjà beaucoup fréquenté ?
Y a-t-il une œuvre récemment découverte par vous qui vous parle précisément et laquelle ?
Y a-t-il une œuvre récemment découverte par vous qui vous parle précisément et laquelle ?
FE: Découvrant l’œuvre de Richier rassemblée au Centre Pompidou, ce qui m’a frappée c’est ce lien avec la nature. Sa créativité si audacieuse et toutes les passerelles qu’elle établit entre l’homme, le monde animal, le monde minéral et la nature ! Tout est lié !
Je connaissais bien La fourmi que je fréquente régulièrement au musée de Grenoble… mais de voir en particulier le Cheval à 6 têtes, la Chauve-souris, et bien sûr, l’Ouragane : cela m’a vraiment saisie.
J’irai probablement revoir l’exposition à Montpellier pour en apprécier, avec davantage de disponibilité, tout le « cœur », car lors du vernissage ce n’était pas le meilleur moment pour cela.
Je connaissais bien La fourmi que je fréquente régulièrement au musée de Grenoble… mais de voir en particulier le Cheval à 6 têtes, la Chauve-souris, et bien sûr, l’Ouragane : cela m’a vraiment saisie.
J’irai probablement revoir l’exposition à Montpellier pour en apprécier, avec davantage de disponibilité, tout le « cœur », car lors du vernissage ce n’était pas le meilleur moment pour cela.
FDM: Un grand merci, Françoise, pour la richesse de toutes ces précisions que votre témoignage et votre récit permettent de saisir sur le vif. - La référence aux documents que vous citez permettra à tout un chacun d’entretenir la connaissance de ce lieu qui n’a pas fini de s’enrichir et d’évoluer.
Et l’on vous souhaite (durant l’été) une excellente « seconde visite » (à Montpellier cette fois) de cette Rétrospective Germaine Richier. Que vous puissiez à nouveau retrouver cet indispensable contact avec les œuvres réelles, vivantes…
PRÉSENTES.
Et l’on vous souhaite (durant l’été) une excellente « seconde visite » (à Montpellier cette fois) de cette Rétrospective Germaine Richier. Que vous puissiez à nouveau retrouver cet indispensable contact avec les œuvres réelles, vivantes…
PRÉSENTES.
L'exposition Germaine Richier au Centre Pompidou
L'Église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d'Assy
remisé dans La Chapelle des morts, 1954.
Photo DR. Article publié dans L’Intransigeant, 1964.
9 commentaires:
“C’est moi (et non Jésus-Christ) qui a été crucifié au Golgotha, et je l’ai été pour m’être élevé contre dieu et son Christ, parce que je suis un homme.” Antonin Artaud octobre 1946.
Le premier commentaire porte donc sur ARTAUD… Je ne m'y attendais pas tout à fait… À dix années près, Germaine Richier et Antonin Artaud sont presque contemporains. A priori ils ne se connaissaient pas, ont pu entendre parler de leurs œuvres respectives, mais il faudrait en trouver les traces. Artaud est mort (début 1948) : il n'a donc pu connaître le fameux Christ de Richier. Toute une part de leurs œuvres respectives tourne autour de "l'humain" (pour Richier) et de la question de "l'homme" (pour Artaud). La confrontation avec Dieu va de soi. Le Christ est tout à la fois Homme et Dieu. Et Artaud (qui avait fait ses classes à Marseille au Collège du Sacré Cœur) ne l'ignorait pas. Il oscille entre des périodes très chrétiennes et des périodes de vive révolte contre la religion. En octobre 1946, il est sorti de l'asile de Rodez et se trouve à Paris. La confrontation avec Dieu se fait très vive. Il s'identifie au Christ au point de penser avoir été supplanté par celui-ci. - Ce qui est donc commun à Germaine Richier et au poète, c'est un sens aigu de la figure double du Christ à la fois Homme et Dieu. Avec toutes les conséquences possibles sur le plan du dogme et de la réflexion. - C'est un des points sur lequel j'insiste dans l'article du Catalogue de l'actuelle Rétrospective du Centre Pompidou.
Françoise de Bonardel parle de deux périodes: La période évangélique (1943-44) dans laquelle Artaud prêche et sermonne et une période théosophique où il se prend pour Dieu.
Je ne souscris à l'utilisation d'aucun de ces deux termes; "évangélique" et "théosophique". - Et de toute façon cela ne concerne aucunement Germaine Richier… Donc cet échange est clos. Hors sujet.
C’est quoi la différence entre l’humain de Richier et l’homme d’Artaud.
A votre avis ?
Je suppose que chez Artaud, cela a à voir avec la cruauté, la chair et les organes (exprimant ainsi la nature de la chair humaine/ celle peint par Bacon par exemple), tandis que chez Richier, c'est l'humanisme qui est considéré comme un idéal.
Avez-vous déjà vu des œuvres de Germaine Richier ? La chair, la cruauté et les organes sont bien là ! Tout cela est donc bien plus subtil qu'annoncé. Impossible à gérer et développer ici sur ce blog. On va entrer dans un bavardage sans fin.
Pardonnez moi. Mais je suis terriblement occupée par d'autres travaux. Pas trop le temps de répéter ce que j'ai - pour une part - déjà dit ailleurs.
Enregistrer un commentaire