Rétrospective du Centre Pompidou, 2023.
Vue d’exposition. Photo ©FDM.
les Guides et les Bénévoles du Plateau d’ASSY
Christiane BAILLET
Anne-Marie DETRAZ
bénévoles à l’Eglise du Plateau d’Assy
Véronique DIVE
Catherine SOOLE
Claire TRONCHET
guides du Patrimoine
À l’occasion de la Rétrospective du
CENTRE GEORGES POMPIDOU, Paris,
qui a lieu du 1er mars 2023 au 12 juin 2023.
Florence DE MÈREDIEU:
Vous faites partie des Guides ou des Bénévoles qui préservent et font vivre le site exceptionnel du Plateau d’Assy, où fut construite Notre-Dame-de-Toute-Grâce, église construite entre 1937 et 1946. Entre autres œuvres précieuses du XXe siècle, celle-ci héberge ordinairement Le Christ de Germaine Richier, qui avait fait l’objet d’une commande spécifique (en 1949-1950) de la part du Chanoine Devémy et du Père Couturier. Cette œuvre maîtresse se trouve actuellement exposée au Centre Pompidou (Paris) avant de gagner, durant l’été,le Musée Fabre de Montpellier.
Vous venez de visiter cette exposition en compagnie d’Ariane Coulondre, Commissaire de cette exposition. - Je vais me permettre de revenir avec vous - par le truchement de quelques questions - sur l’impression que vous a faite cette mise en scène des œuvres de Germaine Richier, et de son fameux Christ d’Assy, dans les salles du Musée d’art moderne du Centre Pompidou, à Paris.
1) Est-ce, tout d’abord, « la même » œuvre - et « le même » Christ en croix - que vous avez pu admirer au Centre Pompidou ? Quel effet vous a fait cette mise en scène muséale, qui tranche sans doute avec la manière dont vous abordez ordinairement cette œuvre avec les visiteurs de l’Eglise Notre-Dame-de-Toute-Grâce ?
Christiane BAILLET:
La mise en scène fait apparaitre Le Christ plus proche. Elle le met en valeur par son « isolement ». Il prend ainsi toute son ampleur dans le travail de sculpture et cette approche avec la nature donne l’impression qu’il est en bois.
Anne-Marie DETRAZ:
J’ai découvert Le Christ en croix sous un autre angle, car présenté dans l’ensemble de l’œuvre de Germaine Richier. Cela m’a permis de comprendre d’où il venait et comment Germaine Richier ne sépare pas l’homme de la nature. J’ai ressenti une grande émotion en entrant dans « la salle du trésor », la seule œuvre présentée de cette façon. Le visiteur ressentira peut-être l’envie de le découvrir dans son milieu originel et non muséal et le verra ainsi sous tous les angles.
Véronique DIVE:
En effet étonnant de voir la sculpture dans un musée et loin des autres œuvres de l’église du plateau d’Assy. Elle me semblait privée de son histoire comme étrangère au lieu qui l’accueille.
Catherine SOOLE:
C’est certainement la même œuvre, il n’y en a qu’une et elle est immanquablement reconnaissable. J’ai apprécié que Le Christ soit considéré comme « la star » de l’exposition, une petite salle lui étant réservée.
Sa présentation sur un fond noir, est assez semblable à sa position dans le chœur de Notre-Dame-de-Toute-Grâce. Mais le fait qu’il soit illuminé avec l’ombre de sa croix se détachant sur le fond m’a plu.
Claire TRONCHET:
Le Christ est seul dans sa niche. De fait il apparait presque plus grand et majestueux que dans l’église d’Assy, où il est dans un ensemble…. Un seul regret, il n’est pas installé de biais et le spectateur se rend moins compte « de son propre corps qui fait sa croix », qui est un des effets majeurs de cette œuvre.
Florence DE MÈREDIEU:
2) À quelles autres œuvres de Germaine Richier vous êtes-vous particulièrement attachée durant la découverte de cette exposition ? Et pourquoi ?
Ces œuvres ont elles bouleversé l’image que vous aviez de leur auteur, Germaine Richier ?
Christiane BAILLET:
Toutes les œuvres mais plus particulièrement:
- les bustes, par leur variété et leur travail sur l’expression.
- L’Ouragane, par son allure et sa force d’une femme campée dans la vie.
- La Montagne, par la grandeur et le dynamisme qui s’en dégage.
L’importance du mouvement dans toute l’œuvre:
- La Chauve-souris, pour la réflexion sur le modèle, et l’innovation que la technique représente afin de rendre au mieux la légèreté du modèle.
- Le Couple peint avec l’utilisation d’une nouvelle technique, mais aussi pour la tendresse qui se dégage de cette œuvre.
Ces œuvres m’ont fait découvrir l’œuvre de Germaine Richier et vont me permettre d’insister sur les techniques utilisées par l’auteur.
Vue d’exposition. Photo ©FDM, 2023.
Anne-Marie DETRAZ:
Le Griffu a particulièrement retenu mon attention car il aurait remplacé à merveille l’acteur de la pièce de théâtre que je venais de voir à Paris : « Akedia, le diable au désert ». Le Griffu (Germaine Richier s’est référée à un dragon), avec ses membres effilés terminés par des griffes, est prêt à s’infiltrer dans ses proies. De plus, la suspension dans les airs lui donne un élan plus incisif. Bravo ! Les pièces du Jeu d’échec sont également mises en valeur par un plateau surélevé. Ces œuvres m’ont fait découvrir le lien que faisait Germaine Richier entre mondes animal, végétal et humain. Les techniques et rendus multiples : lisse/trituré, bronze/couleur, œuvre monumentale /sobriété (menhir), figuratif/abstrait, imposant/effilé, bronze/bois, feuille, pâte de verre, ardoise… émail.… Grande découverte pour moi.
Véronique DIVE:
- Loretto, qui marque une facette moins connue et les débuts de Germaine Richier.
- La Vierge folle que je vois régulièrement lors de mes visite au musée Gianadda à Martigny, en Suisse.
- Les petites œuvres en bronze, peintes ou émaillées, de la fin des années 50 qui m’ont touchée.
Catherine SOOLE:
Mon préféré est Le Cheval à Six Têtes, qui semble surgir des contes fantastiques comme ceux de JRR Tolkien, où de l’univers magique d’Harry Potter, une œuvre en mouvement, en plein galop, un peu effrayante. J’ai aussi aimé La Montagne qui, pour moi, évoque la puissance des soulèvements hercyniens, l’affrontement entre la terre, les rochers, les arbres et les animaux réduits à l’état de fossiles ; ainsi que La Chauve-souris, véritable résille en dentelle d’or. Ses bronzes naturels nettoyés donnent de la chaleur à ses œuvres.
Je n’apprécie pas beaucoup les insectes, donc ses sculptures entomologiques m’ont moins parlé. J’ai aussi découvert ses œuvres tardives, ses alliages de plomb et verre coloré m’ont interpellée. Toutes ces réalisations m’ont donné envie de mieux connaître l’artiste.
Florence DE MÈREDIEU:
3) Que pensez-vous des espaces d’exposition du Centre Pompidou ? Qu’est-ce qui vous a frappé dans la scénographie des différentes œuvres ?
Christiane BAILLET:
Les œuvres sont abordées sous toutes leurs faces, ce qui permet au visiteur de bien cerner le travail de l’artiste. La mise en scène chronologique permet également de suivre l’évolution tant dans la recherche de la forme que dans l’utilisation des matériaux. Les éclairages renforcent encore la puissance d’œuvres comme Le Christ ou Le Griffu.
Anne-Marie DETRAZ:
Exposition agréable car bien aérée. Quand il le faut, assez de recul. Pour Le Christ, la présentation incitait au recueillement. Mais arrive en tête la suspension du Griffu.
Véronique DIVE
J’ai aimé l’aménagement de plus petits espaces dans un grand espace dans un écrin magique. Tout permet de rentrer dans l’univers de l’artiste, ce qui favorise une approche sensible de son œuvre.
Catherine SOOLE:
J’ai trouvé l’exposition très bien présentée, laissant à chaque œuvre tout l’espace pour tourner autour avec un grand soin pour leur mise en valeur ; la lumière sur les surfaces blanches et les panneaux noirs renforçant l’aspect impressionnant de chacune. J’ai particulièrement apprécié la présentation aérienne du Griffu.
Claire TRONCHET:
Cet étage consacré à l’œuvre de Richier (200 oeuvres exposées) paraît presque petit ! La clarté y est appréciable. Et bravo à Mme Coulondre, commissaire d’exposition, d’avoir su et pu préserver les différentes périodes d’évolution artistiques de la sculptrice, tout en nous emmenant du début à la fin sur son cheminement de force et d’énergie…
Le Christ d’Assy est parfait dans sa niche ecclésiale, avec ce coin où le visiteur découvre la polémique qu’il a engendré malgré lui. C’est important d’avoir pu garder cette intimité dans cette immensité.
Florence DE MÈREDIEU:
4) La découverte (ou l’approfondissement, à l’occasion de cette exposition) de la biographie de Germaine Richier, vous paraît-elle importante pour votre pratique de guide et d’accompagnement des visiteurs du Plateau d’Assy ?
Qu’en retiendrez-vous essentiellement ?
Christiane BAILLET:
C’est une découverte pour moi.
C’est important pour enrichir la signification du Christ, notamment dans le choix des matériaux. Et permettre d’insister davantage sur son rôle (et son statut) dans l’ensemble de la création artistique proposée par les autres artistes présents dans l’église. On ne se limite pas ainsi à la polémique provoquée initialement par cette œuvre.
Je retiens la volonté d’une femme d’aller jusqu’au bout de ses idées et de rechercher toute sa vie à faire évoluer son œuvre.
Anne-Marie DETRAZ:
Je partais avec peu de connaissance, et en plus erronée, puisque je croyais qu’elle était élève de Giacometti. Sa fascination pour le règne animal m’a impressionnée ainsi que l’accumulation et la collection qu’elle faisait d’objets naturels récoltés entre la Suisse et le Midi. Enrichie de tous ces éléments, je serai désormais plus fidèle au parcours de cette artiste et plus armée pour le faire découvrir et donner envie aux visiteurs de mieux la connaître.
Véronique DIVE:
Oui, elle est importante parce qu’elle enrichit l’approche, même si j’aime laisser déjà, dans un premier temps, à chaque visiteur un moment d’échange personnel avec la sculpture du Christ. L’opportunité pour la sculpture de continuer à vivre sans l’enfermer dans un discours unique.
Catherine SOOLE:
Toutes ces œuvres m’ont fait découvrir une Germaine Richier que je ne connaissais qu’à travers son Christ et la polémique qui a suivi. J’ai rencontré une artiste généreuse, profondément éprise de son art, une femme de caractère qui, sans en faire des tonnes, a su s’imposer dans un milieu très masculin. J’avais toutefois, avant d’aller à Beaubourg, lu le Télérama hors-série. J’ai acquis la BD qui retrace sa vie de façon pittoresque et suis plongée actuellement dans le gros catalogue. Toutes ces lectures vont me permettre d’étoffer ma présentation du Christ aux visiteurs de l’église.
Claire TRONCHET:
Bien sûr et grand merci à vous et aux biographes qui nous apportent souvent un éclairage nouveau, une compréhension plus fine et émotionnelle du travail de l’artiste, que l’on remet dans un contexte et « Dieu sait » que le contexte de Germaine Richier était dense….
Dans l’exposition, les photos plus personnelles et intimes de l’artiste dans son atelier nous permettent également cet échange… Cette exposition majeure est un magnifique hommage à une femme dans un monde d’hommes, de sculpteurs, qui a certainement par son travail et son engagement marqué son temps et le nôtre…
Vue d’exposition de la Rétrospective, Centre Georges Pompidou, 2023.
Photo ©FdM.
Florence DE MÈREDIEU:
5) Comment inviteriez-vous les lecteurs de ce blog à venir doublement visiter :
- et cette exposition du Centre Pompidou, et l’Eglise du Plateau d’Assy,
où Le Christ reviendra, une fois son périple muséal accompli?
Christiane BAILLET:
Les inciter à :
- Venir à l’exposition pour connaitre une artiste « oubliée », en insistant sur la diversité des œuvres, leur puissance et la recherche constante d’une évolution.
- Venir au Plateau d’Assy pour découvrir l’Église, créée par des artistes différents et voir que Le Christ s’intègre dans cet ensemble qui peut paraitre « hétéroclite » à certains mais qui dégage une grande sérénité.
Anne-Marie DETRAZ:
Par toutes les réponses faites sur ce blog, ou alors on a tout faux.
Véronique DIVE:
Chaque œuvre de chaque artiste est un échange avec ceux qui la regardent. Aller voir Le Christ à Beaubourg, c’est en connaître un peu plus sur son histoire dans la vie de sa créatrice. Aller voir Le Christ dans l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy à Passy, c’est en connaître un peu plus sur son histoire dans le contexte de l’époque en tant que femme, face au fléau qu’était la tuberculose, face à la religion et l’histoire humaine de la décoration de cette église par les plus grands artistes de l’époque.
Catherine SOOLE:
Oui, j’encouragerai fortement vos lecteurs à visiter l’exposition, même s’ils ne sont pas particulièrement attirés par l’art moderne, (je l’ai déjà fait autour de moi), et à venir voir Le Christ à Assy, où il a sa place parmi les grands artistes qui ont décoré Notre-Dame-de-Toute-Grâce, joyau du renouveau de l’art sacré.
Claire TRONCHET:
C’est une première. Cette exposition par son ampleur (200 œuvres) et sa thématique (une femme sculptrice entre deux guerres) est un remarquable et sensible hommage au travail d’une femme engagée, créatrice et tenace. Dans un monde où la sculpture était réservée aux hommes. En cela il faut aller à Beaubourg pour découvrir le parcours artistique de cette artiste.
Pour Assy, c’est différent d’abord parce que vous rentrez dans une modeste église de montagne et que vous êtes être abasourdi(e)s par le nombre d’œuvres créées par les artistes incroyables de cet époque, artistes croyants, non croyants parfois, et même de confessions différentes (Chagall, Matisse, Braque, Léger, Lurçat…).A l’époque, en1950 c’était révolutionnaire !!
Ensuite, avec la biographie de Mme Richier, vous découvrirez, grâce aux guides et ambassadrices de cette église, l’histoire incroyable des sanatoriums du Plateau d’Assy ainsi que leur architecture grandiose au service des malades de la Tuberculose.
En fait, c’est la même Energie, le même message d’Espérance et d’Humanisme qui vous transporteront dans ces deux lieux…..
Florence DE MÈREDIEU:
6) Auriez-vous une question à me poser, à votre tour ?
Christiane BAILLET:
Comment peut-on envisager la suite de cette exposition pour que, au niveau des visiteurs de l’église, il y ait une certaine continuité afin de ne pas « oublier » une nouvelle fois ?
Florence DE MÈREDIEU:
Des idées et des « solutions de continuité » entre l’Église du Plateau d’Assy et le monde muséal surgiront sans doute spontanément, durant le passage de l’Œuvre par le Centre Pompidou et le Musée Fabre de Montpellier. Outre les traces - tangibles, nombreuses et riches (livres, catalogue, articles de journaux, radios, etc, nombreuses visites des œuvres exposées) - il y a toujours, dans ce type d’évènements, des effets de traîne et prolongements.
Et ensuite, les évènements, cela se provoque… Cela dépendra du désir et de la volonté des individus… et des institutions…
Catherine SOOLE:
Je n’ai pas de questions particulières à vous poser, par contre j’ai beaucoup apprécié votre article sur Le Christ dans le catalogue, qui apporte un éclairage nouveau sur la sculpture ainsi que sur la polémique qui a suivi son installation à Assy ; tout cela enrichira ma propre présentation aux visiteurs. L’exposition est déjà en train de nous attirer du monde ; comme l’a dit l’une d’entre nous (Françoise Eiberlé peut-être) : « Le Christ de Germaine Richier n’a jamais été aussi présent que depuis qu’il est parti ! »
Claire TRONCHET:
Et vous Florence, pourquoi vous êtes-vous intéressée de si près à Germaine Richier et son oeuvre ?
Florence DE MÈREDIEU:
Mes premiers contacts avec « Germaine Richier » datent de la période où j’écrivais l’Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain (entre 1990 et les tout débuts de 1994). À cette époque-là, son œuvre connaissait une période d’oubli et il était très difficile, voire même impossible de « voir » ses œuvres. D’où de grandes difficultés pour des historiens qui - comme moi - tenaient alors à être en contact direct avec la plupart des œuvres sur lesquelles ils (ou elles) travaillaient. Par la suite, il semble que certains chercheurs se soient heurtés, lors de la publication de leurs recherches, à des interdictions de reproduction des œuvres.
Fort heureusement, maintenant tout a changé : cette exposition en est la preuve éclatante. Lorsqu’Ariane Coulondre (et sa fidèle assistante, Nathalie Ernoult) m’ont demandée de participer au catalogue, elles avaient pensé à moi pour traiter « de la matière » dans l’œuvre de Richier. Sujet passionnant, mais un peu trop large et important pour un « article » de catalogue.
J’étais, par ailleurs, tombée en arrêt devant les reproductions du fameux Christ d’Assy. Sa singularité (dans le champ même de l’histoire de l’art) m’a stupéfiée. Je souhaitais donc une confrontation directe avec cette œuvre. C’est ce qui m’a amenée sur le Plateau d’Assy, en mai 2022, et à la rédaction ensuite d’un texte pour le catalogue de l’exposition.
Il y fut aussi, bien sûr, question de « matière » (en 2018, dans un « blog » très « matiériste » consacré au sculpteur César, j’avais évoquée Germaine Richier), mais aussi de « dogme », de "création", et d’un contexte où se mêlaient la guerre de 1939-1945 (d’où l’on sortait à peine en 1949-1950) et l’histoire toute vive des sanatoriums du Plateau d’Assy. Je me suis alors lancée passionnément dans cette aventure.
Celle-ci - dans le contexte politique et mondial qui est aujourd’hui le nôtre, et dans cet autre contexte de l’actuelle pandémie qui a touché la planète - m’est apparue comme entrant en total écho avec ce que nous vivions aujourd’hui.
Anne-Marie DETRAZ: Merci à vous de nous avoir donné la parole.
Florence DE MÈREDIEU:
Vos paroles feront partie de ces traces, de ce sillage qui restera… Elles continueront d’accompagner la haute figure du Christ, lors de son retour à Passy.
L'Église d'Assy, un film
2 commentaires:
Je ne résiste pas au plaisir de revenir sur les œuvres que vous avez choisies - les unes et les autres - d'ajouter à celle (éponyme ici) du "Christ d'Assy". Le Griffu et La Chauve-souris arrivent en tête. Il est vrai que la mise en scène - en suspension - du Griffu est suffisamment prégnante et spectaculaire. Avec l'ensemble des ombres ainsi créées. Ombres mobiles et qui oscillent au gré du déplacement du spectateur. Quant à la Chauve-souris, l'ajourage doré de sa réalisation est lui aussi spectaculaire. Et vécu comme une "friandise".
L'Ouragane, La Montagne, Le Couple sont des œuvres qui s'imposent par leur "singularité".
Le Cheval à six têtes est sans doute l'œuvre que j'aurais choisie d'ajouter. Elle m'entraîne dans une sorte de mouvement perpétuel et inscrit la matière dans un faisceau de légèreté et d'immatérialité. Le thème du cheval renvoie enfin - pour moi - à ces fabuleux petits chevaux que l'on trouve dans la statuaire chinoise, qui évoquent encore une fois la steppe, l'espace, le mouvement…
CATHERINE SOOLE me demande de transmettre à tous ce commentaire en date du 6/7/23.
Le week-end du 11 juin, nous avons célébré à Passy, le cinquantenaire de l’évènement Sculptures en Montagne, Poèmes dans l’Espace (1973) – une grande exposition dans la nature, d’œuvres des plus grands sculpteurs de l’époque-. A cette occasion, Laurence Durieu, petite nièce de Germaine Richier (petite fille de son frère Jean), est venue nous présenter son film Germaine Richier, la Sculpture dans la Peau. Elle n’a pas connu sa grand-tante, mais est très sensible à la destinée de cette femme exceptionnelle. Elle est l’auteure de Germaine Richier, l’Ouragane et de la bande dessinée La Femme Sculpture… Son film est à la fois sensible et intimiste et il nous révèle une Germaine Richier, naturelle et dans son élément. Il montre comment, dotée d’une personnalité forte et contrastée, elle a su imposer son art, partager ses vues sur l’homme et la nature. « Tout partait du vivant », disait-elle. Le film retrace la conception, la réalisation du Christ d’Assy, ainsi que la bataille qui a suivi son installation à l’église Notre Dame de Toute Grâce. Ce Christ qui fusionne avec la croix, se penche dans un mouvement enveloppant qui accueille les croyants, a souffert un deuxième chemin de croix. Bien que le chanoine Devémy et le Père Couturier aient défendu Germaine Richier, la cabale a obligé son Christ à clumer dix-neuf ans dans la chapelle mortuaire. C’est là, devant son Christ scarifié que Germaine Richier, qui disait « avoir une foi de gitane », a voulu se marier avec son compagnon René de Solier, le 14 septembre 1954, avec pour témoin, son ancienne élève et disciple Claude Marie. Il y avait à l’exposition de Beaubourg, une émotion palpable des visiteurs devant ce Christ exposé seul sur fond noir, « A l’aspect défiguré comme une racine en terre aride… homme de douleur pétri par la souffrance… » Isaïe (52, 14) L’exposition a quitté Beaubourg le 17 juin, pour être transférée au musée Fabre de Montpellier, patrie de Germaine Richier où le film sera présenté. (Catherine SOOLE)
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