Disons le tout net : le spectacle sur Artaud du théâtre de marionnettes de la Compagnie Contreciel est un chef-d'œuvre de « cruauté ». Au sens même qu'Artaud donnait à ce terme.
Animé par Luc Laporte, de concert avec beaucoup d'autres talents, ce spectacle heurte, dérange, trouble. Doublement ancré dans le tragique et la dérision, il provoque un malaise (ou mal être) difficile à dissiper.
On est aux antipodes du « Artaud/Marie Laurencin » ou du « Artaud/Greta Garbo » (que le Grand Mômo put certes parfois imiter ou contrefaire, mais avec lesquel(le)s il est impossible de le confondre), du Artaud propre et javellisé qu'on cherche souvent à nous faire avaler.
Les marionnettes, tout d'abord : emmaillotées, bardées de chiffons, sanguinolentes, sexuées. Mutilées. Bisexuées. - Multisexuées. A la façon du Butô. Ampoulées et désarticulées de ces organes multiples et ces greffes dont Artaud entendait bien se débarrasser. Ces marionnettes sont extraordinaires.
La scène, on le comprend de suite, se déroule à l'asile de Rodez. L'apparition même du Mômo en pyjama rayé, accompagné de la silhouette tirebouchonnée de son psychiatre, est, comme Artaud aurait pu l'écrire, « d'un réalisme saisissant ».
Un des « clous » de cette gigue marionnettique : la reconstitution d'un électrochoc appliqué (alors) en pleine guerre et sans bien sûr le consentement du principal intéressé qui beuglait au contraire à chaque fois. Comme un « cochon » : rappelons que c'est la vision des animaux passés au choc électrique dans les abattoirs de Rome qui fournit en 1938 à Ugo Cerletti l'idée d'un traitement électrique applicable à l'homme.
Rarement on aura été aussi proche d'Artaud. De ces borborygmes, ces bribes, ces syllabes inventées, ces organes et ces détritus humains qui peuplent ses écrits.
Il ne reste qu'un vœu à formuler : que cet « Avis de messe marionnettique » soit présenté à Rodez, dans la Chapelle Paraire, cette chapelle de l'asile de Rodez (demeurée intacte et restaurée) qui jouxte le lieu (aujourd'hui détruit) où le poète subit ses 58 électrochocs. Artaud, durant l'une des périodes de son internement, y suivait très régulièrement la messe. A la grande inquiétude du bon abbé Julien, que la ferveur mystique du petit père Artaud laissait rêveur.
Bravo à la Compagnie Contreciel. On souhaiterait beaucoup, beaucoup de spectacles du même acabit.
Video de la Compagnie Contreciel
Animé par Luc Laporte, de concert avec beaucoup d'autres talents, ce spectacle heurte, dérange, trouble. Doublement ancré dans le tragique et la dérision, il provoque un malaise (ou mal être) difficile à dissiper.
On est aux antipodes du « Artaud/Marie Laurencin » ou du « Artaud/Greta Garbo » (que le Grand Mômo put certes parfois imiter ou contrefaire, mais avec lesquel(le)s il est impossible de le confondre), du Artaud propre et javellisé qu'on cherche souvent à nous faire avaler.
Les marionnettes, tout d'abord : emmaillotées, bardées de chiffons, sanguinolentes, sexuées. Mutilées. Bisexuées. - Multisexuées. A la façon du Butô. Ampoulées et désarticulées de ces organes multiples et ces greffes dont Artaud entendait bien se débarrasser. Ces marionnettes sont extraordinaires.
La scène, on le comprend de suite, se déroule à l'asile de Rodez. L'apparition même du Mômo en pyjama rayé, accompagné de la silhouette tirebouchonnée de son psychiatre, est, comme Artaud aurait pu l'écrire, « d'un réalisme saisissant ».
Un des « clous » de cette gigue marionnettique : la reconstitution d'un électrochoc appliqué (alors) en pleine guerre et sans bien sûr le consentement du principal intéressé qui beuglait au contraire à chaque fois. Comme un « cochon » : rappelons que c'est la vision des animaux passés au choc électrique dans les abattoirs de Rome qui fournit en 1938 à Ugo Cerletti l'idée d'un traitement électrique applicable à l'homme.
Rarement on aura été aussi proche d'Artaud. De ces borborygmes, ces bribes, ces syllabes inventées, ces organes et ces détritus humains qui peuplent ses écrits.
Il ne reste qu'un vœu à formuler : que cet « Avis de messe marionnettique » soit présenté à Rodez, dans la Chapelle Paraire, cette chapelle de l'asile de Rodez (demeurée intacte et restaurée) qui jouxte le lieu (aujourd'hui détruit) où le poète subit ses 58 électrochocs. Artaud, durant l'une des périodes de son internement, y suivait très régulièrement la messe. A la grande inquiétude du bon abbé Julien, que la ferveur mystique du petit père Artaud laissait rêveur.
Bravo à la Compagnie Contreciel. On souhaiterait beaucoup, beaucoup de spectacles du même acabit.
Video de la Compagnie Contreciel
3 commentaires:
Magnifique spectacle...Avec l' étrange et fortuite rencontre de votre texte intitulé " Le corps jumeau " in Revue d' Esthétique 1980. 1/2, collection 10/18.
" Les poupées aussi ont deux bras, deux jambes et un seul corps. Il n' est que les mannequins pour se désarticuler et finir parfois avec un œil unique sur le front. Par où s' amorcerait peut-être une fuite hors de ce deux parallèles où nous fûmes un jour circonscrits. Dotés d' un corps unique et transversal, les archéologues des temps futurs ne sauront plus comment souder ces deux moitiés qui furent - des siècles durant - si bien appareillées. "
Vraiment bizarre le hasard de la rencontre !
Bien à vous.
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