au Centre Georges Pompidou.
1924 - 2024
L’exposition du centenaire
CENTRE POMPIDOU. Paris,
Du 4 Septembre 2024 au 13 janvier 2025.
« L’homme, ce rêveur définitif »
(André Breton, Manifeste de 1924)
Huile sur toile. ©ADAGP. Photo DR.
« Retraçant plus de quarante années d’une exceptionnelle effervescence créative, de 1924 à 1969, l’exposition « Surréalisme » célèbre l’anniversaire du mouvement, né avec la publication du Manifeste du surréalisme d’André Breton. »
Cette exposition est conçue pour être plurielle. Et en devenir. Elle circulera dans 4 autres lieux (Bruxelles, Madrid, Hambourg et Philadelphie) et sera à chaque fois réinterprétée en fonction du contexte culturel et historique des pays concernés. Chaque exposition sera donc enrichie de nouvelles œuvres et points de vue.
L’ensemble s’articule autour du manuscrit du Manifeste de 1924, prêté par la Bibliothèque nationale de France. Exposé et projeté en plein centre du labyrinthe d’images du circuit de l’exposition, le texte rédigé par André Breton est fort complet. Il définit l’attitude surréaliste, sans oublier d’inclure le mouvement au sein d’une foule d’influences et de mentors prestigieux : de Dante et Shakespeare, en passant par Sade, Lautréamont, Rimbaud, Roussel jusqu’à tous ces amis qui l’accompagnent dans l’aventure des « sommeils » (Desnos, Aragon…) et au sein de l’aventure automatique (Eluard, Masson…). Il ne faut pas oublier enfin tous ceux qui - sur le pourtour de la planète - se reconnaîtront dans une même passion des images, des rêves, des jeux, de la liberté et de l’amour fou.
Le mouvement se veut largement ouvert, collectif et communautaire, ce qui n’empêche pas Breton de pratiquer l’expulsion systématique de tous les individus qui lui paraîtront trahir l’essence du message surréaliste.
1933. Photo DR.
Breton se montre sensible à l’intense poésie dégagée par l’ésotérisme. L’imaginaire surréaliste en sort fortement coloré par le spiritisme du XIXe siècle et les diverses théories du rêve.
Le promeneur est entraîné dans un maelström d’images. — Max Ernst, Magritte, Miro, Dali, Toyen, Dora Maar, Giacometti, etc.: les images fortes sont là d’emblée. On entre dans le surréel.
L’exposition développe ensuite un ensemble de thématiques : Trajectoire du rêve, Lautréamont, Mélusine, les Forêts, Les Mères, Les larmes d’Eros, le Cosmos, etc.
Quelle est ici la nécessité de ces diverses thématiques? Certaines semblent inéluctables. L’Inconscient, le rêve sont au cœur de la stylistique du mouvement. - D'autres pourraient être accompagnées de complémentaires, tant est ample le bazar d’objets et d’idées du surréalisme, dont on rappellera qu’il appréciait le parcours magique que constitue le processus de la « chine » et de la « rencontre de hasard » dans les allées des divers « marchés aux puces » de nos cités cosmopolites.
La Main-coquillage de Dora Maar est une de ces belles rencontres. Et les toiles de Magritte foisonnent de tous ces objets qui s’accouplent en de merveilleux « coqs à l’âne ».
Photo argentique ©ADAGP 2024. Photo DR.
Mouvement pluriel et foisonnant surgi au lendemain de la guerre de 14-18, le Surréalisme ne s’est pas arrêté à la mort de son principal géniteur, André Breton, en 1966. Et pas davantage en 1969 au moment de la décision - floue et aussitôt contestée - de clore le mouvement. Depuis l’origine, celui-ci n’a cessé de se ramifier, s’ouvrir, tout en fermant parfois brutalement la porte à certains de ses membres les plus représentatifs - Masson, Artaud, etc.).
Après 1945, Le Surréalisme est devenu un mouvement international et cosmopolite, qui se colore de la variété des cultures qu’il irrigue.
Question d’énergie, dira-t-on, de vitalité… Marquage aussi d’un territoire, volontairement excentré et pluriel. Devenu le Pape du mouvement, André Breton s’est toujours employé à disséminer ses idées, de manière à se constituer un cosmos planétaire à la mesure de cette « Surréalité » que lui et ses amis auront passionnément entretenue.
L’imaginaire a le vent en poupe. — Totalité en mouvement, métamorphose (par rupture ou adhésion permanentes), le surréalisme semble avoir pris pour modèle cet « obus à fragmentation » dont parlait Bergson (dans Matière et mémoire, 1896). L’impact de celui-ci procède par pulvérisation, diffraction, dissémination et hyper-multiplication.
Les écrivains, critiques et historiens de l’art, eux aussi, n’ont cessé de faire et défaire l’histoire du surréalisme, découvrant (ou ajoutant) - après coup - toute une foule de « surréalistes » inconnu(e)s, « méconnu(e)s » ou à la marge. — Cela finit par faire beaucoup de monde.
Les Femmes, après avoir été d’abord « tolérées » ou appréciées comme « Muses », se sont vues intégrées progressivement au cœur du processus de fabrication des œuvres et des images. Furent-elles toutes « surréalistes » ? À quel titre et sous quelle forme interviennent-elles dans le mouvement ? Il en est pour qui la question ne se pose pas. Leonora Carrington, Toyen, Léonor Fini, etc. Il en est d’autres dont l’appartenance au mouvement demeure plus flottante.
2013, Aquarelle et Mine de plomb sur papier
Photo DR.
Le numéro de la revue Obliques (14-15, 1977), consacré à La Femme surréaliste faisait de la merveilleuse Colette Thomas l’une de ces « femmes surréalistes ». Redécouverte aujourd’hui, cette figure attachante n’est plus reliée à cette mouvance. Elle y retrouve une saveur et une identité différentes. Sonia Mossé, autre figure rayonnante, qui ne fit que « passer » et qui connut une fin tragique dans les camps de concentration, est présente dans cette exposition par « un dessin ». Manière de rappeler que le destin de cette femme créative aurait pu offrir plus que ces quelques traces d’elles qui aujourd’hui nous fascinent.
Est-ce à dire que le style du mouvement et les canons surréalistes (imaginaire, inconscient, surréalité, fantastique, goût du bizarre et des expressions singulières) parut d’emblée suffisamment large et plastique pour que tout un chacun puisse aisément s’y fondre et s’y modeler.
Le mouvement conserverait de la sorte une dimension expérimentale qui lui permettrait de demeurer ouvert, mouvant. À la façon d’un Serpent à plumes, aux sinuosités multiples et colorées.
Certains rapprochements paraissent toutefois ici un peu hâtifs. Les séjours respectifs d’Antonin Artaud (en 1936) chez les Indiens Tarahumaras et la visite d’André Breton (durant la deuxième guerre mondiale, cf. "Carnet de voyage" de 1945) auprès des Indiens Hopis (avec la découverte des poupées katchinas) renvoient à des expériences et des contextes absolument différents. Artaud n’appartient plus en 1936 au mouvement surréaliste. Il en parle lors de ses conférences à Mexico, mais sur le mode d’une référence et comme le souvenir d’une étoile.
La dernière image que je choisirai, vous ne la trouverez pas dans l’exposition, pas plus que dans les autres expositions à venir. - Créée en 2013 par Caroline Boileau, artiste québécoise vivant à Montréal, elle s’est d’autant plus facilement imposée à moi que je l’ai reçue par mail en revenant précisément du vernissage de l’exposition de Beaubourg.
Directement issue d’un rêve (ou cauchemar) de l’artiste, ce lavis rehaussé d’onctueux filaments paraissait surgir de ce monde-là que je venais de parcourir. Il me plaît ainsi de désigner l'un des multiples prolongements que génère le courant surréaliste.
Dossier sur le site du Centre Pompidou
Catalogue de l'exposition
Livre : André Masson, les dessins automatiques
2 commentaires:
Je vais encore être un peu hors-sujet, mais je voudrais apporter mon témoignage de ce qui selon moi constitue un processus de création. Il m'a fallu plus de 30 ans pour comprendre ma maladie et j'ai enfin compris, mais ça ne servira plus à grand-chose : j'ai l'impression d'être devenu trop vieux. Au début de l'année 1993, Élisabeth de Fontenay m'avait fait un cadeau exceptionnel, à moi qui suis de la race des créateurs mais qui l'ai toujours refusé de toutes mes forces. Ce cadeau c'était un simple don, qui m'avait permis de développer des forces créatrices permettant de cautériser la maladie. Je l'ai refusé de toutes mes forces d'une part parce que ça ne faisait pas plaisir à mon père, ça lui faisait peur et surtout de l'ombre : c'était absolument incompréhensible pour lui, et il me poussait de toutes ses forces à ce que je me détruise moi-même ; mais surtout parce que cela a toujours fait très peur à la société - ce qui a poussé à écrire Artaud je crois bien, que Van Gogh était au fond un suicidé de la société. Je crois avoir compris que chez Artaud aussi, la pulsion d'autodestruction était très forte. C'est d'autant plus fort que les phases créatrices peuvent être très rares, ce qui produit un sentiment de frustration auto-destructeur : notamment en allant chercher dans les psychotropes un stimulant, alors qu'il s'agit toujours davantage d'un poison ; certes à double tranchant comme tout pharmakon qui se respecte. Aussi parce que du côté de ma mère, psychologue freudo-lacanienne, ça lui faisait peur également, cette anormalité dans un milieu pour qui la normalité selon la définition de Freud, c'est aimer et travailler. Or un créateur est incapable de travailler comme les autres, comme le montrent très bien certains films de Pasolini où il va excaver le processus de création chez l'artiste : il a besoin d'autres nourritures et il est surtout incapable d'être normal. Je tiens avant tout à présenter mes excuses à Élisabeth de Fontenay et à Olivier Chedin - car d'une certaine façon j'ai trahi leur confiance, qui avaient compris ma maladie et s'étaient échinés à m'en sortir, qui est exactement de même type que celle d'un Artaud, d'un Rousseau, mais aussi d'un Hitler, et c'est là où le bât blesse. Or nous étions dans les années 90 et je faisais des études de philosophie à la Sorbonne là où vous officiiez en tant que professeur de philosophie de l'art, André Glucksmann notamment venait d'écrire le XIIIème commandement, l'époque n'était pas finalement à reconnaître les génies et à les développer, mais d'une certaine façon à les pourchasser en raison d'une tare qui les apparente à Hitler. Or je peux vous dire que j'avais très bien compris tout ça, et que j'étais ambivalent entre mon désir de m'en sortir et celui de ne pas ressembler à Hitler. Je peux vous dire aussi que j'ai fait une expérience avec le cannabis à ce moment-là, qui a totalement annihilé mes forces, d'autant plus que par le passé j'avais été un très gros consommateur de cannabis, de 17 à un peu plus de 18 ans, ce qui avait déjà complètement annihilé toutes mes forces et même replongé dans un genre de psychose originel, qui est au fond l'état premier du créateur, son état latent. Ce joint que j'avais fumé après un processus de création qui m'avait conduit à produire une œuvre d'art produisant un effet de catharsis salvatrice sur mon esprit, a eu un effet totalement contre-productif : il a complètement détruit chez moi tout l'effet bénéfique pour l'esprit du processus de création - parce que j'étais en réalité dans un état bien trop fragile, en pleine gestation créatrice. Effectivement pour un créateur, le processus de création est la seule médecine possible, il n'y en a pas d'autres, ni le travail, ni même l'amour. Ou alors l'amour, mais en ce qu'il permet d'alimenter ce processus de création - ce qui est toujours extrêmement frustrant pour un(e) partenaire. Pour un créateur, hormis la création, point de salut !
Pardon j'ai écrit le XIIIème commandement, c'était évidemment le XIème commandement d'André Glucksmann.
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