"À proximité passent les nuages, qui glissent et s'abîment sempiternellement dans les eaux du canal. Chaque ruelle ou allée marine fonctionne ainsi, comme une glace trouble et sans tain qui reflète les apparences en les diluant et déformant." ("Le Bateau des morts", in Borges & Borges illimited)
Parcours sans faute pour l'installation de la Fondation Pinault (Palazzo Grassi et Punta della Dogana) dans la courbe et à la pointe du Grand Canal.
François Pinault règne désormais sur deux lieux vénitiens d'exception. À l'élégance dix-huitiémiste du Palazzo Grassi fait écho le bâtiment de la Douane de mer, cette "friche industrielle" de prestige qui s'avance tel un éperon à l'extrême pointe du Grand Canal.
Avec ses fenêtres ouvertes en arc de cercle sur la lagune, ses voûtes en carènes de bateau, ses larges salles, La Douane de Mer était prédestinée au déploiement des fastes de l'art contemporain. Tadao Ando, l'architecte, y a ménagé, de salle en salle, des systèmes de perspectives, des "vedute" qui multiplient astucieusement les points de vue sur les œuvres.
Murakami et la drôlerie de ses figurines géantes y côtoient le cheval à la tête plantée dans le mur de brique de Maurizio Cattelan. Ou la démarche, plus conceptuelle, de Rachel Whitehead : empreintes du dessous de chaises, moulées dans des résines de différentes teintes.
À contempler toutefois la perfection quasi clinique de cette muséographie, on souhaiterait qu'un vent de folie ou de révolte s'empare des œuvres, qu'elles se faufilent toutes, le soir venu, sur des barges, qu'elles s'échappent du Musée, s'aventurent sur le Grand Canal et envahissent Venise.
Qu'on puisse les voir et les admirer dans toute la Cité, et toutes ensemble, ces quelque 2000 pièces de la Collection Pinault. Dans la débauche d'un carnaval d'un nouveau genre.
Que toutes ces œuvres et ces fantômes glissent au long des canaux, des venelles, surprennent le visiteur ou le passant.
Qu'elles finissent par s'échapper, par essaimer dans la lagune.
Peut-être finiront-elles, ces œuvres, diluées, perdues, noyées dans les eaux miroitantes...
Allons ! C'est un rêve.
Mais j'ai bien vu, au petit matin, surgir du fin fond de la brume et surnager dans le ciel de la lagune, la soldatesque des frères Chapman, leurs Goya grimaçants, leurs crucifix décapités. Et la cruauté d'un monde qui ne voulait pas finir.
Site du Palazzo Grassi
Livre : Borges & Borges, illimited
Parcours sans faute pour l'installation de la Fondation Pinault (Palazzo Grassi et Punta della Dogana) dans la courbe et à la pointe du Grand Canal.
François Pinault règne désormais sur deux lieux vénitiens d'exception. À l'élégance dix-huitiémiste du Palazzo Grassi fait écho le bâtiment de la Douane de mer, cette "friche industrielle" de prestige qui s'avance tel un éperon à l'extrême pointe du Grand Canal.
Avec ses fenêtres ouvertes en arc de cercle sur la lagune, ses voûtes en carènes de bateau, ses larges salles, La Douane de Mer était prédestinée au déploiement des fastes de l'art contemporain. Tadao Ando, l'architecte, y a ménagé, de salle en salle, des systèmes de perspectives, des "vedute" qui multiplient astucieusement les points de vue sur les œuvres.
Murakami et la drôlerie de ses figurines géantes y côtoient le cheval à la tête plantée dans le mur de brique de Maurizio Cattelan. Ou la démarche, plus conceptuelle, de Rachel Whitehead : empreintes du dessous de chaises, moulées dans des résines de différentes teintes.
À contempler toutefois la perfection quasi clinique de cette muséographie, on souhaiterait qu'un vent de folie ou de révolte s'empare des œuvres, qu'elles se faufilent toutes, le soir venu, sur des barges, qu'elles s'échappent du Musée, s'aventurent sur le Grand Canal et envahissent Venise.
Qu'on puisse les voir et les admirer dans toute la Cité, et toutes ensemble, ces quelque 2000 pièces de la Collection Pinault. Dans la débauche d'un carnaval d'un nouveau genre.
Que toutes ces œuvres et ces fantômes glissent au long des canaux, des venelles, surprennent le visiteur ou le passant.
Qu'elles finissent par s'échapper, par essaimer dans la lagune.
Peut-être finiront-elles, ces œuvres, diluées, perdues, noyées dans les eaux miroitantes...
Allons ! C'est un rêve.
Mais j'ai bien vu, au petit matin, surgir du fin fond de la brume et surnager dans le ciel de la lagune, la soldatesque des frères Chapman, leurs Goya grimaçants, leurs crucifix décapités. Et la cruauté d'un monde qui ne voulait pas finir.
Site du Palazzo Grassi
Livre : Borges & Borges, illimited
3 commentaires:
En novembre 2009, cette étrange - cette "évidente" prémonition, cette "vision" qui me fit voir - dans la lagune, à proximités immédiates du Palazzo Grassi et de la Punta della dogana - ces figurines comme échappées de l'espace muséal. La lente venue au jour des "Trésors de l'épave de L'Incroyable" de Damien Hirst comble ici mes rêves et mes attentes…
Et, en attendant de contempler ces vestiges "sous-marins", je m'en vais aller dans les eaux normandes contempler et ramasser les coquillages et mollusques - bien vivants et bardés de mousses, de concrétions calcaires, d'algues et d'anémones de mer diversement colorées…
Et la lagune, récemment : l'acqua alta, l'invasion sinueuse dans les canaux, les palais, les sous-sols, las places et placettes de la Sérénissime. - Venise envahie par les eaux…
mars 2020
La lointaine vision - qui me fit contempler les eaux miroitantes de la lagune, envahies d'une quantité de monstres échappés de la Punta della Dogana - cette vision est aujourd'hui dépassée par la réalité d'un territoire vénitien désert et désolé. La peste a de nouveau (sous les espèces d'un nouveau virus) envahi les ruelles et les places. Les eaux ne reflètent plus que la silhouette des Palais et le lent défilement des nuages sur la lagune. Églises et musées sont désormais murées sur leurs trésors. La maladie rôde.
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