(Picquier, 2012)
« Le temps est sorti de ses gonds. Et ce grand tremblement du sol a libéré les mémoires de la terre. (...)
L'événement a été perçu comme une épreuve majeure subie par la nation japonaise, la troisième sans doute de l'âge moderne, les deux précédentes étant la Restauration du Meiji de 1868 et la défaite de 1945. » (Ishida Hidetaka)
Écrivains, journalistes, professeurs d'universités, artistes, anthropologues se sont exprimés dans la presse japonaise dans les jours et les mois qui ont suivi la catastrophe du 11 mars 2011 : tremblement de terre de magnitude 9, suivi d'un tsunami et d'un accident nucléaire majeur à la centrale de Fukushima-Daichi. Ce sont quelques-uns de ces articles qui sont ici traduits.
Tous ont été sidérés par l'ampleur et le caractère exceptionnel de la catastrophe. Au point d'éprouver une immense difficulté pour mettre des mots sur une expérience hors du commun. Conscients de l'importance de ce qu'ils vivaient et découvraient, comme Japonais mais aussi en tant qu'habitants du monde, ces intellectuels ont vite compris qu'il leur fallait s'exprimer sur la question, en communiquant leurs analyses et leurs impressions.
Nous autres, en Europe, avons été abreuvés des impressions, des réactions et des analyses d'à peu près tout le monde. Il était fondamental (sur le plan humain comme sur le plan des idées et de la réalité) que cette parole et cette pensée des Japonais nous parviennent.
Cette parole est forte, directe et sans compromission. Tous ont conscience d'une faille et d'une fracture instaurées par la catastrophe. Le séisme est d'abord géographique, physique, concret, humain. Il a détruit des vies, dévasté toute une région. La catastrophe nucléaire qui a suivi, catastrophe en devenir et qui continue son travail souterrain de destruction et de contamination, entre en résonance dans la mémoire japonaise avec cet autre cataclysme que furent les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki en 1945.
Des ethnologues nous montrent ici que la population japonaise a toujours fait en sorte d'apprivoiser ce sol sismique sur lequel elle vivait. L'histoire du pays est ainsi jalonnée de ces tremblements de terre et tsunamis dont on trouve bien des traces dans les contes et le folklore.
Cette dimension anthropologique se double de celle de l'histoire politique du Japon, analysée ici sans aucune concession. Les responsabilités sont clairement désignées. Et l'on comprend que la défiance de l'individu vis-à-vis de l'État aura connu à cette occasion un point de non-retour.
Des lignes de fractures sont apparues dans la société japonaise, qui ont renforcé les anciennes lignes de partages entre les régions, les couches sociales, etc. Ces lignes de fractures, nous dit Ikeda Yûichi, sont d'ordre « ontologique ». Elles affectent « l'être même » et notre rapport à l'existence. Face au danger insidieux et invisible de la radioactivité, nous avons perdu le sens des frontières. Celles-ci sont invisibles, fluides et s'étendent à la façon d'une tache, sur le sol, dans les airs, la mer. Nul n'est plus assuré de vivre et d'être sur un sol stable et dans un air sain.
« À l'occasion d'un tremblement de terre, nous a été montrée une sorte de coupe transversale de la société japonaise. Et cette société est en relation directe avec le monde. Regardons attentivement ce qui a été mis en évidence à cette occasion, réfléchissons-y bien, et, prudemment, faisons ensuite le premier pas. » (Ikezawa Natsuki)
Nota bene : On ne saurait trop recommander la lecture de ce livre. Fort et terrible. Habité par cette clarté et cette poésie qui hantent l'âme japonaise.
*Tous les bénéfices de la vente de cet ouvrage seront reversés aux sinistrés du Tôhoku (Note de l'éditeur).
Editions Picquier
L'événement a été perçu comme une épreuve majeure subie par la nation japonaise, la troisième sans doute de l'âge moderne, les deux précédentes étant la Restauration du Meiji de 1868 et la défaite de 1945. » (Ishida Hidetaka)
Écrivains, journalistes, professeurs d'universités, artistes, anthropologues se sont exprimés dans la presse japonaise dans les jours et les mois qui ont suivi la catastrophe du 11 mars 2011 : tremblement de terre de magnitude 9, suivi d'un tsunami et d'un accident nucléaire majeur à la centrale de Fukushima-Daichi. Ce sont quelques-uns de ces articles qui sont ici traduits.
Tous ont été sidérés par l'ampleur et le caractère exceptionnel de la catastrophe. Au point d'éprouver une immense difficulté pour mettre des mots sur une expérience hors du commun. Conscients de l'importance de ce qu'ils vivaient et découvraient, comme Japonais mais aussi en tant qu'habitants du monde, ces intellectuels ont vite compris qu'il leur fallait s'exprimer sur la question, en communiquant leurs analyses et leurs impressions.
Nous autres, en Europe, avons été abreuvés des impressions, des réactions et des analyses d'à peu près tout le monde. Il était fondamental (sur le plan humain comme sur le plan des idées et de la réalité) que cette parole et cette pensée des Japonais nous parviennent.
Cette parole est forte, directe et sans compromission. Tous ont conscience d'une faille et d'une fracture instaurées par la catastrophe. Le séisme est d'abord géographique, physique, concret, humain. Il a détruit des vies, dévasté toute une région. La catastrophe nucléaire qui a suivi, catastrophe en devenir et qui continue son travail souterrain de destruction et de contamination, entre en résonance dans la mémoire japonaise avec cet autre cataclysme que furent les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki en 1945.
Des ethnologues nous montrent ici que la population japonaise a toujours fait en sorte d'apprivoiser ce sol sismique sur lequel elle vivait. L'histoire du pays est ainsi jalonnée de ces tremblements de terre et tsunamis dont on trouve bien des traces dans les contes et le folklore.
Cette dimension anthropologique se double de celle de l'histoire politique du Japon, analysée ici sans aucune concession. Les responsabilités sont clairement désignées. Et l'on comprend que la défiance de l'individu vis-à-vis de l'État aura connu à cette occasion un point de non-retour.
Des lignes de fractures sont apparues dans la société japonaise, qui ont renforcé les anciennes lignes de partages entre les régions, les couches sociales, etc. Ces lignes de fractures, nous dit Ikeda Yûichi, sont d'ordre « ontologique ». Elles affectent « l'être même » et notre rapport à l'existence. Face au danger insidieux et invisible de la radioactivité, nous avons perdu le sens des frontières. Celles-ci sont invisibles, fluides et s'étendent à la façon d'une tache, sur le sol, dans les airs, la mer. Nul n'est plus assuré de vivre et d'être sur un sol stable et dans un air sain.
« À l'occasion d'un tremblement de terre, nous a été montrée une sorte de coupe transversale de la société japonaise. Et cette société est en relation directe avec le monde. Regardons attentivement ce qui a été mis en évidence à cette occasion, réfléchissons-y bien, et, prudemment, faisons ensuite le premier pas. » (Ikezawa Natsuki)
Nota bene : On ne saurait trop recommander la lecture de ce livre. Fort et terrible. Habité par cette clarté et cette poésie qui hantent l'âme japonaise.
*Tous les bénéfices de la vente de cet ouvrage seront reversés aux sinistrés du Tôhoku (Note de l'éditeur).
Editions Picquier
2 commentaires:
Après Fukushima les morts se multiplient
Leucémies, pneumonies, saignements de nez, des diarrhées, de la toux, des thyroïdes enflées.
Même la famille impériale est touchée.
Votre message est utile. Face au processus de dénégation, il faut rappeler. Ne cesser de rappeler.
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