14 h : ouverture du Colloque de la Fondation Singer-Polignac par Henri Lôo* et Jean-Pierre Olié*, psychiatres à Sainte-Anne* et (ce n'est pas précisé) spécialistes de l'électro-convulsivothérapie. Antonin Artaud, rappelons-le, fut interné à Sainte-Anne.
14 h 30. Première communication, concernant les "itinéraires psychopathologiques d'Artaud", co-assurée par ceux qui se présentent comme des "duettistes" : André Gassiot, psychiatre à Rodez (lieu où fut interné Artaud et où il subit 58 électrochocs) et le Dr Raffaitin, psychiatre.
On parcourt à vive allure les grandes lignes de la biographie d'Artaud : les parents, l'enfance, le collège, les premiers troubles mentaux, les maisons de cure, le théâtre, le cinéma, les femmes et la sexualité, les voyages au Mexique et en Irlande, etc, etc.
Je connais bien la question : c'est là le sommaire [et le contenu même] de mon livre, C'était Antonin Artaud. Mes livres alimentent, sustentent, fournissent la substantifique moelle des débats dont on m'exclut. Bien évidemment, c'est un comble !
Peu d'éléments de la communication de ce jour concernent à proprement parler la dimension "psychopathologique" de la vie d'Artaud. Plus fort de café : nos duettistes ne citent aucune des sources qui constituent le fond de leurs communications. J'en reconnais pourtant au passage la formulation spécifique et pourrais, à chaque fois, expliquer de quel livre (et de quelle page) cela provient. Le Dr Gassiot ajoute parfois de légers, très légers commentaires. Ponctués de gentilles erreurs. — On serait à l'Université et si nos duettistes étaient évalués, ce serait un zéro pointé.
Le temps s'écoule et (ô miracle) dès que l'on aborde la question sérieuse (et pourtant annoncée) : celle de l'asile, de l'internement et des traitements, là où les psychiatres auraient peut-être quelque information inédite à nous fournir, on passe à autre chose. Du parcours asilaire d'Artaud. bien peu sera énoncé. Les dossiers médicaux de Sainte-Anne et de Rodez resteront, comme à l'accoutumée, "forclos". Tabous. On n'aura entendu que du connu, du déjà dit, déjà écrit.
D'où l'impression d'avoir affaire (et c'est plutôt comique) à deux psychiatres atteints de psittacisme et qui, tels deux perroquets, répètent une leçon déjà écrite ailleurs.
Allez ! Si vous voulez savoir réellement ce qu'il en fut du parcours psychiatrique et psychopathologique d'Artaud, il vaut mieux lire ces ouvrages-là qui ont abondamment traité de la question.
FEUILLETON (3) : à suivre.
* Informations glanées avant le colloque : contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres hôpitaux à la suite du développement massif des antidépresseurs, l'application d'électrochocs a toujours été maintenue à Sainte-Anne. Le professeur Henri Lôo est connu pour avoir développé ce que l'on nomme l'électrochoc de consolidation. Le Docteur Olié a consacré plusieurs ouvrages ou communications à l'électroconvulsivothérapie.
Antonin Artaud. Biographies de référence :
-Jean-Louis Brau, Antonin Artaud, La Table Ronde, 1971.
- Thomas Maeder, Antonin Artaud, Plon, 1978.
- Florence de Mèredieu, C'était Antonin Artaud, Fayard, 2006.
Sur Artaud, l'asile et la psychiatrie :
- Florence de Mèredieu, Sur l'électrochoc, le Cas Antonin Artaud, Blusson, 1996
- André Roumieux et Laurent Danchin, Artaud et l'Asile, Séguier, 1996.
- Sylvère Lotringer, Fous d'Artaud, Sens & Tonka, 2003.
- Florence de Mèredieu, "Nos amis les psychiatres", in L'Affaire Artaud, Fayard, 2009.