mercredi 17 février 2010

"L'HOMME ET SA DOULEUR". ÉVELYNE GROSSMAN, "PSYCHIATRE" DE L'ŒUVRE D'ARTAUD.

Une des fonctions principales d'Évelyne Grossman, fonctions qui lui sont doublement dévolues et par son éditeur Gallimard et par la famille d'Artaud, c'est de gommer et de faire oublier toute l'histoire antérieure de l'édition des œuvres d'Artaud. Et de jeter avec l'eau du bain, l'ensemble des recherches (et des individus) qui ont œuvré pendant bien des décennies sur l'œuvre. Difficile à ce niveau de tout gommer, surtout quand on est une "spécialiste" de très fraîche date.

Ces recherches antérieures, elles ne se gênent pas pour réapparaître à tous les tournants de l'interprétation "nouvelle" qu'une certaine poudre de perlin-pinpin (répandue avec grande générosité par les médias et les institutions soutenant la très béatifique maison Gallimard) voudrait nous faire accroître.

Écoutant (pas très religieusement) la conférence de Mme Grossman à la Fondation Singer-Polignac, "Antonin Artaud : entre littérature et psychanalyse", j'ai redécouvert au détour des phrases de ma si peu consensuelle collègue ces analyses plutôt fouillées que j'effectuais en 1996 dans mon ouvrage, Sur l'électrochoc, le Cas Antonin Artaud.

Toutes ces pages qui traitent de la relation entre littérature et psychiatrie, et où je traitais abondamment des Cahiers de Rodez, de l'automatisme, de l'homme-machine, de la cybernétique, des neurones et des synapses, de l'électricité cérébrale, des glossolalies, de ce "laboratoire de la langue" que constituent les fameux cahiers, etc.

Bien des passages de l'ouvrage seraient à citer. Signalons les pages 88 à 93, le chapitre consacré à Georges Bataille, et la plus grande part de la deuxième partie de l'ouvrage (pp. 129-204) où se trouve posée la question de la "liaison et de la déliaison des énergies" dans les Cahiers de Rodez. Je considère cette centaine de pages comme le plus significatif de tout ce que j'ai écrit sur le poète.

Mon point de vue et celui de Mme Grossman diffèrent par contre TOTALEMENT au niveau de leurs conclusions. Je n'ai, en effet, pas bien saisi comment, ET PAR QUI, allait être effectué le tri de ce qui, dans les cahiers d'Artaud, relève de la santé littéraire ou de la folie (qui ne serait plus "littéraire"). Mme Grossman va-t-elle se transformer en "psychiatre" de l'œuvre d'Artaud ? Le clivage ici opéré entre un "Artaud fou" et un "Artaud sain" et miraculeusement sauvé par les traitements psychiatriques, cela relève pour moi de la plus "électrique" et de la plus ridicule fadaise.

Quant aux "neurosciences", dont j'avais bien noté, en 1996, leur interférence avec la question du traitement à l'électrochoc, je les considère avec circonspection. Je n'ai effectivement pas oublié les critiques radicales que Bergson fit en son temps de la théorie des localisations cérébrales. Cette question ne semble pas effleurer Mme Grossman. Mais il est vrai qu'elle n'est pas philosophe de formation.

Le sommaire détaillé de Sur l'électrochoc, le cas Antonin Artaud, figure sur mon blog.

J'aurais l'occasion de revenir sur tout cela.

FEUILLETON (4) : à suivre.

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